MUSCLE SOULS – 5ème partie : Dan Penn fin de saga 2000-2023
Comme on l’a vu précédemment, entre 1959 et 1999, Dan Penn a sorti
quelques singles et seulement trois albums, dont un live avec Spooner Oldham.
Sur cette dernière période, neufs sont sortis, dont le dernier lors du récent disquaire day, le 23 avril : 5 albums sur son propres
labels Dandy, qu’il qualifie de démos car pas finalisés avec un vrai groupe,
2 albums de ses démos 60’s (enregistrées pour aider / orienter l’artiste destinataire de la
chanson) sur ACE records, le dernier Unheard Demos tout récemment et
donc un seul vrai disque en 2020, qui lui permettra d’être pour la première
fois en couverture de magazines.
En 2000, Dan Penn créé son propre label, Dandy, qui est aussi le nom
de son home studio situé dans la cave de sa maison de Nashville.
Dan : aucune maison de disques ne correspondait à mes besoins, alors j'ai créé Dandy Records pour vendre mes
disques sur Internet et via d'autres plateformes de marketing. Cela me donne la
possibilité de commercialiser mes disques, de pouvoir tout gérer depuis chez
moi et maintenir un contrôle créatif complet sur la qualité du produit fini. Les
gens qui aiment ma musique peuvent obtenir des informations à jour sur les
produits auxquels je suis associé, des infos sur mes tournées, … En fait le site Dandy, devenu Dan Penn
Official n’est pas régulièrement mis à jour – la dernière info remonte à mi
2020, lors de la sortie de l’album Living On Mercy. Au quotidien, Dan
Penn préfère s’occuper à réparer ses bagnoles, son autre passion, que des gérer
un site internet. La page Facebook Dan Penn Official est toutefois régulièrement
mise à jour.
J’ai déjà dit tout le bien que je pensais des albums Dandy, qui sont des
albums de démos selon Dan Penn : enregistrés avec des machines, pas
avec un vrai groupe. Cinq albums, CD
only, dont les derniers ne semblent être sortis qu’au Japon, plus ou moins
groove ou intimistes, voire gospel.
Je ne vais pas faire une analyse titre par titre, souvent fastidieuse…
Ces albums, constitués pour l’essentiel de chansons inédites, sont émaillés de
quelques reprises par Dan de ses anciens morceaux mais surtout de plus récents
écrits pour des artistes qu’il a produit et / ou pour qui il a composé des
morceaux, comme Bobby Purify, Irma Thomas, Lisa Best, Bucky Lindsey ou Solomon Burke, pour qui il a écrit Don’t Give Up On Me pour son album éponyme
sorti en 2002 – Solomon : Dan avait
déjà composé pour moi en 1967, pour un des grands albums de ma carrière. Quand
il m’a dit qu’il avait écrit Don't Give Up on Me pour moi, le morceau est
allé directement toucher mon âme - et I Need A Holiday, dont voici ci-dessous la version par Dan,
sur son album du même nom sorti en 2013 – mon préféré de ses cinq albums Dandy.
La série des albums
(du) Dandy commence donc par Blue Nite Lounge (2000), qui contient
notamment A Memphis Melody, une chanson dans laquelle Dan évoque le
Memphis des années 60-70, une sorte de Drift Away de Dobie Gray, pour le
21ème siècle. La génèse de cet album vient d’une partie de pêche
avec Bucky Linsdey, un des potes de Dan avec qui il a co-écrit
pas mal de chansons avec Dan depuis les années 90, pour Etta James, Lisa Best,
Bobby Purify et Somolon Burke – Don’t Give Up On Me, évoqué ci-dessus. Dan
Propose à Bucky d’écrire quelques nouvelles chansons. C’est d’accord, manque un
claviériste – Dan a toujours besoin d’un clavier, Carson Whitsett (un ex de
Stax et Malaco) se joindra à eux, en tant que compositeur aussi. Les trois
compères auront ensuite l’occasion de composer pour l’album solo de Bucky
Lindsey Back Bay Blues (2002), d’autres albums de Dan Penn, mais aussi
pour Bobby Purify ou encore Dalton Reed.
