STEVE WYNN : I would’nt say it if it wasn’t true. A memoir of Life, Music and the Dream Syndicate
Le titre de l’autobio de Steve Wynn qui relate la période couvrant l’histoire du Dream Syndicate entre 1982 et 1989 annonce la couleur. ʺ Si ce n’était pas vrai je ne le dirais pas ʺ. Une manière de prévenir que certaines fables racontées par d’autres vont être ramenées à la vérité par celui qui les a vécues. Je vais donner ici pas mal d'éléments, pas tout raconter car il faut lire ce livre dont une traduction française est en cours après l’italienne déjà disponible.
Steve Wynn nous raconte d’abord sa jeunesse à Los Angeles et on s’aperçoit qu’il a vécu les mêmes trucs que nous hormis le fait qu’il résidait en Californie et pas n’importe où. Il se passionne pour le rock, fait sa tournée hebdomadaire dans les magasins de disques, c’est la quête des disques dans les bacs de soldes ou aux Puces et puis il y a les concerts, les Who, Springsteen, les trucs que sa grande sœur va voir et elle l’emmène avec elle. Ce n’est pas ce qu’il préfère lui a plutôt un penchant pour Roxy Music et le Velvet Underground mais ce sont des trucs live et cela c’est mieux que tout. Dès le plus jeune âge, il compose des chansons, la première quand il n’a que neuf ans et ce n’est pas une bluette en hommage à son toutou, c’est un blues vrai de vrai. Il considère le fim de Tarantino, « Il était une fois Hollywood » comme la parfaite machine à remonter le temps pour retrouver l’ambiance du LA où il a passé son enfance. Le premier groupe qui compte pour lui est Creedence Clearwater Revival, tiens comme Gildas, et puis quand il a élargi sa palette rock c’est Big Star qui le fascine et donc évidemment Alex Chilton.
Il raconte ses années d’ado sérieux qui préfère composer des trucs sur sa guitare, monter un groupe et jouer devant les potes plutôt que de se bourrer et tirer sur des joints. Son premier groupe s’appelle the Light Bulbs, pas spécialement trendy les Ampoules Electriques. Mais rapidement il arrête, range sa guitare et commence ses études universitaires à San Francisco. Il a un petit boulot dans un record shop (pas un store, un petit magasin à l’ancienne où il a été embauché pour sa bonne culture rock). Il fait le DJ dans un club et écrit aussi dans la feuille de choux des étudiants et il tient la page sports car après la musique il s’est entiché de baseball, passion qu’il conserve à ce jour. Il fait la connaissance de Kendra Smith à l’université, cette fille a pratiquement les mêmes goûts que lui du rock sixties jusqu’à la vague punk et new wave. Ils adorent le Clash, les Pistols et vénèrent the Fall. Ils vont voir dans un club près de l’université les musiciens British en tournée qui viennent se chauffer avant de jouer les jours suivants dans les salles prestigieuses de San Francisco. Ainsi de Graham Parker à Costello, Nick Lowe et Rockpile tout le gratin y passe et Steve avoue que les ayant vu en 78-80 ne lui donne aujourd’hui plus du tout le souhait de les revoir ni même d’écouter leurs disques qui sont maintenant dépassés.
Après trois ans à San Francisco, il s’inscrit à l’université UCLA de Los Angeles et revient donc chez lui. Pendant l’été 1981, avant la rentrée, il décide d’entreprendre un voyage en bus Greyhound vers l’est des USA. Il veut connaître New York et Washington DC mais a décidé de passer d’abord par Memphis pour rencontrer son héros, Alex Chilton. Il y a 3000 bornes en bus jusqu’à Memphis et la seule information dont il dispose est sur la pochette du dernier single de Tav Falco et ses Panther Burns qui vient de sortir. Les commentaires qu’il a lus mentionnent que c’est le nouveau groupe d’Alex Chilton et l’adresse de Tav Falco est sur la pochette. Il arrive donc à Memphis trouve à se loger au YMCA local et fonce chez Tav. Celui-ci le reçoit et lui indique le rade habituel où Chiton passe ses soirées. Steve rencontre Alex et, à partir de là, rien ne se passera comme prévu, l’histoire devient passionnante, je vous laisse la découvrir. Au bout d’une semaine il remballe ses affaires et continue son roadtrip vers Nashville, Washington et New York en logeant toujours à bon marché dans les YMCA.
