ALAIN FEYDRI : "FAIS PAS TON CINEMA ET AUTRES HISTOIRES SANS IMPORTANCE"
Les éditions Mono-Tone ne le sont pas dans leurs parutions, tout d’abord consacrées aux écrits de Didier Balducci (ce qui est assez logique), elles ont commencé à nous proposer des ouvrages de divers auteurs dont de nombreux qui ont été sujets à quelques écrits dans Les Monstres Sacrés. L’éditeur a décidément du bon goût ! Il le prouve à nouveau avec cet ouvrage d’Alain Feydri. Le monsieur a déjà été lu par la plupart de nous. Si ce n’est pas par ses ouvrages sur les Kinks, Cramps, Flamin’ Groovies ou plus récemment avec Buddy Holly, Listen To Me et Les Troggs : Wild Thing. Dans ce dernier, il raconte l’histoire du morceau, tâche pas si évidente comme l’a confirmé Patrick Bainée dans son article sur "Human Fly"), cela fut le cas par les différents articles dans les fanzines les plus variés qui nous ont accompagnés dans nos découvertes musicales (vous pouvez les retrouver en partie dans son livre Azerty Blues). Ses bons goûts musicaux sont plus que certains, en est-il de même pour ses penchants cinématographiques ?
Tout dépend de ceux qui vont lire ce livre. Amoureux de la bouillie numérique des blockbusters actuels ou passés, si les images animées pré-années 70 ne vous intéressent pas, passez de suite à la lecture des différentes nouvelles qui composent la moitié du livre. Pour les autres, vous allez trouver votre bonheur.
Dans les premières pages, nous nous retrouvons au début de la télévision française avec lui, et regardons les Disparus De Saint-Agil pour la première fois, il en parle avec tant d'amour qu'il m'a donné envie de le visionner (mission accomplie, d'ailleurs !). Dès le départ du livre, il nous fait pénétrer dans le monde mal connu du cinéma du début du siècle dernier, un cinéma que la nouvelle vague a en grande partie rejeté.
Il existe de nombreux ouvrages français consacrés au cinéma. Beaucoup sont plus ou moins académiques et certains arrivent même à nous faire passer l’envie des films dont ils parlent. N’oublions pas que la France est la patrie des Cahiers Du Cinéma (magazine qui arriva à la fin des années 60 à parler de tout sauf de cinéma !), l’auteur est loin de tout cela.
Si l’on parle Cramps dans ce pays, on ne peut pas le faire sans évoquer Philippe Garnier. Chaque auteur de livres sur la musique rock se retrouve comparé à ce Stephen King de la littérature rock française. Alain Feydri a poussé le vice de la comparaison à son paroxysme en décidant de parler cinéma et d’acteurs de seconds rôles. Là où Garnier épluche les archives afin de trouver la base de son article ou de son livre. Ce petit témoin dont on n'a jamais ou peu parlé et qui lui permettra de démarrer de façon originale la trame de son récit. Sauf que Garnier semble être plus attiré par le cinéma d'outre Atlantique que du tricolore.
Enfin, quelqu’un qui consacre un texte à ces laissés pour compte. Enfin quelqu’un qui parle avec passion d’une face mal connue de ce cinéma français. Pourquoi toujours se pencher vers l’autre côté de l’Atlantique alors que l’on a tant à découvrir de notre côté.Vous allez penser que ce livre n’a ni queue ni tête, et pourtant ce n’est pas le cas. Tout a un sens, toutes les œuvres évoquées comprennent leurs acteurs ou actrices qui ne faisaient pas briller l’affiche, mais qui donnaient une profondeur à des films qui n’auraient été qu’un gaspillage de pellicule sans ceux-ci. Car là est le sujet, Alain Feydri semble tous les connaître. Je m’imagine une conversation incroyable qu’il pourrait avoir avec Daniel Lesueur qui est un passionné de tous ces films français d’avant-guerre.