Dan Penn se fait à nouveau plaisir en sortant Junkyard
Junky, titre clin d’œil à sa
collection de carcasses en cours de restauration, en 2007. Sur Tiny
Hinys and Hogs, destiné au départ à son deuxième album solo (inédit – Cf.
partie 3), Dan reconstitue les bruits de motos initialement enregistrés par Jim
Dickinson. Les morceaux Cold Snap (Dan seul) et Midnight Rainbow,
composé par l’équipe du précédent album Dandy, ne souffrent pas de la
comparaison avec les succès 60’s de Dan. Comme souvent, d’autres morceaux sont
laissés de côté, comme Clean Slate, que Dan revisitera dans son dernier
album.
Avec à peu près le même timing, le troisième album Dandy, I Need A Holiday, sort en 2013. C’est pour moi un album de
rêve – on est en 2023, pourquoi pas une sortie 10ème anniversaire,
avec bonus ? Le morceau titre avait été initialement composé, semble-t-il,
pour Nick Lowe, par Dan et Chuck Prophet, qui vient par ailleurs placer
quelques accords de guitare sur l’album de Dan. Cet album est tellement bon que
je ne vois pas quel titre mentionner par rapport aux autres.
Le Dandy004, Something
About The Night, sortira plus rapidement, en 2016. C’est un album plus
intimiste, qui, comme le Dandy005, ne semble être sorti qu’au Japon (je sais
désormais sur quel caractère il faut cliquer pour afficher la version anglaise
sur Amazon.jp). L’album contient notamment Jewell Of My Heart, un
outtake de l’album Do Right Man (1994) dont la version retravaillée est
d’abord parue sur le CD anniversaire du 50ème numéro du magazine
anglais Bucketfull Of Brains. Les nouveaux morceaux ont été co- écrits par Dan
avec plusieurs de ses anciens acolites : Donnie Fritts, Wayne
Carson, Bobby Emmons, Franck Cannon, Carson Whitsett, Jonnie Barnett et Bucky
Lindsey.
J’ai déjà dit tout le bien que je pensais du gospel
Dandy005, sorti en fin d’année dernière, dans la partie une de cet article,
tout comme des deux albums de démos 60’s sortis sur ACE en 2012 et 2016 et sur Living
On Mercy, le dernier vrai album sorti en 2020. Quant à Unheard Demos,
composé de 10 (des 13) morceaux de l’album Better To Have It de Bobby
Purify produit par Dan Penn, dont il en a déjà repris trois sur ses albums
précédents.
Pour compléter la partie disques sortis entre 2000 et 2023,
il convient de mentionner :
- le bootleg Dan Penn Singles
And Demos, sorti en 2010 – avant les albums ACE donc, sur lequel figurent
quelques démos de ses morceaux non disponibles ailleurs : Cheater Man,
It’s Only Me et Success,
- un split 7’’ sur lequel figure
un deuxième morceau – il y aurait de quoi sortir un album entier, co-écrit par Dan
et Chuck Prophet : Heavy Duty, dont l’intro me rappelle étrangement
celle de Hello LA, Bye Bye Birmingham, par Eve – le groupe s’appelait
initialement Honey Ltd, sorti sur le label de Lee Hazlewood,
- plusieurs compiles sur
lesquelles on trouve un morceau chanté par Dan Penn, parmi lesquelles Let’s
Dance USA, un album caritatif, One Voice, un album dédié au 11
septembre, The Country Soul Revue – Testifying, … Et bien sûr les
compiles hommages : A Road Leading Home – Songs By Dan Penn, Do Right
Men – A Tribute To Dan Penn & Spooner Oldham, Happy Times - The Songs Of
Dan Penn & Spooner Oldham Vol. 2.
Quand il n’est pas en train de produire ou d’arranger, voire
composer / produire des albums entiers pour Irma Thomas, My Heart’s In
Memphis – The Songs Of Dan Penn (2000) ou Bobby Purify, Better To Have
It (2005) – Bobby : quand Dan et
Bucky m’ont parlé de cette chanson, The Pond, je me suis dit que j’étais un
chanteur respectable, que je n’allais pas chanter une chanson à propos d’une
grenouille. En fait j’ai adoré la chanson dès la première écoute. Quand je la
joue pour mes petits-enfants, ils sautent partout, fous de joie,. Ces deux gars
un font un job fantastique pour cet album - Dan Penn continue d’écrire des morceaux
pour d’autres – Lee Roy Parnell, Pegi Young - la femme de Neil, Garnet Mimms – Is
Anybody Out There? 2018, superbe disque, Mike Hardin, Jim Lauderdale, Theryl
"Houseman" de Clouet, Ellis Hooks, George Soule – l’album Take A
Ride, sorti en 2006, avec les Reigning Sound de Greg Cartwright / Oblivian
comme backing band, T. Graham Brown, dont Dan a composé quatre titres son album
de 2006 Forever Changed, Yola, la liste est longue.
