442ème RUELLE : DESTINATION LONELY / The BAD BEATS / The FALKEN'S MAZE / Link WRAY / CLAIMED CHOICE / RANCŒUR / CHRISTMAS / The LAUNDERETTES / The FIVE CANNONS


DESTINATION LONELY : Eat LSD, pray to Satan, love no one (CD, Voodoo Rhythm Records)

Boudiou ! C'est depuis 2009 déjà que Destination Lonely nous tabasse le cerveau avec son trash-garage-blues-punk insurrectionnel et graveleux, et on ne s'en lasse toujours pas. "Eat LSD, pray to Satan, love no one" est le cinquième album du groupe, le quatrième à paraître sur Voodoo Rhythm, et les gonzes ne songent apparemment pas à se calmer, ce qui nous arrange. De ci de là, on sent bien que le trio ralentit un chouia le tempo, ce qui ne devrait pas nous rassurer puisque, du coup, les morceaux ayant subi ce traitement n'en paraissent que plus malsains, plus inquiétants, plus dangereux pour notre santé mentale. Après, heureusement, ils ont eu la bonne idée de nous balancer des ondes plus positives avec les trois slogans qui, rassemblés, forment le titre de ce nouvel album. Bouffer du LSD, prier Lucifer et n'aimer personne, n'est-ce pas tout ce qu'un humain ayant un minimum de bon sens devrait faire au quotidien, H24, même en dormant ? Oui ! J'en vois qui acquiescent là-bas dans le fond, je me sens moins seul. Pour revenir à l'album, en onze titres, Destination Lonely continuent à décliner leur conception jubilatoire d'un rock'n'roll crasseux et frappadingue à grands coups de guitares en dérapage permanent, bourrées de fuzz et de distorsion, qui portent littéralement, comme Atlas le voûte céleste, comme un rouleau à Hawaii un surfer cramé à l'acide, comme un porte-container son trop-plein de merdes chinoises, qui portent littéralement, donc, un chant baigné par un écho quasi surnaturel, comme venu du tréfonds du monde des morts. Destination Lonely me font penser, depuis leurs débuts, à cet excellent groupe australien que sont the Scientists, dont ils pourraient être les dignes héritiers si les résidents de Perth avaient une quelconque fortune à léguer. D'ailleurs, ce qui est drôle, c'est que les aussies se sont plus ou moins reformés en 2007, comme s'ils avaient senti le vent tourner à nouveau en leur faveur. Et puis quoi, si Lo Spider, l'un des guitaristes (pas de basse sur scène, même si l'homme araignée en joue en studio), a baptisé Swampland son studio d'enregistrement à Toulouse (où tous les disques de Destination Lonely sont mis en boîte, forcément, sinon à quoi ça servirait qu'il se décarcasse), c'est n'est sûrement pas le fruit du seul hasard. Si vous n'avez pas compris la référence, je vous laisse vous battre avec votre IA de merde pour la retrouver. Pas certain qu'elle y parvienne en fait, ce qui serait plutôt bon signe pour notre intelligence bêtement humaine. La musique de Destination Lonely reste abrupte (comme le final d'"Anything else", emblématique), brutale et sauvage, on ne va pas se le cacher, même quand le groupe donne dans la "ballade" vénéneuse et urticante, plus proche de la main exploratrice sur le fessier rebondi d'une adepte de hip thrust que de la mimine rassurante sur la joue de bébé. Et si vous trouvez pire ailleurs, n'espérez pas être remboursé, c'est que vous serez de mauvaise foi, il n'y a pas d'autre alternative. Rappelez-vous, ils n'aiment personne.



The BAD BEATS : Lucy Mei (CDS, Rogue Records)

