SONS OF ADAM : La famille Adam !


Pour ceux s’intéressant à la loupe aux soubassements mal explorés de la tentaculaire chapelle sixties, le nom d’Alec Palao est désormais symbole d’expertise. De notes de pochettes en rééditions, de coffrets en article étoffés, l’expat’ Anglais s’impose aujourd’hui comme l’indéniable champion du mémorial 60’s-beat. Et au-delà. Sorte d’historiographe à part entière que pilotent témoignages de survivants, son et documents d’époque. Avançant par là-même points de vue et perspectives davantage ancrés dans le réel. Qui chassent d’un revers de main tout révisionnisme frivolement guidé par la tentante nostalgie revival comme ces années-là, incontestable âge d’or de la rock-music, continuent d’inlassablement en générer.


Et pris sous cet angle, le travail effectué avec les Sons of Adam pour le compte du label High Moon, est tout bonnement saisissant. Faut dire qu’avant de se spécialiser dans l’archivistique binaire, le garçon a beaucoup payé de sa personne, jouant d’abord avec les Sting-Rays en Angleterre, son pays d’origine, avant de s’installer à San Francisco et d’y rejoindre les Sneetches. Musicien, il est aussi producteur à l’occasion et sera également l’instigateur du fanzine
Cream Puff War, dont le contenu disait, à livre ouvert, son gros béguin pour le rock psyché Californien. Par le biais d’une complicité déjà ancienne avec Ted Carroll et Roger Armstrong - et le mythique magasin Rock On à Kentish Town - il va, par la suite, articuler de nombreuses rééditions pour le label Ace, devenant, peu à peu, ce personnage incontournable du repress de qualité et de l’impeccable compilation. À l’image, simple aperçu, des coffrets Where The Action Is (Los Angeles Nuggets) et Love Is The Song We Sing, son pendant San Franciscain. Ajoutons au dossier les deux volumes consacrés aux archives Shel Talmy chez Big Beat, doublé attestant, une nouvelle fois, de son gouteux savoir-faire. Puis, brelan d’as au milieu d’innombrables autres exemples, Dan Penn : The Fame Recording, compile que toute bonne maison se devrait de posséder.

Et pour en revenir aux Sons Of Adam, il réussit le tour de force de proposer un double-album s’agissant d’un quatuor dont la discographie officielle se résume à trois simples. Le tout sans une seule seconde de remplissage. Quoique certains esprits chagrins puissent s’alarmer d’une face entière consacrée aux Fender IV, première incarnation surfisante du groupe, pour le soupçonner, ensuite, d’avoir un rien filouté le chaland. Même si, d’évidence, écouter les Fender IV renforce la vue d’ensemble et complète d’autant l’impeccable maillage biographique. Et s’il fallait à tout prix mégotter sur du détail, il eut été, somme toute, préférable de coller les Fender IV au début plutôt qu’en toute fin. Chronologiquement, on avait le barouf dans l’ordre. Mais l’auditeur restant maitre chez lui, chacun pourra faire comme bon lui semble. Et jouer la face surf avant de s’occuper du reste.

Et si la présence des Fender IV parait relever du simple bon sens, c’est qu’à les écouter, il est clair qu’ils sont réellement compétents, le guitariste Randy Holden n’ayant pas grand-chose à envier aux nombreux magiciens de la six-cordes comme les sixties vont en faire pleuvoir tout au long de la décennie.


Alors, pour autant, nulle intention ici de laisser croire que l’on courtise du génie ignoré ou quoique ce soit d’autre s’apparentant au walhalla du garage-beat. Non, simplement un regard honnête, intègre et exhaustif sur un groupe alors prometteur comme l’époque en connut tant et tant. Auquel hasard et opportunités diverses n’ont sans doute pas offert l’occasion de donner sa pleine mesure.

Pour ma part, les Sons Of Adam, c’est avec le vol.2 de Peebles que j’ai fait leur connaissance. Où, au milieu des Choir, Litter, Moving Sidewalks, Randy Alvey (Ah, ce Green Fuz fantasmagorique !) et autres Zakary Thaks, leur « Feathered Fish » avait de la gueule. Titre signé Arthur Lee, qui plus est, ajoutant une intrigante connexion avec les mal nommés Love, groupe chéri depuis la découverte de leur 1er LP et cette pétillante cover de « My Little Red Book » emprunté à Burt Bacharach et Manfred Mann. Et, je l’apprendrais plus tard, la connexion ne s’arrêtait pas là. La suite prit la forme d’un EP 6 titres paru en 80. Qu’il fallait jouer en 33t, assurance d’un son injustement riquiqui, mais véritable aubaine au regard du caractère introuvable des titres proposés. À savoir leurs trois simples officiels, sous fine pochette papier recyclé fleurant bon le DIY éclairé de Don Gibson, l’homme derrière Moxie, label fantasque à qui l’on doit la série Boulders ainsi que la plus tonitruante reprise de « Train Kept A-Rollin’ » connue à ce jour, œuvre des Rogues de Buffalo, et repress d’un single de 66. Méfaits auxquels s’ajoutaient les premières salves discographiques d’éminents néo-garagistes du début des années 80, tels les Unclaimed ou encore Miracle Workers.


