DAY BY DAY - LES MONKS - LET'S GO, IT'S BEAT TIME, IT'S HOP TIME. IT'S MONK TIME NOW!
Que peut être
plus éloigné de la culture rock qu’un moine ? Il existe bien sûr le livre
gothique de 1796 écrit par Matthew
Gregory Lewis intitulé «Le moine » (The Monk : a romance) narrant les
manipulations d’un moine sur ses paroissiennes afin de satisfaire sa libido. Livre
qui a sûrement été une influence pour le film « Les Diables »(The
Devils) de Ken Russell en 1971, réalisateur du film « Tommy »
des Who en 1975... Mais c’est certainement un peu trop pousser.
En 1966, il y eu aussi le film «Raspoutine, le moine fou (Rasputin, the Mad Monk) avec Christopher Lee (plus connu pour son interprétation de Dracula). Là aussi, le film est sorti alors que le groupe THE MONKS existait déjà. Ce n'est pas non plus le groupe de yé-yé francais THE MONKS officiant depuis 1959 sur les disques Vogue qui les a marqué (ils n'en connaissaient même pas l'existence).Il n’y a donc tout simplement aucune inspiration pour ce groupe… Quelque-chose d’assez unique, car même les plus grands tel que Beatles ou Stones ont des influences marquantes reconnaissables dans leur musique.
Nous sommes en
1961 au fin fond de l’Amérique, plusieurs jeunes hommes demeurant à divers
endroits se demandent ce qu’ils vont pouvoir faire de leur vie. Ils se nomment Gary Burger , Larry Clark, Eddie Shaw , Dave
Day et Roger Johnston..
De qui peut-on s’inspirer
à leur âge ? James Dean n’est plus de ce monde depuis 6 ans, les figures
de proue du rock ont toutes disparues. Seul Elvis reste encore un peu présent grâce au grand écran. En effet, après son retour d’Allemagne (où il a effectué son
service militaire hautement médiatisé), il se concentre sur des films insipides
tel « G.I. Blues » qui vient de triompher au box-office.
Pourquoi pas partir comme Elvis de l’autre côté de l’Atlantique ? L’armée étant la solution possible à ce rêve quand on n’a pas le sou… C’est donc très rapidement dans la caserne américaine de Geinhausen en Allemagne que l’on va retrouver notre beau monde.
Ils se rendirent
vite compte que l’armée était bien loin de celle des films de guerre vus dans
les drive in. L’ennuie et les répétitions de même taches ainsi que l’amour de
la musique font que deux des musiciens vont se retrouver dans la capelle de la
caserne après leur journée de boulot. Gary (chant, guitare solo) et Dave (guitare)
peuvent en utiliser les instruments et se rendent vite compte qu’ils ne sont
pas si mauvais. Les trois autres vont vite être recrutés, Larry sera au clavier, Eddie à la basse et
Hans (un civil Allemand) à la batterie.
Le nom choisi «The 5 Torquays »apparait
bientôt aux affiches des bars alentours Il vient d’un morceau des Fireballs que le
chanteur affectionne particulièrement. Pour les périodes de Noel, ils le
changeront souvent en "Jinglebells" plus attrayant pour les quelques semaines. Leur
set était constitué de reprises de rock n’roll des années 50 ainsi que de
quelques compositions originales.
Le bar restaurant
Maxim est l’endroit où jouer dans la ville, ils en deviennent vite les musiciens
privilégiés. Ce n’est pas une mince ardeur, jouer des sets de 45 minutes six à
sept fois par jour, mais tout comme les Beatles ils vont de cette façon devenir
bien meilleurs que la masse de ces centaines de groupes qui se forment dans
tout le pays.
En effet, il faut
savoir bouger et faire bouger le public pour qu'il s’amuse et consomme
plus.
Ils tournent bien
et ont un plaisir fou, bientôt la fin de leur service arrive. Est-ce la
fin de tout ? Hans Reich leur donne la réponse, lors d’un énième concert
au Maxim, il leur propose de devenir leur manager et amène avec lui Roger
Johnston qui va remplacer Hans à la batterie.
En y
réfléchissant bien, ils ont tout ce dont ils ont besoin …des ami(e)s, du
plaisir, la jeunesse et gagnaient de par leur musique bien plus d’argent qu'avec des métiers dits normaux.
Pourquoi ne pas
continuer à vivre tout cela ? Ils n'ont aucune responsabilité et sont libres comme
le vent ! L’offre est acceptée.