Si un jour vous avez le malheur de vous échouer sur la sempiternelle île déserte, qui, quand même, depuis le temps, me paraît sacrément fréquentée, mais on ne va pas chipoter pour si peu, j'espère pour vous que vous aurez au moins réussi à sauver du naufrage ce single des Bad Beats, avec le Teppaz à piles qui va bien, sinon la lecture du disque risque d'être un tantinet compliquée. Bref, une fois tous ces menus obstacles franchis, vous devriez trouver le temps moins long en faisant tourner en boucle le petit dernier de ce groupe de Vancouver avec ses deux belles tranches de garage-punk gorgées de guitare fuzz, d'orgue maraudeur et de rythmes implacables. En face A, l'original "Lucy Mei" se transforme vite en déclaration d'amour enflammée envers une jeune demoiselle qu'on devine un brin taquine et coquine, le crescendo du morceau n'étant pas sans rappeler une montée orgasmique irrépressible, sans garantie que la gisquette y prête attention pour autant. Tandis qu'en face B, le groupe se garde bien d'atermoyer nous délivre sa vision d'un classique d'entre les classiques, "Have love will travel" de Richard Berry, popularisé par les Sonics. Ici, c'est le solo d'harmonica qui nous met dans tous nos états, nous qui ne sommes décidément pas de bois.



The FALKEN'S MAZE : Here we come ! (CDEP, Soundflat Records)

Aujourd'hui, le débat est clos, on dansait bien "sous" le pont d'Avignon, et non pas "sur" celui-ci. De toute façon, pour Falken's Maze, de débat il n'y eut jamais, même si le groupe est justement originaire de cette riante cité avignonnaise. Et puis, quitte à immoler les références, évoquons celle induite par le nom du groupe, hommage au film "Wargames" de John Badham en 1983, référence elliptique dont je vous laisse démêler l'écheveau, vu que ce n'est pas le but de cette chronique. Musicalement, the Falken's Maze donne dans un garage-pop plutôt groovy et entraînant, estampillé fin des années 60 avec cet orgue prégnant et ces rythmiques chaloupées, ainsi qu'un soupçon de psychédélisme ("Roll Jonathan, roll !") ou une larmichette de fuzz ("Green Zeppelin"). Dans l'ensemble, the Falken's Maze me fait irrésistiblement penser aux Kinks, mais des Kinks qui auraient intégré un orgue dans leur line-up. Plus près de nous, temporellement et géographiquement, the Falken's Maze sont également assez proches des Kwinks, le groupe d'Orléans, sauf que ces derniers ne font que des reprises alors que les avignonnais, au moins sur ce disque, ne proposent que des originaux. Bref, un premier disque fort apéritif, ce qui tombe bien puisqu'un album est annoncé pour poursuivre l'aventure. On attend ça ardemment.



Link WRAY : Sings and plays guitar (LP, Destination Moon)

