APOCALYPSE DUDE - MAKING OF THE BIG LEBOWSKI


Le Duc (Dude en V.O.) est un loser sans emploi habitant dans un bungalow vétuste au bord de la plage de Venice à Los Angeles. Sa calme existence est composée de drogues douces et de bowling. Un soir, son univers est chamboulé quand deux individus l’agressent chez lui à cause d’une sombre histoire de dettes laissées par sa femme. Pourtant, il n’est pas marié. Il a tout simplement été confondu avec Jeffrey Lebowski, un milliardaire homonyme habitant à Pasadena. Un des agresseurs ayant uriné sur son tapis, son ami Walter le motive à réclamer réparation auprès du milliardaire. Il va ainsi se retrouver confronté aux activités louches et criminelles de pas mal de gens…

Les frères Cohen, réalisateurs du film, venaient d’obtenir un gros succès avec Fargo quand ils commencèrent le tournage du Big Lebowski en 1997 dont l'écriture avait débuté six ans avant. Ils laissèrent le projet de côté car les deux principaux acteurs n’étaient pas disponibles au même moment.

Le tournage commença le 27 janvier après une semaine de répétitions. Il se termina le 24 avril. Le budget était de 15 millions de dollars, le film sorti en janvier 98 fut tout autant un échec commercial que critique et ne rapporta que 18 millions de dollars. Rien ne laissait soupçonner que 25 ans après sa sortie, le bénéfice total passerait à 100 millions, qu’un festival lui serait dédié (le Lebowski Fest à Louisville dans le Kentucky depuis 2002.) et qu’une religion lui serait consacrée (le Dudeism ou l’art de se foutre de tout !)

Il n’est pas évident de le croire mais pourtant la plupart des protagonistes du film sont inspirés de personnes réelles.

C’est en 1984, lors de la diffusion de « Blood Simple » au festival de Sundance que les frères Cohen font la connaissance de leur ami Jeff Dowd, un des programmateurs du festival (où sera aussi la première du film). Il se fait surnommer The Dude et a fait partie des Seattle Seven, un groupe d’opposants à la guerre du Vietnam. Il reconnait avoir mené une vie similaire à celle du Duc pendant un an et est fier d’en avoir été la source d’inspiration. Étonnement, lors de l’écriture du scénario, les frères Cohen n’avaient personne en tête pour interpréter son rôle. Jeff Bridge s’imposa peu à peu, bien que Mel Gibson fut aussi envisagé. L’acteur rencontra Jeff Dowd qui lui donna son feu vert pour l’interprétation qu’il avait imaginé.

Jeff Bridges : « Quand j’ai lu le scénario, j’ai vu que j’étais né pour interpréter le Duc »

Le personnage principal du film est le Duc (il y a juste une scène sans sa présence) mais l’histoire étant très mince, Walter Sobchak est celui qui mène l’intrigue. Leur relation a été imaginée comme celle d’un vieux couple n’étant jamais du même avis. Les deux sont amis et membres de la même équipe de bowling. Historien militaire amateur, Walter est également le chef d’une agence de surveillance. Pour lui, tout comme pour beaucoup d’Américains, les vétérans du Vietnam ne doivent pas tomber dans l’oubli. Il est coléreux et empressé, mais a bon cœur, il désire juste aider les autres sans se rendre compte qu’il perd à chaque fois le contrôle de la situation.

Ce rôle a été écrit pour John Goodman. Son inspiration vient de John Milius, connu pour avoir réalisé le premier Conan et écrit le scénario d’Apocalypse Now. Il a une sacrée renommée pour ses idées politiques, ses fusils et sa passion militaire. Son caractère colérique et emporté est le même que celui du personnage, ainsi que son apparence physique (coiffure et barbe comprises!). Il avait d’ailleurs refusé un rôle dans le film Barton Fink des deux frères.

L’ancien vétéran du Vietnam Peter Encline en est la seconde source, il pratique du softball, ce que les Cohen changèrent en bowling pour le film. Cette activité étant plus sociale et propre au partage de dialogues.