C’est à Heidelberg (du côté de Francfort) que les 5 Torquays enregistrent leur premier et unique 45 tours "There She Walks" / "Boys Are Boys" fin 1964.
Ils enchaînent un concert
après l’autre jusqu’à celui mémorable de Stuttgart au club Rio.
Ce jour-là, deux
jeunes hommes font leur entrée dans l’histoire de nos Américains. Ils se
nomment Karl Remy et Walther Niemann et recherchent un groupe à leur goût, pour le manager.
Ils n’ont pas
envie de signer n’importe qui. La plupart des groupes étaient certes bons mais
tellement interchangeables. Ils reprenaient tous les mêmes morceaux et les
compositions originales étaient rares sinon inexistantes.
Leur projet : un groupe ayant une présence, sachant bien joué et surtout ne singeant pas les Anglais ou les Américains avec leurs accents montrant bien leurs origines allemandes (écoutez juste les LORDS ou RATTLES). Ils voulaient de vrais Anglais ou Américains.
Vous pouvez
deviner la suite, en deux temps trois mouvements nos ex GI furent signés. Pendant
les négociations, les deux managers furent bien clairs. C’était terminé les gentils
sourires ainsi que les reprises des Kinks, Beatles et Stones (et oui, le groupe
vivait entre-temps de la musique de son temps).
Tout était à
changer… Bien avant un célèbre manager Anglais, d’autres avaient aussi décidé
de créer leur groupe de A à Z.
Le plan ?
Simple, ils voulaient tout « déconstruire ». Maintenant, ils allaient
travailler à sept une offre unique pour l’industrie musicale. Tout le monde s’enferma
dans une salle de répétition.
Le But ? Il
fallait créer une musique rythmique dont la tension monterait tout au long des
morceaux.
De nouveaux
instruments furent achetés ainsi que des pédales WAH WAH et un FUZZ BOX (lors
de leurs concerts, ils avaient remarqué que les bruits de distorsion attiraient
l’attention du public). Un banjo électrique (remplaçant la guitare rythmique)fut
donné à Day afin qu’il accompagne el le frappant à contretemps la basse, qui
comme la guitare devait être jouée le plus fort possible. Les cymbales de la
batterie furent supprimées et des tom toms ajoutés à la grosse caisse. L’orgue
au son monacal se devait d’être strident tout comme le chant. Finalement, il fut
demandé au chanteur de plutôt parler que pousser la mélodie … en sus, quelques
cris seront bien appréciés.
Tout ce qui était
la norme de l’époque éclatait dans leurs mains en lambeaux…
Nous étions bien
loin du « Good Vibrations » des BEACH BOYS qui était le morceau du
moment.
Les harmonies du
chant étaient à l’opposé de nos californiens très monacales (êtes-vous étonné ?),tout
en gardant en même temps un petit côté « Beat ».
Les Beatles
chantaient vouloir prendre la main de leur amie, ils se concentreront sur des
sujets dadaïstes et antimilitaristes (la guerre du Vietnam était d’actualité).
En septembre
1965, des démos sont enregistrées afin de les présenter à la maison de disques POLYDOR qui les font passer
trois jours en studio à Cologne pour enregistrer ce qui sera leur premier
simple ainsi que l’album « Black Monk Time ». Ils ne sont pas encore
signés car le label hésite encore.
Pendant leur temps
de retranchement le nom de MONKS fut choisi, bien que Larry ne l’appréciât pas
beaucoup (son père étant prêtre).
Le choc ne
pouvait pas être plus grand et tout avait été minutieusement préparé, jusqu’à
la présence de la presse à travers le BILD ZEITUNG (ils les avaient « achetés »
avec une caisse d’alcool).
La musique étant
radicalement différente, ce fut à l’image qu’il fallait s’attaquer.
Tout avait été
analysé pour être différent. La mode était aux cheveux longs et looks
androgynes, le groupe s’acheta à Frankfort des soutanes, le plus dur moment
pour eux fut la tonsure par le passage sous les ciseaux d’un coiffeur(fallait
oser !). Il y eu beaucoup d’hésitations mais lorsque le premier musicien
du groupe accepta sa tonsure, les autres suivirent son premier pas. Dés lors, beaucoup de gens dans la rue n’osèrent même plus les regarder quand
ils les croisaient.