De retour à LA, un peu désabusé (« il vaut mieux ne pas rencontrer ses héros… »), il commence son nouveau cycle universitaire et se fait embaucher dans la boutique que Rhino vient d’ouvrir pas loin de chez lui. Kendra Smith a également rejoint UCLA. Steve continue à composer de nouveaux titres, enregistre des cassettes pour les faire connaître et plusieurs musiciens locaux accrochent à son style. Ils répètent ensemble, il y a là le germe de ce qui deviendra le Paisley Underground avec tous ces groupes qui émergeront bientôt comme True West, Rain parade ou Green on Red. C’est avec Karl Precoda que le courant passe le mieux. Kendra à la basse , Karl et Steve aux guitares décident de former un groupe. Le batteur Dennis Duck des Human Hands est coopté par Kendra et il est enthousiasmé par la musique des cassettes. Le Dream Syndicate est né.
Rapidement le nouveau combo enregistre un EP avec Sure thing, un titre de Karl et trois originaux de Steve (That’s what you always say, Some kinda itch, When you smile). La musique est inspiré par le Velvet Underground pour ses stridences et son rythme hypnotique. Bien en place sur les comptoirs de la boutique Rhino, le disque permet au groupe de se faire connaître et les gigs suivent.
En 1982, ils mettent en boîte leur premier album en trois nuits pour Ruby records, le label auxiliaire de Slash records. Ce sera le disque emblématique du Dream Syndicate, Days of Wine and Roses qui les fera connaître partout des USA à l’Europe.
Steve Wynn explique que toutes les chansons de ce disque lui ont été inspirées par des morceaux qu’il adorait à l’époque. Il s’est servi des riffs, des enchaînements mais finalement il a su éviter le plagiat parce qu’après le point de départ, il a divagué et créé un original. Tous les titres sont décortiqués dans le livre et c’est fascinant de voir le résultat final en miroir de la source d’inspiration. Je donnerai deux exemples, mais personne n’aurait pu identifier la source.
- Tell me when it’s over : le morceau d’ouverture face A vient de Save it for later, le morceau de ska de the English Beat, et le solo en slide au milieu de Ramble Tamble de Creedence.
- Days of Wine and Roses : rappelle Tombstone Blues de Bob Dylan.
Edition française chez Closer
Les reviews dans la presse locale sont enthousiastes pour l’album. Les clubs les plus fameux de LA font jouer le groupe comme le Roxy ou le Club Lingerie. Ils partent pour une tournée de 6 semaines à travers les US depuis Austin Texas jusqu’à Boston et Baltimore. En dix-huit mois le groupe parti de scratch réunit des fans partout et la presse rock US et anglaise fait des compte rendus élogieux de leurs prestations. La tournée va également bien rincer les musiciens qui tiennent le coup grâce à l’alcool et au speed.
Kendra Smith décide de quitter le groupe car elle ne veut plus tourner et préfère s’investir dans le projet de son boyfriend Dave Roback (RIP), ce qui deviendra Opal puis Mazzy Star après le départ de Kendra remplacée par Hope Sandoval.
Le nouveau bassiste est Dave Provost. Durant leurs concerts, ils prennent l’habitude de partir en improvisation et d’allonger les morceaux, ce qui leur vaudra une étiquette de néo-psychédélisme. Ainsi en partant du thème de Season of the witch de Donovan et d’un riff inspiré par Little Johnny jewel de Television, se bâtit le morceau John Coltrane Stereo Blues. Le groupe a maintenant un manager pro qui les fait signer sur une major, A&M. C’est une période faste, le label les soigne et des séances d’enregistrements pour un nouvel album commencent avec Sandy Pearlman à la production. Pearlman a produit les albums de Blue Oÿster Cult, des Dictators et le 2e album du Clash.
Mais Steve Wynn ne s’attendait pas à ce que ces séances se transforment en véritable chemin de croix. Il faudra près de cinq mois pour que le disque soit prêt. Pourtant les morceaux sont là dès le début et le groupe bien en place mais le problème est Pearlman. Le producteur, qui biberonne de la Smirnoff, est plus que tatillon, il remixe sans cesse les morceaux , fait de nouvelles prises et travaille sur des détails de son que seul Karl Precoda apprécie et rapidement le guitariste se joint au producteur dans la cabine de mixage laissant ses potes déconfits. La lassitude grimpe et Steve Wynn se demande comment Strummer et Jones ont réussi à ne pas craquer pendant les séances de Give’em enough rope.