Concernant les Sons OF Adam, quelques chiches lignes, au verso du EP, confirmaient qu’ils étaient originaires de L.A., tout en ayant beaucoup joué à San Francisco. Produits par Gary Usher lui-même, ce qui n’était pas entièrement vrai, puisque le fameux producteur est totalement étranger à leur troisième simple de l’automne 66, sur Alamo, pour lequel le maintenant très déconsidéré Lee Michaels a beaucoup mis la main à la pâte. Court texte agrémenté de la reproduction d’un poster vantant un concert au Whiskey-A-Go-Go, où notre quatuor partageait la scène avec Love, justement. À un moment, Octobre 66, où, cédant à l’offre alléchante d’Arthur Lee, leur batteur, Michael Stuart-Ware, a déjà rejoint la tête d’affiche. Ce que fera également, un peu plus tard, le guitariste Craig Tarwater, qui depuis la fin de l’été, remplace Randy Holden, parti chez les Other Half, inoubliables créateurs du très dopaminé
« Mr Pharmacist ». Et Tarwater, beaucoup s’en souviennent, sera partie prenante de ‘Vindicator’, l’aventure solitaire d’Arthur Lee, après avoir été de la toute dernière formule des Love. Cependant, si Holden a emmené avec lui « Feathered Fish », la compo de Lee, conséquemment au menu du seul album des Other Half, c’est bel et bien Craig Tarwater qui joue sur celle des Sons Of Adam, ce troisième simple fait pour le label Alamo et repéché par Peebles. C’est de tout ça que l’on est informé, plus bien d’autres choses encore en feuilletant les 20 pages du très beau livret 24x30 accompagnant le double album. Où l’on croise Janis Joplin, Jackie de Shannon et même Dewey Martin, batteur pas toujours raisonnable du Buffalo Springfield. On y apprend aussi que le noyau dur, Randy Holden, Mike Port & Jac Ttanna, venait en réalité de Baltimore, migrant rapidement vers la Californie pour donner crédit au projet Fender IV. Surf et twang paraissant sans avenir au cœur de l’humide Maryland. Sur son verso, le livret nous soumet aussi une très belle photo du quartet, shooté devant une vitrine exhibant assez mystérieusement quelques affiches de films Français de faible notoriété, à l’image de Mort, Où Est Ta Victoire, de Daniel Rops ou encore Jusqu’au Bout Du Monde de François Villers, dont, longtemps avant l’affligeante 7eme Compagnie, le rondouillard Pierre Mondy était la vedette. Et côté cinéma, les Sons Of Adam ont aussi eu leur petit moment de gloire, pris sur le vif dans un club lors d’une scène très téléguidée meublant The Slender Thread, premier film de Sydney Pollack. Avec Ann Bancroft en vedette féminine, deux ans avant qu’elle ne déniaise Dustin Hoffman dans The Graduate.


Toutefois, au-delà des textes, anecdotes et photos de premier choix, le vrai bonus demeure ces huit titres live, saisis à l’Avalon Ballroom de San Francisco en Août 66, confirmant très implicitement que les Sons Of Adam étaient de la graine des tous bons. Ça joue carré, juste, avec une réelle fougue et l’on sent bien que Randy Holden n’est pas venu pour étendre du linge. Qui n’a pas son pareil pour concurrencer Jeff Beck sur son propre terrain. Parce qu’après les Ventures et Chuck Berry, influences motrices des Fender IV, en mutant Sons Of Adam, Stones et Yardbirds vont devenir leurs phares. Les seconds en particulier dont ils reprennent superbement « 
Evil Hearted You » sur scène et « You’re A Better Man Than I » en studio, A-Side de leur second single Decca en 66. Confirmant, au passage, la plaie béante qu’est restée chez eux, le manque de compos fortes, l’absence d’un titre commercialement marquant qui leur aurait sans doute permis de passer à l’étage supérieur. Ce qu’obtiendront fugitivement Holden en rejoignant les Blue Cheer - Il est sur la Face B de ‘New ! Improved !’, leur 3eme LP - et Craig Tarwater, son remplaçant, avec Love, Arthur Lee et, plus confidentiellement, les cultissimes Daily Flash. Les légendes sont à ce prix. Sur l’instant, remercions simplement High Noon et Palao de nous avoir permis de mordre là-dedans à pleine dents tout en faisant, succinctement, le tour du sujet. Un modèle à suivre et un groupe à (re)découvrir !

Alain Feydri



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