Fred Lincoln Wray Jr. est né le 2 mai 1929 à Dunn, Caroline du Nord. Il est issu d'une famille pauvre, ses parents, Fred Lincoln Sr. et Lillian, étant quasiment analphabètes. Lillian est une indienne Shawnee, c'est d'elle que Link tient son teint mat et ses cheveux noirs corbeau. Il a deux frères, Vernon et Doug. Link commence à apprendre la guitare vers l'âge de 8 ans, notamment grâce à un voisin noir qui lui apprend les rudiments du blues. En 1943, la famille Wray s'installe dans la banlieue de Portsmouth, Virginie, près des chantiers navals qui, en cette période de guerre, fournissent du travail en abondance. C'est la première fois de leur vie que les Wray ont accès au gaz et à l'électricité dans leur logement. Link commence à jouer dans de petits orchestres de jazz avant de passer à la country. À la fin des années 40, il forme son premier groupe avec ses deux frères, toujours dans un style country. En 1951, Link Wray est enrôlé dans l'U.S. Army. Il est d'abord envoyé en Allemagne où il forme un groupe avec d'autres soldats américains. En 1952, il est envoyé en Corée. Il est rendu à la vie civile en 1953 - avec, dans ses bagages, mais il ne le sait pas encore, une saloperie de bactérie en dormition - et reforme un groupe avec ses deux frères et un ami, Shorty Horton, les Lazy Pine Wranglers, jouant toujours de la country. Début 1956, le groupe change de nom, devenant le Palomino Ranch Gang, et enregistre son premier single, "I sez baby" sur le label Kay. Entre fin 1956 et début 1957, trois autres singles paraissent sur le label country texan Starday. Le chanteur du groupe est Vernon Wray, qui utilise parfois le pseudonyme de Lucky Wray. À l'été 1956, Link Wray apprend qu'il est atteint de tuberculose, contractée durant son séjour en Corée, ce qui l'oblige à passer quasiment un an à l'hôpital, les médecins prenant la décision de lui enlever le poumon gauche, sinon c'était la mort assurée. Désormais, Link peut tirer un trait sur une éventuelle carrière de chanteur, il se concentre donc avec solennité sur la guitare. Pendant sa convalescence, son frère Vernon se lance dans une carrière de crooner, sans succès. En 1958, Link forme un nouveau groupe, les Ray Men, toujours avec ses deux frères et Shorty Horton, et sort son premier single, "Rumble", sur Cadence. Un disque qui connaît le succès mais aussi la censure, notamment à New York ou Boston, pour incitation à la violence. Cas unique de censure d'un morceau instrumental. Durant les années 60, il continue à sortir de nombreux singles sur Epic et sur Swan. Parmi ceux-ci, on peut citer "Raw-hide", "Comanche", "Jack the ripper", "Run chicken run", "Good rockin' tonight", l'un de ses rares titres chantés, "Ace of spades" ou encore "Batman theme". Au début des années 70, lassé des turpitudes des majors et des grosses maisons de disque, il décide de devenir indépendant, enregistrant dans le studio construit et dirigé par son frère Vernon. À la même époque, Link Wray s'installe à San Francisco où il rencontre John Cipollina, le guitariste de Quicksilver Messenger Service, qui vient de former un nouveau groupe, Copperhead, dont la section rythmique, le bassiste James "Hutch" Hutchinson et le batteur David Weber, devient également celle de Link, John Cippolina, bien que ne faisant pas partie de ce groupe, apparaît néanmoins souvent en invité. En 1977 et 1978, le chanteur new-yorkais Robert Gordon demande à Link Wray de l’accompagner sur ses deux premiers albums. Par la suite, installé au Danemark à partir du début des années 80, il poursuit une carrière en dents de scie, étant parfois invité à jouer sur les disques d'autres artistes. Ainsi, en 1994, on peut l'entendre sur "Chatterton" d'Alain Bashung. Il sort ses 2 derniers albums en 1997, "Shadowman", et 2000, "Barbed wire". Link Wray est mort le 5 novembre 2005 d'une crise cardiaque à son domicile de Copenhague, il avait 76 ans. Avec un appareil respiratoire à moitié démantelé, Link Wray n'a enregistré que peu de morceaux chantés. Pourtant, en 1964, comme l'indique son titre, il chante bel et bien sur les douze titres de cet album "Sings and plays guitar" qui nous intéresse ici. Compte tenu des circonstances, Link Wray n'est pas le meilleur chanteur du monde, c'est un fait, néanmoins, cette fragilité vocale a ce petit quelque chose de particulier qui parvient à retenir l'attention de l'auditeur. Enregistré en 1964 avec ses deux frères et Shorty Horton, ainsi que le clavier Joey Welz, qui fait alors partie des Comets de Bill Haley, cet album n'a connu qu'une éphémère carrière au moment de sa sortie. Pressé à moins de mille exemplaires sur le label de Vernon Wray, Vermillion, il est largement passé sous les radars et est longtemps resté un collector très recherché. Il faut dire que, sur ce disque, Link Wray est à des années-lumière de ce pourquoi il est devenu une légende du rock'n'roll instrumental. Exit sa guitare menaçante, malsaine et vénéneuse, sur ce disque, Link Wray tente clairement de surfer sur le succès des groupes anglais qui, dans le sillage des Beatles, commencent à tailler des croupières à tout ce que le rock'n'roll américain a alors à proposer. C'est flagrant sur la face A du disque, où on jurerait entendre un groupe anglais oublié, Link Wray, auteur et compositeur des douze titres de l'album, essaie, et réussit plutôt bien, à sonner comme s'il venait de Liverpool. "Baby doll", par exemple, aurait pu être un inédit des Beatles, mais "I wanna get married" fleure bon son Buddy Holly. Sur la face B, en revanche, changement de registre, Link Wray se fait désormais crooner, sonnant plus américain qu'anglais. C'est d'ailleurs l'une des particularités du disque de présenter une face rapide, l'"anglaise" si l'on peut dire, et une face lente, l'"américaine", avec le format réglementaire de l'époque, douze titres de deux minutes chacun, puisque, au total, le disque ne dure que 25 minutes. Curieux exercice de style qui, finalement, explique probablement pourquoi cet album est resté dans les oubliettes de l'histoire du rock'n'roll. Et il n'est même pas certain que cette réédition y change grand-chose, n'étant elle-même pressée qu'à 500 exemplaires, mais sur un classieux vinyl cristal transparent, à l'opposé de la noirceur habituelle de la musique de Link Wray. Notons que le label Sudazed, entre 2021 et 2023, l'a également réédité à trois reprises, deux fois en vinyl (transparent et rose) et une fois en CD. Mais, là encore, avec des pressages limités. Un disque qui manie décidément le paradoxe pour mieux brouiller les pistes. Un disque carrément pour les fans, car guère représentatif du bonhomme.