Voici le point commun avec monsieur Garnier, il est un guide. C’est dans le chapitre « Mauvais Caractère » (titre hommage à l’autre écrivain ?) que le rapprochement est le plus probable. Il y raconte son amour des méchant(e)s de Hollywood, pas ceux/celles d’aujourd’hui mais de la grande époque du cinéma Américain. Vous vous rappelez ? Celle des westerns et des films noirs et un peu aussi du fantastique… pas celui des manipulations numériques avec des personnages tout bleus se battant contre les méchants humains (je ne parle pas des personnages de Peyo!). Alain écrit dans un des chapitres « Tous ces méchants qui ont aidé à rendre notre monde un peu meilleur. Je vous abandonne Voldemort ou Freddy Krueger, je garde Elam, Lambert, Brand et tout mon petit cheptel. Ce cinéma les a faits éternels ! »
C’est impressionnant d’érudition, bien écrit, mais fait surtout plaisir à lire. J'ai eu particulièrement un grand plaisir à lire « Tiens ta bougie droite ».
Grâce à internet, nous pouvons de nos jours trouver des photos et mettre des visages sur les personnes qui nous sont présentés de page en page (à vous de chercher pour les illustrations de l'article, les réponses sont dans le livre). Et là je vous mets au défi de ne pas vous dire « ah oui, je me rappelle cet acteur ». Ce qu’ils ont de commun est qu’ils ont été pour la plupart oubliés, mais si on les revoit, un élan de nostalgie nous submerge. Est-ce un livre nostalgique, oui, certainement.
Les femmes ont aussi le beau rôle tout au long de ces pages. Alain évoque leurs charmes. Chose bien facile lorsqu’on écrit sur le cinéma, car leur plastique est souvent mise en avant, mais écrire tout un chapitre en se mettant à la place de Karen Black est une toute autre chose. C’est un hommage original à cette actrice qui s’est éteinte au début des années 2010.
La musique et la littérature hantent également ces pages, je ne serais pas étonné si un des prochains livres d’Alain soit consacré à son amour de la lecture. Ce serait pour moi, un vrai plaisir de pouvoir le lire sur ce sujet.
Je n’ai pas parlé de tous les chapitres et n’ai pas évoqué précisément toutes les personnes sur lesquelles il écrit. Je n’ai pas non plus écrit beaucoup de mots sur les nouvelles de la deuxième partie du livre. Il est bien mieux que vous découvriez cela par vous-même. Le livre n’est pas bien cher (14€), l’été approche et croyez-moi il serait le parfait compagnon d’une après-midi de soleil à la terrasse d’un café.
De Fernandel (qui avait été très blessé d'être considéré comme grimacier par l'intelligentsia du cinéma français des années 60), on évoquera le chapitre le Schpountz qui est la transition du livre vers les nouvelles. A-t-il vraiment existé ou est-ce une invention d’Alain ? Peu importe, le personnage est tellement plaisant.
Des nouvelles, je n’en parlerai pas ou peu… Comme précisé auparavant, je ne suis pas la bonne personne pour le faire. Je ne vous écrirais que le monde de la musique se retrouve dans certaines d’entre elles, tout comme quelques musiciens alimentaient de citations la partie sur le cinéma.
Je dois avouer qu’au départ, je m’étais demandé pourquoi deux livres distincts n’avaient pas été réalisés (les amateurs de nouvelles n’auront peut-être pas envie de lire les textes sur le cinéma), mais Le Schpountz aurait dû être publié dans les deux, j’ai donc trouvé ma réponse.
Je dois avouer qu’au départ, je m’étais demandé pourquoi deux livres distincts n’avaient pas été réalisés (les amateurs de nouvelles n’auront peut-être pas envie de lire les textes sur le cinéma), mais Le Schpountz aurait dû être publié dans les deux, j’ai donc trouvé ma réponse.
Une petite anecdote pour terminer, lors des premiers contacts pour notre interview avec lui, j’avais demandé à Alain s’il aurait envie de s’occuper d’une rubrique sur le cinéma pour le blog. Je pensais que cela le changerait des articles sur la musique dont il est un habitué. Ce n’est que quelque temps plus tard que j’ai appris qu’il travaillait sur ce livre consacré au cinéma.
Tu sais quoi Alain, j’aimerais beaucoup que tu t’occupes de cette rubrique et qu’elle soit consacrée aux seconds couteaux… Serais-tu partant ?
L'Archiviste
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