Dan Penn contribue aux chœurs et aux parties de guitare sur
les albums d’Irmas Thomas et de Bobby Purify. Sur la période considérée, 2000-2023,
on le retrouve dans le featuring de pas mal de disques, liste non exhaustive :
il chante Hall Of Fame – someday we’ll be at the rock’n’roll Hall of
Fame – qu’il a composée avec Don Covay pour son album Adlib. Dan
participe à l’album d’Alan Merrill A Merrilly Christmas, à un album live
de Carla Thomas, à l’album Going Down – The Song Of Don Nix, à l’album
de Tim Hinkley. Il chante They Say avec Rattlesnake Annie sur son
album Southern Discomfort, un morceau génial écrit au départ pour
Dalton Reed. On le retrouve aussi sur quasiment sur tous les albums des
Hacienda Brothers, sur One Foot In The Groove (quel titre !), un
album qu’il a produit pour son ami Donnie Fritts, sur l’album Dedicated
(A Tribute To The 5 Royales) de Steve Cropper.
On a déjà évoqué Charlie Taylor et ses trois albums
magnifiques auxquels Dan fait plus que participer. C’est Dan qui a incité Charlie
Taylor à enregistrer des disques. Pour le premier, Charlie Taylor a fait un
deal avec Dan Penn : sa Ford Coupé 1949 contre du temps au studio Dandy.
Parmi les projets les plus récents, et pour finir la liste
des featurings : un album étonnant de Tom Russell, Soul Searchin’ de
l’Australien Jimmy Barnes, les albums de A.J. Croce et de T. Graham Brown,...
Dan Penn continue de donner des shows, quasi chaque année, soit
en solo soit avec ses compères Spooner Oldham, Donnie Fritts ou Bobby Emmons
(désormais décédés tous les deux), parfois avec un groupe complet.
Ces shows on plutôt lieu dans sa région, mais aussi quelques-uns
à nouveau en Europe, en 2006 – Angleterre, les Pays-Bas, la Belgique, la France
(La Java à Paris, le 23 mai). Un show londonien est enregistré et figure en DVD
bonus de la réédition de l’album de Dan et Spooner Moments From This Theatre.
Set list magique, pas de rappels – Dan : nos genoux ne vont pas supporter
un aller – retour de plus sur ces escaliers. Dan ira jouer au Japon,
accompagné de Bobby Emmons, il donnera des concerts solos en Espagne en 2018 et
il retournera, accompagné de Spooner, en Angleterre en 2015 et au Japon en 2019.
Dan participe aussi à de shows donnés en son honneur, il est
nominé à quelques Hall of Fame ou autres célébrations, fait partie des 100
meilleurs songwriters de tous les temps selon le magazine Rolling Stone. Il
participe aussi à quelques festivals, comme le Ponderosa Stomp festival, à la Nouvelle
Orléans. Ce jour-là il jouait juste avant Roky Erickson et c’est la dernière
fois qu’il vit Lx Chilton, qui fit le roadie en portant la guitare de Dan.
Il existe quelques bootlegs de ces concerts et, bien sûr,
des extraits et même quelques shows entiers sur Youtube.
Après une coupure à cause de la Covid et après s’être remis
d’une opération du cœur en 2022, Dan continue plus que jamais à donner des concerts - le prochain aura lieu le 22 juillet, à Vernon, sa ville de naissance - et à participer à des radios shows. Quand l’interviewer lui demande quels sont
ses morceaux favoris parmi ceux qu’il a écrit, il répond : je n’ai pas
d’enfant, mes enfants ce sont mes chansons, alors je n’ai pas de favori.
Dan Penn interviewé
par Robert Gordon à Memphis en 2022
Voilà, c'est tout, ou à peu près, pour la rétrospective de l’œuvre de Dan Penn, et c'est déjà beaucoup. J’espère
que Dan composera encore de nombreuses chansons. Il a 81 ans, en aura 82 en
novembre prochain, je lui souhaite many happy returns.
Patrick Bainée
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