LE STAR-CLUB RACONTÉ PAR GÜNTER ZINT, SON PHOTOGRAPHE OFFICIEL




LE TEMPS DES BALS POPULAIRES EST TERMINÉ ! L'HISTOIRE DU STAR-CLUB

C'est le vendredi 13 (avril 1962) que le STAR-CLUB a mis fin aux bals populaires à Hambourg et dans ses environs.
Des affiches rouge vif annonçaient dans toute l'agglomération de Hambourg qu'un nouveau son allait désormais dominer la scène musicale.
Le fondateur du club, Manfred Weißleder, ne se doutait pas à l'époque, malgré son action publicitaire pleine d'assurance, que son club allait devenir légendaire à partir de ce jour-là.
THE JIMI HENDRIX EXPERIENCE,
 HAMBOURG AUX BORDS DE L'ALSTER
Il n'existe aucune autre salle au monde sur la scène de laquelle furent présentés autant de grands noms de la musique des années soixante.

Mais la naissance du STAR-CLUB est une histoire plutôt profane.

Au début des années soixante, Manfred Weißleder dirigeait plusieurs sex-clubs dans le quartier de Saint-Pauli à Hambourg. L'un d'entre eux, appelé EROTIC NIGHT CLUB, se trouvait à l'étage du cinéma STERN-KINO sur l'équivalent de Pigalle à Hambourg au numéro 39 de la Große Freiheit.

L'EROTIC NIGHT CLUB fonctionnait bien, le cinéma lui de moins en moins au début des années 60. Son propriétaire Cartun-Halbfass avait déjà acheté un nouveau bâtiment plus grand sur la rue Reeperbahn afin d'y installer son nouveau cinéma, le ALADIN KINO, équipé des dernières technologies. 
Il y avait toujours des problèmes avec Weißleder, car les clients de son sex-club occupaient l'entrée du cinéma. Début 1962, Cartun Halbfass a donc mis Weißleder devant l'alternative suivante : "Soit vous louez le cinéma en plus, soit le sex-club doit fermer".

Weißleder opta pour le cinéma et se retrouva ainsi avec une grande salle sur les bras ne convenant pas à l'intimité du sexe. Que faire ? 
Weißleder connaissait Horst Fascher, un habitué du quartier, passionné de musique rock, il convainquit Weissleder de transformer son sex-club en club à musique.

LES BEATLES À HAMBOURG EN 1966
Comme les endroits où des groupes jouaient tel les KAISERKELLER et TOP TEN étaient très fréquentés ces derniers temps, Weißleder flaira la bonne opportunité pour un club de rock et de musique beat. Horst Fascher, maintenant son collaborateur, fut envoyé à la recherche de talents et arriva à mobiliser en peu de temps une troupe d'artistes remarquable. 
Pour l'ouverture, TEX ROBERG, ROY YOUNG, THE GRADUATES, THE BACHELORS et THE BEATLES jouèrent.

Le concept du club était de faire passer le plus de groupes possible en une soirée afin de créer une sorte d'atmosphère de compétition. Aucun musicien ne devait s'épuiser plus d'une heure sur scène. Ce concept a fonctionné dès le premier jour. Outre de nombreux combos de jeunes talents sans nom, de grands artistes de renommée mondiale ont foulé les planches du STAR-CLUB dès la première année. BILL HALEY, BRENDA LEE, CHUCK BERRY, CHUBBY CHECKER, JERRY LEE LEWIS, LITTLE RICHARD, THE EVERLY BROTHERS, RAY CHARLES, FATS DOMINO et BO DIDDLEY, pour n'en citer que quelques-uns.

Peu de gens peuvent aujourd'hui s'imaginer les problèmes qu'un tel programme créait au début des années soixante.

La protection de la jeunesse, l'inspection du travail, le service d'ordre, la police et l'autorité de concession s'en prirent au "corrupteur de la jeunesse" Weißleder. Le conseiller municipal Falck fit de l'affaire du STAR-CLUB son cheval de bataille et mena une vendetta presque personnelle contre l'établissement mal-aimé. Le club fut fermé à plusieurs reprises avec des arguments tirés par les cheveux. Mais l'astucieux Weißleder ne se laissa pas décourager et trouva toujours un collaborateur, devenant alors officiellement "chef de club".

Le fisc accompagna les mesures prises à l'encontre de Weißleder en exigeant des arriérés d'impôt faramineux sur les divertissements. Une exonération de l'impôt sur les divertissements fut refusée au motif que "cette musique est susceptible de nuire à la structure osseuse et aux organes auditifs des jeunes".

Les autorités culturelles ont également déclaré dans une prise de position que ce bruit n'avait rien à voir avec la musique et encore moins avec la culture. Reste à savoir pourquoi Weißleder a dû payer un impôt sur les divertissements pour une chose qui, selon les gardiens des bonnes mœurs, ne représentait aucun plaisir ?