CLAIMED CHOICE : Claimed Choice (CD, Une Vie Pour Rien ?)

Les Lyonnais de Claimed Choice ont une conception toute personnelle de la oi, ce qui change un peu du genre. Même s'il faut tout relativiser. Car la oi reste quand même leur principal fond de commerce. Des titres comme "Make some noise" ou "Outcasts", outre leurs titres tout ce qu'il y a de plus explicite, n'ouvrent droit à aucune équivoque. Le couperet tombe d'ailleurs très rapidement, ça joue vite, ça gueule dans les rangs, les tempi sont méchamment appuyés, bref, c'est fait pour des chœurs hooligans fédérateurs. Mais, à côté de cette exubérance martiale et fiérote, Claimed Choice savent aussi concocter de belles pièces bien rock'n'roll, à braiser hardiment sur le barbecue dominical. Ainsi, entendre des fulgurances d'harmonica, comme sur "Bootboy (don't stop)", ça vous a un petit côté pub-rock que l'amateur du genre que je suis ne peut qu'approuver. Ailleurs, ce sont les guitares en apnée, comme sur "Knock you out" ou "Brave new world", qui nous renvoient à une forme de commerce triangulaire du rock'n'roll (Detroit, Stockholm, Sydney) qui vous donne des envies de défourailler plus vite que le pied-tendre qui vient de vous défier, dans le soleil couchant, à l'autre bout de la grande-rue poussiéreuse. Et que dire de "Six pieds sous terre" qui ramone comme si AC/DC avait dangereusement fricoté avec Motörhead ? Hein ? Claimed Choice sont la preuve vivante qu'on n'est pas obligé d'être un peu trop bas du front pour faire de la oi, on peut aussi avoir fait ses humanités sous d'autres latitudes musicales et, surtout, ne pas les avoir oubliées une fois venu le temps d'entrer dans la vie active. En huit morceaux et vingt minutes, sablier en main, Claimed Choice vont direct à l'essentiel sans s'embarrasser de discours alambiqués et encore moins de langue de bois (même si dans "bois" on a "oi").



RANCŒUR : Fatalité (CD autoproduit)

Tout n'est pas à jeter dans la new wave, a fortiori quand cette dernière est associée au punk. Dans ce cas, on peut même envisager une conception artistique complexe, loin des bourrinades punk de base, ce que distillent justement les Nancéiens de Rancœur avec des convulsions de guitare qui naviguent entre Joy Division et the Cure, donc peut-être plus cold que new, mais la différence est parfois ténue. Sauf que, derrière, la paire basse-batterie appuie constamment le tempo sur une rythmique punk, et devant, le chant est comme extirpé des tréfonds du larynx. Au final, Rancœur nous offre un savant cocktail tirant le meilleur des deux genres, ce qu'on peut communément appeler post-punk si l'on veut absolument qualifier le bazar, encore que, chez Rancœur, on soit moins dans l'obsession du regard vrillé sur le bout de la godasse. Certes, globalement, le ton général est assez cafardeux, notamment dans les textes, c'est le côté new wave, sans sombrer cependant dans la noirceur totale, c'est le côté punk. La musique de Rancœur est dense, puissante, profonde, ce deuxième album poursuivant, sans surprise, sur la lancée du premier. Pour donner le ton, si vous ne connaissez pas encore le groupe et que vous croisez ce disque chez un disquaire (vous êtes vernis si vous en avez un pas loin de chez vous), le ton est donné dès la pochette avec un superbe artwork gothique. Il n'y a pas tromperie sur la marchandise. Avec Rancœur, pas de flonflons ni de plumes dans le fion, mais, en quelques kilotonnes d'authenticité émotionnelle et revendicative. Quand le groupe chante, et met en exergue, une phrase comme "Demain c'est comme hier", il est évident qu'il est en prise directe avec son époque, son quotidien et son environnement immédiat, et que tout ça n'est pas forcément très réjouissant. D'où l'intérêt de leur musique.



