AU RIEUR SANGLIER : la bd dans tous ses états !!!! - 3ième édition


Un été suffocant, une chaleur bien trop présente, une rentrée qui se prépare avec sa multitude de sorties (entre 300/500 bds) , tous les ingrédients sont en place pour des lectures multiples et variées :




PUTZI / Thomas Snégaroff (scénario) Louison (dessins) / Futuropolis / 160 pages / 23 euros


Ou l’histoire incroyable d’Ernst Hansfstaengl dit Putzi, intime d’Hitler à ses « débuts ».

L’histoire n’a pas retenu son nom et pourtant ce personnage haut en couleurs a été le témoin très proche de l’ascension du führer lui prêtant son oreille, son argent, son érudition (sa passion pour Wagner c’est lui) et sa demeure rien que ça. Pourtant telle fut son ambition : marquer l’histoire et être au coeur du monde. Il finira comme informateur de Roosevelt et mourra dans son lit en 1975.

Thomas Snégaroff, historien, consultant pour les médias (France 5/Radio France) avait choisi Putzi comme personnage de son premier roman en 2020. Les échanges avec Louison ont permis à cette bd de voir le jour en donnant une dimension burlesque au colosse Putzi surnommé « le petit homme ».

La charte graphique est à la fois surprenante et novatrice : des dessins pleine page, des variations de couleur pour une même planche apportent une clarté stupéfiante au récit ainsi qu’une véritable fraîcheur à cette histoire où se mélangent pouvoir et fanatisme.

Putzi était-il un personnage puissant ou un simple clown ? La lecture de cette surprenante bd vous apportera la réponse….




LA BELLE DE MAI / Mathilde Ramadier (scénario) - Elodie Durand (dessin) / Futuropolis / 144 pages / 22 euros


L’histoire vraie d’une des premières grèves de femmes en France en 1887 à Marseille. « Ne nous libérez pas, on s’en charge » : tel est le slogan de ces ouvrières cigarières (manufacture de tabac de la rue Bleue, aujourd’hui la friche Belle de Mai) d’origine italienne qui décident de s’opposer à leur employeur et pas n’importe lequel : l’état français !! Ce récit réjouissant d’une lutte spontanée est superbement mis en scène et en image par Elodie Durand qu’on avait plus que remarqué avec « la parenthèse » en 2011 (fauve « révélation » à Angoulême). Son noir et blanc (teinté de bleu) puissant et réaliste donne une belle dimension à cet évènement généreux et fondateur.

140 ans nous séparent de leur combat et pourtant il nous rappelle ceux que d’autres femmes mènent aujourd’hui pour défendre leurs droits et leur dignité.

Sespo, Térésa et Rosa, principaux personnages de cette histoire sont vraiment des Monstres Sacrés !!!!



MAREE HAUTE / Isaac Sanchez / Dupuis / 232 PAGES / 23,50 euros


Ah l’Espagne des vacances ! La Costa Brava, ses plages, ses paëllas !!

Qui n’a pas un souvenir lié à ces mots clés de l’enfance ou de l’adolescence ?

Le catalan Isaac Sanchez nous rapporte ses propres souvenirs dans les années 90 du côté de Badalone. Avec beaucoup de simplicité et d’humour, il se raconte au milieu du restaurant de ses parents en bord de mer (banos) habité par des personnages hauts en couleur. Des anecdotes, des situations, des histoires sur fond d’enfance baignée par le soleil marin. La charte graphique de l’auteur est au diapason de son récit : pétillant, coloré, accessible.

La machine à remonter le temps est en marche : ne la ratez pas (la marche)




APPELS EN ABSENCE / Nora Dasnes / Casterman / 288 pages / 25 euros


Oslo en 2011 : peu après les attentats qui ont frappé la capitale norvégienne en juillet, Rebekka et Fariba entrent au lycée. Cette dernière rejoint la Ligue des Jeunes Travailleurs (dont le camp d’été a été la cible des terroristes) Rebekka, elle, se révèle profondément marquée par cette tragédie, submergée par le traitement médiatique sensationnaliste , incapable de comprendre les motivations du tueur. Peu à peu, elle perd pied...Comment surmonter l’horreur et le traumatisme même lorsqu’on n’en est qu’une victime par procuration ? Un livre essentiel et pédagogique, à offrir à tout ado et pas que. L’autrice qui vit à Oslo et qui avait 16 ans à l’époque des faits nourrit son récit avec un fort ressenti. La bichromie (deux couleurs) apporte un équilibre parfait à la densité et à la dureté du sujet, avec une charte graphique tout en simplicité et efficacité.