Beaucoup de seconds rôles n’amènent rien à l’intrigue mais donnent cette richesse tellement particulière au film:

Steve Buscemi est le maniéré Donny, c’est une « inside joke » des Cohen en rapport avec son rôle de policier bavard dans Fargo. Quand il commence à parler, Walter lui crie continuellement de la fermer! Donny, qui ne comprend jamais rien, est en fait juste là afin de compléter l’équipe de bowling.

John Turturro, autre grand habitué des films des réalisateurs, est Jesus Quintana, un joueur d’une équipe adverse. Les Cohen l’avaient vu dans la pièce« Ma Puta Viva » et rêvaient de le voir interpréter le même genre de personnage d’origine espagnol dans l’un de leurs films. Ils lui donnèrent carte blanche pour s’excuser que le rôle ne soit pas plus important. Son rituel avec sa boule de bowling et ses pas de danse inspirés par Mohamed Ali sont des régals!


Bien que prenant place pendant la première guerre du Golfe (Sadam Hussein apparait même dans une scène de rêve !), le film devait rappeler l’Amérique des années 50 de Raymond Chandler. Le Duc est comme un Philip Marlowe se déplaçant au milieu de différentes couches sociales de Los Angeles. Le roman de l’écrivain Le Grand Sommeil a énormément influencé le film. On y retrouve des motivations obscures, des personnages féminins sophistiqués et parfois immoraux tel que Maude (Julianne Moore), la fille du millionnaire qui est attirée par le Duc et désire un enfant de lui (sujet d’une suite ?). Un des aspects les plus ressemblants au style de Chandler est la voix « Voice over » du génial Sam Elliott (The Stranger) qui se demandait d’ailleurs occasionnellement ce qu’il faisait sur le plateau. La photo sombre et colorée ainsi que les lieux de tournage choisis complètent l’aspect « noir » du film.


Les vêtements du Duc ne font par contre pas penser aux années 50. Mady Sophres, la costumière, décida que l’on devait voir que le Duc ne s’intéressait pas à sa façon de se vêtir. Elle alla donc à la friperie du coin afin d’acheter ses habits (tout comme le Duc l’aurait fait). Les hilarants nihilistes (avec entre autres les musiciens Flea des R.H.C.P. et Aimee Man) sont eux habillés comme Kraftwerk (sur la pochette de The Man Machine).

En effet, la musique a aussi son importance dans le film. Le Duc déclare avoir été roadie de Metallica (« C’étaient des connards »), il déteste pareillement les Eagles et vénère les Creedence Clearwater Revival.

«The Man In Me » de Bob Dylan est le morceau récurant du film. Jeff Bridge l’a même joué durant une Lebowski Fest. Il est utilisé pour une scène d’hallucination particulièrement réussie. Sa chorégraphie fut inspirée par le film Whoopee! (1930). Jeff Bridge qui aime danser, fut enchanté par son tournage. Bien que malheureusement trop large d’épaule, il ne put pas passer entre les jambes des danseuses tel qu’on le voit dans le film. Tout fut donc retravaillé sur ordinateur. Le résultat est parfait, personne ne remarque que le Duc est plus petit.

Mis à part les cours de bowling gratuits, Il est certain que tous les acteurs se sont bien amusés pendant le tournage. Beaucoup se posent également la question de savoir ce que les Cohen avaient consommé durant l’écriture du film !

Jeff Bridge n’avait pas besoin de beaucoup de directives, il voulait juste savoir avant chaque scène si le Duc avait fumé quelque chose. Dans ce cas-là, il se frottait énergiquement les yeux afin qu’ils deviennent rouges. Il est d’ailleurs partant pour tourner une suite à la condition que les frères Cohen le soient aussi… Ce qui n’est malheureusement pas encore le cas. Donc en attendant, essayez de trouver le spin off « The Jesus Rolls » réalisé par John Turturro !


Alfredo (Merci d'avance pour vos commentaires !)


PS (attention Spoiler( ?): Tout au long du film, on se demande de façon récurrente comment le Duc gagne sa vie. Ce « running gag » fut décidé par Joel Cohen.

Dans une des premières versions du scénario, on peut trouver la réponse qui correspond tout à fait à l’esprit du film… Il est le descendant de l’inventeur du rubik‘s cube !

Alfredo
(Dead Groll - 2023)


Un grand merci à Nick Bohlen et Stéphane Magnan pour leurs illustrations




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