Le disque, Medecine Show, est publié en 1984 et ne sera pas apprécié par les fans de la première heure, les critiques seront mitigées, ʺQu’est-il arrivé au Dream Syndicate ? c’est un autre groupeʺ.
Dave Provost part et est remplacé par Mark Walton à la veille d’une tournée US où ils font la première partie de REM. Steve n’a plus le feu sacré, il picole de plus en plus, arrive bourré sur scène ce qui dégoûte Karl Precoda. En fait Steve devient plus proche des musiciens de REM que de ses acolytes. Il y a de bons concerts pourtant comme à Chicago où le groupe retrouve son charisme grâce à un public en délire.
Suit la première tournée européenne où Medecine show
a reçu des critiques dithyrambiques de la presse rock. De Londres à Oslo,
Rotterdam, Münster, Paris et Madrid les concerts sont sold out. Le show de
Madrid filmé pour la télévision espagnole
est visible ici mais voici le début :
Karl et Steve se supportent de moins en moins, le premier jouant à la rock star caricaturale sur scène et le second prenant de plus en plus la poète attitude alcolo Morrison/Bukowski. Une tournée de 10 jours à Tokyo suit juste avant Noël 84 et Steve à son retour décide de dissoudre le groupe et se lance dans des projets semi solos comme Danny and Dusty, Dusty c’est lui et Danny, Dan Stuart de Green on Red. Il continue à composer et bientôt il reforme le groupe en 1985 avec Paul B. Cutler en remplacement de Karl Precoda. Cette formation tournera et enregistrera encore deux disques Out of the Grey et Ghost stories dont l’élaboration et l’enregistrement sont également passionnantes à lire. Cette partie de l’histoire s’achève en 1989 avec la dissolution du groupe. La suite du parcours musical de Steve Wynn et la reformation du Dream Syndicate en 2012 feront l’objet d’un autre ouvrage.
A la fin du livre je trouve enfin la réponse à une question que j’ai posée plusieurs fois à Steve sans avoir de véritable explication. La question était : - ʺ Pourquoi toi ou le Dream Syndicate n’avez-vous pas joué plus souvent en France ? ʺ
Et là, après avoir expliqué l’enthousiasme des fans grecs, italiens ou scandinaves il est écrit :
- ʺ Nous avons joué trois fois en France, avec ce show incroyable à l’Elysée-Montmartre où les Go-Betweens ouvraient pour nous. La France est comme une noix sacrément dure à casser. C’est un pays qui soutient beaucoup sa propre scène musicale et son héritage musical, souvent en excluant les outsiders. Mes amis les Fleshtones sont l’exception qui confirme la règle. J’ai fait moins de concerts en France que partout ailleurs en Europe et ce n’est pas faute d’avoir essayé. ʺ
Par exemple, sans commentaires, voici le poster de sa prochaine tournée européenne en 2025:
Steve a entrepris, depuis la sortie de son livre, et de son nouvel album "Make it right" de faire une tournée solo qui vient de s'achever fin octobre. Il mêle ses chansons avec des passages lus tirés du livre et des anecdotes. Là encore l'imitation de la voix d'Alex Chilton vaut son pesant de cacahuètes. Ainsi le show du 8 octobre 24 à NYC avait la setlist suivante:
01 reading - sudden death overtime
02 Jumpin' Jack Flash [The Rolling Stones]
03 Sing My Blues
04 Talking Loud
05 Sunday Morning [The Velvet Underground]
06 story and reading - alex chilton
07 Jesus Christ [Big Star]
08 That's What You Always Say
09 Save It for Later [The Beat] - Tell Me When It's Over
10 Definitely Clean
11 story and reading - slash records
12 When You Smile
13 story - Sandy Pearlman
14 Merrittville
15 Make It Right
16 reading - medicine show
17 John Coltrane Stereo Blues
18 Out of the Grey
19 the hot seat (with Tammy Faye Starlite as Nico)
20 When the Curtain Falls
21 The Days of Wine and Roses
On peut l'écouter en le chargeant sur ce Lien , c'est parfait pour accompagner la lecture du livre. Enjoy !
Le livre en VO est disponible sur le site de l'éditeur Jawbone Press. La traduction en français arrivera bientôt.
Jacques_b
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