Ce beau livre confirme toutes les qualités aperçues dans le premier opus de Nora (« l’année où je suis devenue ado ») et devient un « must have »




STACY / GIPI / Futuropolis / 256 pages / 25 euros


Gianni est scénariste à succès. Une carrière à son apogée lorsque une interview, en apparence anodine, se transforme en bombe sur les réseaux sociaux. Collègues, amis, prennent rapidement leur distance, son public lui tourne le dos. Toute sa vie remise en question. En inventant l’histoire de Stacy, enlevée, droguée, séquestrée dans un sous sol, Gianni n’avait pas mesuré le déluge d’ennuis qui allait s’abattre sur lui.

Ce petit résumé n’est qu’un avant goût de cette œuvre majeure. Gipi est un immense auteur qui depuis une vingtaine d’années nous abreuve d’ouvrages exceptionnels : « la terre des fils » « s » « notes pour une histoire de guerre » « ma vie mal dessinée ». J’aurais pu vous citer TOUS ses livres tant sa bibliographie est indispensable. Un dessin inimitable et reconnaissable entre tous.


Pour revenir sur « Stacy » l’oeuvre est imminemment personnelle : en 2021 Gipi qui se prénomme Gianni poste sur Instagram un gag qui tourne en dérision un slogan féministe selon lequel il faut toujours croire en la parole des femmes. Interprété, surinterprété, ce strip a déflagré dans toutes les dimensions de sa vie. « Je n’aurais pas dû poster ce gag. Il ne représentait rien pour mon travail. Tu alimentes gratuitement des gafam pour t’enfermer dans la mécanique du plébiscite, mais penser sans arrêt au jugement du public est incompatible avec toute démarche sincère, d’autant que les réseaux sont programmés pour générer des conflits. J’ai mis du temps à m’en remettre. Puis j’ai commencé à écrire 70 pages que j’ai jetées à la poubelle, ça ne m’était jamais arrivé. J’ai toujours dessiné mes albums planche par planche sans jamais revenir en arrière. De ce premier jet défouloir, sont apparus les personnages et j’ai conservé quelques traces » ce sont les propres mots de Gipi pour expliquer ce livre et qui donnent toute la profondeur et la densité du sujet finalement évoqué dans « Stacy ». D’ores et déjà une des bds les plus intenses, les plus fortes, les plus indispensables de l’année : « Stacy » est bien sur un Monstre Sacré !!!!




MAPLE TERRACE / Noah Van Sciver / L’Employé du Mois / 112 pages / 18 euros


New Jersey, années 90. L’auteur a grandi au sein d’une famille mormone riche de 9 enfants et se raconte entre petits arrangements de l’enfance, indifférence des parents et rapport complexe à la religion. Le ton est léger mais pas que, la charte graphique colorée et un brin nostalgique, influencée par les comics dont Noah est friand.

Le fameux passage à l’adolescence source récurrente de nombreuses bds est ici traité avec beaucoup de justesse et de sensibilité rendant ce récit autobiographique juste et jubilatoire. L’auteur s’était déjà signalé remarquablement avec sa série Fante Bukowski que je recommande chaleureusement. Je salue ici la grande qualité éditoriale de l’éditeur Bruxellois L’Employé du Mois : toujours surpris jamais déçu !!




UN SOMBRE MANTEAU / Jaime Martin / Dupuis-Aire Libre / 102 pages / 21,95 euros


Nous sommes dans un petit village des Pyrénées en plein 19e siècle. Là vit Mara, une vieille guérisseuse solitaire et mystérieuse en proie au mépris de ses congénères. Serena, jeune fuyarde muette va rentrer dans son paysage et bouleverser ce petit monde rude et reclus.

Entre étude de mœurs et fiction fantastique, une intrigue qui explore les superstitions et les traditions paysannes et qui aborde le rôle des femmes dans la société espagnole en ces temps reculés, ceci à travers deux figures qui échappent à l’étau patriarcal et religieux .

J’avoue, oui j’ai la chance de bien connaître Jaime et ceci depuis de nombreuses années . Cet humaniste m’a toujours touché que ce soit dans ce formidable dyptique autobiographique composé par « jamais je n’aurai 20 ans » et « j’aurai toujours 20 ans » ou des fictions comme « ce que le vent apporte » ou « toute la poussière du chemin ». Ses qualités de raconteur d’histoire liées à un véritable don de dessinateur hors pair font de lui un auteur incontournable et précieux. Cette belle personne se confond avec ses récits, ce qui fait de lui un Monstre Sacré !


De la matière, encore de la matière pour vous futurs lecteurs-trices : pas d’hésitation, plongez dans le meilleur du 9e Art, la Bande Dessinée dans ce qu’elle a de meilleur !

Gérard


Merci à Jean-Christophe CHAUZY pour son illustration

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