Ils se voulaient « anti-Beatles »
et un code Monks fut adopté, qui comprenait entre autre les règles suivantes :
-
Un
Monk doit être un Monk autant sur scène qu’en privé.
-
Etre toujours
habillé en noir et avoir une tonsure.
-
Ne plus
jamais être un TORQUAY !
Au bout de ces cinq
mois de préparation, plus précisément le
6 janvier 1966, la première du résultat fut présentée au TOP TEN CLUB de Hambourg
(où avaient beaucoup joué les BEATLES). Cette ville était libérale et ouverte
au monde, le choix ne pouvait pas être meilleur.
C’est aussi ce
jour-là que Polydor déciderait s’ils
allaient les accompagner. TONY SHERIDAN
(avec qui le BEATLES avaient eu leur première expérience en studio) les
détesta. L’ancienne garde ne comprenait
pas ce qui se passait devant elle (ça vous rappelle quelque-chose ?).
Pas de contact
avec le public entre les morceaux, pas de rappel, le son poussé au niveau maximal possible
et le groupe ne posa pas. Polydor les signa, ce qui veut bien dire que le
succès fut au rendez-vous.
Ils furent même invités en mars par Mike Leckebusch à apparaitre dans sa célèbre émission TV le BEAT CLUB. Le même mois sortait leur premier (et dernier) album ainsi que le single "Complication".
CHARLES WILP, un
photographe que l’on pourrait nommer l’ANDY WARHOL allemand, les invita
également en octobre à l’accompagner pendant le PHOTOKINA, le plus grand salon
de photographie du monde.
La phase suivante
fut les concerts, il ne faut pas oublier qu’ils se trouvaient en Allemagne,
pays occupé par beaucoup de soldats américains qui avaient besoin de
distraction tous les soirs. L’Allemagne était donc le seul pays où un
groupe avait la possibilité de trouver un endroit pour pouvoir jouer tous les soirs.
Bien-sûr, il ne fallait pas regarder de près et toutes les salles n’étaient pas
adéquates pour un bon son. Le promoteur Wolfgang Gluszceski les pris sous contrat et grâce à lui Ils
commencèrent à jouer pratiquement tous les jours durant six mois. Ils
passaient de grandes scènes à de minuscules le jour suivant et voyageaient de
ville en ville dans leur petite camionnette.
Nous étions loin
de Hambourg et le succès de venait pas. Peu de gens les appréciaient, ils s’en
fichaient. Leur but étant chaque soir de réussir à obtenir une réaction
du public avec un show brutal… ils jouaient dans les 60 minutes et c’était le
temps imparti pour faire fuir le publique. Que le propriétaire du bar ou de la
salle ne soit pas content, leur importait peu. La prochaine ville avec les
prochains bars les attendaient. Une mini tournée de deux semaines en Suède fin
66 leur amena un nouveau passage TV et de
bonnes critiques.
Leur album resta sans succès et sorti seulement en Allemagne (il est un énorme objet de collection aujourd’hui). La philosophie de Polydor à l’époque était de ne pas conserver les groupes qui ne marchaient pas suffisamment, deux autres 45 tours furent tout de même enregistrés en 1967. Leur style changeait des enregistrements précédents. Il y avait même une balade. En mai, Ils jouèrent sur la même scène que Hendrix qui déclara apprécier leur musique.
Tout conte
(ou cauchemar diraient certains) doit avoir une fin. Les musiciens commençaient à se lasser
de leur look et la charte ne fut plus respectée. De plus, la main de fer du
management sur le groupe commençait à disparaitre car le démon de l’alcool
avait fait ses ravages auprès de Karl Remy.
Tout de même, une
tournée au Vietnam fut organisée pour septembre 67.
Elle n'eut jamais lieu. La veille du départ, Gary annonça aux autres membres du groupe que
Larry Clark ne se présenterait pas à l’aéroport de Francfort. Il venait de
repartir au Texas. De plus le batteur Johnston avait peur d’être immoler comme les
moines vietnamiens.
L’aventure était
terminée.
Pour la première
fois de leur vie les Monks firent un rappel.
Ils jouèrent en
1999 pour la première fois aux États-Unis et leur LP sortit dans ce pays, à
travers les années suivantes quelques tournées et concerts suivirent. Une
histoire américaine qui, comme d’habitude, se termine bien…
SOURCES :
1994 - "Black Monk Time" de Thomas Edward Shaw & Anita Klemke, CarsonStreet Publishing Inc.
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