CHRISTMAS : Fear of romance (CD, Kidnap Music/TNS Records/No Time Records)

Peu importe que la période ne s'y prête pas, du moins au moment où j'écris ces lignes, mais il n'y a jamais de mal à recevoir un petit cadeau, ou à s'en faire un à soi-même, ce qui est encore plus efficace, et plus sûr, tant on n'est jamais certain de trouver quelque paquet au pied du sapin. Avec Christmas, c'est donc Noël tous les jours, a fortiori quand le groupe allemand fait paraître un nouvel album, qui plus est un 6 décembre (2024 dans le cas présent), jour de la Saint Nicolas, le vrai Père Noël dans les pays de culture germanique, tout un symbole. Avec Christmas, c'est plaisir d'offrir et joie de recevoir en simultané. Elle est pas belle la vie ? Même si les Teutons ont eux-mêmes un peu peur des histoires doucereuses et à l'eau de rose, c'est en tout cas ce qu'ils prétendent dans le titre de ce nouvel disque. En moins de quinze ans, "Fear of romance" est le cinquième album du groupe, ça pourrait paraître chiche d'un strict point de vue arithmétique, ce serait oublier un peu vite la pleine brouette de singles, EP et splits en tout genre (avec Electric Frankenstein ou Turbo A.C.'s entre beaucoup d'autres), une petite quinzaine au total, qui complètent une discographie qui commence sérieusement à ressembler à une invasion de touristes germains sur les plages d'Ibiza. Et franchement, je préfère nettement celle-là à celle-ci, encore que, n'ayant jamais posé le moindre orteil dans ces îles où le surtourisme est élevé au rang d'institution, et n'ayant même aucunement l'intention de le faire avant ma mort, je me fous pas mal de ces hordes de peaux blanches gavées à la saucisse et à la bière. Même si je n'ai rien contre les Allemands en général - à part leurs généraux d'une autre époque, heureusement révolue - ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Au contraire, l'Allemagne est même un pays que j'affectionne particulièrement. De quoi me mettre bien avec Christmas, depuis un petit moment déjà. Comment pourrait-il en être autrement à l'écoute de leur punk-rock décomplexé par quelques touches hardcore explosives. Songez que, sur les douze titres de "Fear of romance", sept ne dépassent pas les deux minutes, un seul s'étalant sur plus de trois tours de trotteuse. Au moins au niveau du timing, on est loin de Beethoven ou de Wagner, c'est un évidence. Est-ce le fait que le line-up de Christmas a été renouvelé de fond en comble pour ce nouvel album ? Allez savoir. En effet, du groupe qu'on connaissait jusqu'à présent, il ne reste plus que Max, le chanteur. Derrière, que des nouvelles têtes, et donc de nouvelles mains pour grattouiller avec vaillance des guitares nourries à la bière hémoglobinée. Et des chœurs partout qui devraient largement vous inciter à reprendre toutes ces petites rengaines à l'unisson, que ce soit devant votre miroir en vous rasant ou sous la douche en vous faisant mousser (comprenez ce que vous voulez). Christmas ont peut-être la trouille des bluettes mais pas des combats de rue.



The LAUNDERETTES : Back from the sea (CD, Soundflat Records)