Il s'est battu contre les gardiens acharnés d'une morale dépassée et s'est rangé sans compromis du côté de la jeunesse et de sa musique rock adorée. On peut affirmer aujourd'hui que ce type de mouvement de jeunesse n'était qu'un précurseur politique inconscient du mouvement soixante-huitard.

Ce n'est certainement pas par appât du gain que Weißleder gérait ce club, qui est devenu entre-temps presque une vision du monde. Ray Charles était payé 60.000 DM pour une nuit. Une somme inimaginable à l'époque. Le prix d'entrée ne dépassait jamais vingt marks. La plupart du temps, il était même nettement inférieur à 5 marks. Toutes les grandes stars étaient largement subventionnées par les recettes des sex-clubs de Weißleder. 
Les célèbres concours de groupes STAR-CLUB attiraient de nombreux musiciens des salles de répétition des écoles et des garages vers le quartier. Un certain nombre d'entre eux ont réussi à faire le saut vers des carrières internationales. Les RIVETS, les RATTLES, les LIVERBIRDS et les FACES ont commencé leur carrière au STAR-CLUB. 
À partir de 1964, Weißleder publia un journal interne impertinent et progressiste, le STAR-CLUB NEWS. Parallèlement, il a commencé à placer ses groupes dans d'autres clubs de rock en Allemagne et à l'étranger. Il a également accordé des licences STAR-CLUB à d'autres villes. Le nom de STAR-CLUB eut bientôt une grande réputation internationale.

Pour de nombreux musiciens, l'inscription STAR-CLUB sur la housse de leur guitare ou sur leur batterie était plus importante que le salaire versé.

Avoir joué dans ce club était une sorte de "consécration" pour les musiciens.

PLAQUE SE TROUVANT À L'EMPLACEMENT DU STAR-CLUB

Après quelques superbes concerts en 1966 et 1967 avec des musiciens comme JIMI HENDRIX, PRETTY THINGS, ERIC BURDON, SPENCER DAVIS GROUP et RICHIE HAVENS, Weißleder dut abandonner le club en raison des dettes de taxe sur les spectacles devenues exorbitantes et qu'il refusait obstinément de payer.

Il loua l'établissement à un restaurateur qui dut jeter l'éponge au bout d'un an. En 1969, Kuno Dreysse, Achim Reichel et Frank Dostal ont tenté de sauver le magasin. Mais eux aussi durent se rendre à l'évidence fin décembre 1969 : le club légendaire ne pouvait plus être remis à flot. 
HARDIN & YORK furent les derniers à jouer le 31 décembre 1969 sur les planches de la scène du STAR-CLUB, qui furent peu après recouvertes d'une grande scène tournante pour le SEXTHEATER SALAMBO.

Le dernier jour avec
 Achim Reichel, Frank Dostal et Kuno Dreysse

Il reste à préciser comment j'ai découvert le STAR-CLUB. Ma femme anglaise, Ada Whitaker, a étudié la germanistique à Berlin. Son camarade d'études, Spencer Davis, avait également reçu une bourse d'études pour jeunes talents dans sa commune d'origine en Angleterre.
Pour gagner un peu d'argent, il jouait du blues au OLD-EDEN-CLUB pendant les pauses dansantes. Un soir, Spencer m'a parlé d'un club de musique à Hambourg dans lequel se produisaient des amis anglais. Comme je travaillais pour le journal musical OK de la maison d'édition Bauer, j'étais souvent à Hambourg et fit une visite au club de la Große Freiheit 39. 
En 1963, il n'y avait pas encore de publicité extérieure particulière avec des noms d'artistes et les vitrines dans l'entrée étaient vides. Lorsque j'ai demandé à Weißleder une autorisation de photographier, il était très enthousiaste, car il avait besoin de photos pour les vitrines. J'étais désormais le photographe attitré du club, l'agence de photos musicales PANFOTO était née.

Günter Zint - février 2022 (Merci d'avance pour vos commentaires !)


NOTES:

De 1963 à la fin du STAR-CLUB en 1969, Monsieur Zint est photographe attitré du Star-Club. Ensuite, de janvier 1970 à fin 1997, il fait le même travail au SALAMBO. Il a publié un livre à ce sujet "GROSSE FREIHEIT 39" - "Vom Beat zum Bumms" (Èditions Heine). 
Dans le fonds du SANKT PAULI MUSEUM se trouve la comptabilité complète du STAR-CLUB ainsi que toutes les éditions des STAR-CLUB-NEWS. 
Günter Zint a également fait démonter les planches de scène sur lesquelles de nombreuses carrières ont débuté. Quelques plaques de marbre de la piste de danse sont entreposées dans la société MPL de Paul McCartney au Soho-Square à Londres.

Texte à paraitre également dans le MORGENPOST de Hambourg en avril 2022.
Nous remercions Monsieur GÜNTER ZINT de nous l'avoir fourni ainsi que toutes les photos l'accompagnant.

Avez-vous envie de lui commander ses photos?

CARTE POSTALE DE 1964


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