Les Launderettes aiment prendre leur temps, mais c'est pour mieux peaufiner leurs disques. "Back from the sea" n'est que leur quatrième album alors que le groupe norvégien s'apprête à fêter son trentième anniversaire (l'an prochain). Cet album arrive ainsi douze ans après le précédent. Autant dire qu'on a quelques années devant nous pour le savourer. Groupe entièrement féminin à l'origine, on remarque désormais une présence masculine pour bousculer ce bel ordonnancement. Même si ce n'est pas la première fois qu'un garçon vient s'immiscer dans cette sororité. Après, que l'on ne trouve que du chromosome X chez les Launderettes, ou qu'on y trouve un chromosome Y de temps en temps ne change pas grand-chose à l'affaire. Les Launderettes restent fidèles à leur style d'origine, à savoir une bonne dose de garage, un solide accompagnement rock, voire une subtile sauce punk et le tour est joué. Avec un orgue sautillant, une guitare délicatement fuzzy, une rythmique enjouée et la voix d'Ingvild Nordang, entre alto et mezzo-soprano, qui vous fait l'effet d'une lime sur le barreau d'une prison, avec cette promesse libératrice latente, ou d'une lame effilée entre les côtes, avec la promesse d'une mort propre et rapide, les Launderettes savent allier puissance sonore (ah ! ce "Take me to Acropolis" qui pulse comme des tambours de guerre ou cet orgue incandescent sur "Steep & narrow") et richesse mélodique pour nous servir une vision du garage aussi peu passéiste que possible, un paradoxe si l'on considère que, au niveau des reprises, le groupe ne prend guère de risques, "I can't explain" des Who et "I'm not like everybody else" des Kinks, voilà qui balise sérieusement un chemin un brin fréquenté mais qui, malgré tout, réserve encore de belles surprises. Et de toute façon, quand on se fait produire par Anders Møller, qui fut le premier batteur de Gluecifer, on ne s'attend sûrement pas à ce qu'il en sorte une banale sucrerie insipide bourrée d'aspartam. Ou alors c'est qu'on n'a pas bien lu les petits caractères au bas du contrat. Les Launderettes ne font peut-être pas trop de bruit, médiatiquement parlant, mais c'est pour mieux se concentrer sur ce qu'elles savent faire de mieux, un garage-rock intense et plein d'une verve mordante dont on apprécie chaque rondelle de vinyl à sa juste valeur, elles sont suffisamment rares pour se faire désirer et se laisser savourer sans arrière-pensée.



The FIVE CANNONS : Ready ! Aim ! Fire ! (CD, Soundflat Records)

A priori, comme ça, à brûle-pourpoint et au saut du lit, si vous me demandez si j'aimerais me retrouver devant un peloton d'exécution, il y a des chances pour que je réponde par la négative, n'étant guère convaincu de la délicatesse atavique de cet échantillon du genre humain. Maintenant, n'ayant jamais été confronté à une telle situation, peut-être me fais-je des idées. D'autant que, parlant de ça, les Five Cannons se présentent un peu comme tels, cinq bouches à feu pointées sur ma frêle poitrine avec un gugusse hurlant "Prêt ! En joue ! Feu !" (en anglais ou en espagnol importe peu) derrière eux pour finalement entendre le "Yabba dabba doo" de Fred Flintstone retentir en introduction du premier album du groupe madrilène, je trouve que je m'en sors plutôt pas trop mal, j'aurais pu m'attendre à pire. Surtout qu'après ça balance du rock'n'roll comme à la revue, un rock'n'roll qui fourmille de rythmes pelviens, de mélodies dansantes ("Blue tabu"), de black rock énergique ("La respuesta"), de mid-tempo sensuel ("Eyes of fire") et mêmes d'arabesques blue beat ("L'orologio"). Les Five Cannons sont un quintet emmené par un chanteur italien, qui vocalise parfois dans sa langue natale mais le plus souvent en anglais, accompagné de quatre hidalgos dont certains ne sont pas inconnus de nos services pour avoir déjà œuvré au sein de bandas du genre Imperial Surfers (notamment le saxophoniste Javi Hunka-Hunka) ou Impossibles. Le rock'n'roll des Five Cannons plonge ses racines dans des fifties débordant largement sur les swinging sixties, le tout paraffiné aux eighties les plus flamboyantes. On trouve chez les Five Cannons, comme un imperceptible halo, des relents de Barrence Whitfield autant que de King Salami et ses Cumberland Three qui vous titillent les hanches au point qu'elles peuvent vite devenir incontrôlables et pourraient vous valoir quelques démêlés avec la police des mœurs si vous vous laissez aller, surtout en public, sans prendre les plus élémentaires pudiques précautions. Les Five Cannons parviennent même à rendre bigrement aguichante la "Diana" de Paul Anka (adaptée en italien, tant qu'à faire, et sur un rythme skankant), c'est dire si le sex-appeal latin reste d'une efficacité redoutable dès qu'il s'agit d'exorciser ses aptitudes à conter fleurette à la gente féminine. Faut se faire une raison, on ne peut pas lutter.


Léo442

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