LONDON AFTER MIDNIGHT (1927) - EN QUÊTE DU FILM LE PLUS RECHERCHÉ AU MONDE
Beaucoup d’entre vous n’ont sûrement jamais vu un film muet de leur vie… Pas de son, des images tremblotantes, des acteurs aux mimiques excessives… il y a tellement de raison de ne pas les aimer. Mais, il y en a aussi beaucoup pour faire le contraire.
Dans le monde de
la musique, les précurseurs deviennent des légendes. Qui oserait critiquer
les Stones ou Beatles, pire encore avec Elvis. Même si un artiste est plus
talentueux et compose de meilleurs morceaux, il n’a aucune chance face à ces
mythes dignes de dieux Olympiens.
Pourquoi n’en
est-il pas de même pour le cinéma ?
Sur notre blog,
nous essayerons de parler aussi bien d’un film actuel que de ceux, plus vieux,
tombés pour n’importe quelle raison dans l’oubli.
Aujourd’hui, consacrons-nous à une perle qui n’en est peut-être pas une.
Par-contre, son statut de légende est présent. Son personnage principal a inspiré, entre autres, l'aspect d’Alice Cooper, Kiss, Turbonegro … Nous allons évoquer LON CHANEY et plus particulièrement le film LONDON
AFTER MIDNIGHT. Il fait partie des longs métrages les plus recherchés au monde,
des livres lui ont été consacrés et même
des sites internet entiers.
Tout d’abord, situons l’action de notre aventure : nous sommes le 17 décembre 1927, la METRO GOLDWYN MAYER (MGM) sort en première sur les écrans du Miller Theater dans le Missouri ce film fantastique.
Son réalisateur est
TOD BROWNING, il est resté connu pour son DRACULA, ayant révélé l’acteur BELA LUGOSI, ou le film LA MONSTRUEUSE PARADE
(aussi connu sous le nom de FREAKS), les acteurs principaux en sont des
phénomènes de foire pour l’époque tels des femmes à barbe ou autres hommes
troncs…
Son acteur
principal est LON CHANEY, une superstar de l’époque dont juste le nom attirait
les foules. Il avait été l’acteur principal du FANTOME DE L’OPERA (1925) ou de la
première version de NOTRE DAME DE PARIS (1923).
Sa particularité ?
Ses transformations physiques, il n’hésitait pas, au risque de sa santé, à
bloquer ses bras ou jambes dans des bandages afin de jouer manchot ou
unijambistes. Son visage, il le déformait à l’aide de moyens souvent douloureux
afin de le transformer. On l’appelait d’ailleurs « L’homme aux mille
visages ». Il fut le premier vrai maquilleur d’Hollywood et source
d’inspiration pour tous les suivants. Prenons exemple avec notre film :
Afin de rendre
ses yeux tellement protubérants, il coinça comme des monocles des cadres de fil
de fer dans ses orbites. Ils étaient si serrés qu’ils empêchaient ses
paupières de bouger et par là-même ses yeux de cligner. Concernant le rictus
effrayant toujours présent sur son visage, des fils de fer bloquaient sa bouche
dans la forme voulue (qui a dû aussi être une influence pour le créateur du
JOKER). Ses prothèses dentaires étaient modelées avec de la gutta-percha et
une perruque ainsi que du maquillage traditionnel complétaient le tout.
D’après les
critiques retrouvées, Il se déplaçait penché et faisait des mouvements
d’araignée.
À l’époque,
contrairement au cinéma actuel, les États-Unis n’étaient pas friands de films
fantastiques. Ce style était bien plus présent en Europe à travers des films
tels que NOSFERATU (1922) ou LE CABINET DU DR CALIGARI (1919). Ce fut tout de
même le premier film de vampires du cinéma américain… ou du moins s’en
approchant. Le vampire du film s’avérant ne pas en être un finalement.
L’histoire qui
sera reprise en 1935 dans le remake du même réalisateur LA MARQUE DU VAMPIRE (avec BELA LUGOSI) est assez simple :
L’inspecteur de
Scotland Yard Edward C. Burke (LON CHANEY) enquête sur la mort de Roger Balfour. James
Harmlin, un ami de la victime, est convaincu que celui-ci ne s’est pas suicidé.
Une lettre d’adieu à sa fille Lucille, lui demandant de le pardonner est
découverte. L’affaire est donc classée.
Cinq années ont passé, l'ancienne demeure de Balfour est maintenant en ruines, elle est occupée par un homme à l'allure bizarre, aux dents pointues, portant une cape et un Chapeau haut de forme (également joué par Lon Chaney), ainsi que par deux compagnes cadavériques.
Lorsque la nouvelle femme de chambre arrive, elle est convaincue que ce
sont des vampires et qu'ils sont directement responsables de la mort de l’ancien
propriétaire. Burke est rappelé et constate que le bail des nouveaux locataires
est signé par Balfour.
Burke va aussi découvrir que la tombe de Balfour est vide, Lucille déclare par ailleurs avoir entendu la voix de son père l’appelant. Plus tard,
Balfour sera vu de loin en train de discuter avec l’homme au Chapeau haut de
forme. L’inspecteur se décide alors d’utiliser l'hypnose afin de résoudre cette
mystérieuse enquête…
Ce film fût très peu apprécié par la critique de l’époque, mais obtenu tout
de même un grand succès public. Son petit budget de 152 000 dollars pour
24 jours de tournage amena 721 000 dollars dans les caisses de la MGM.
Maintenant parlons de la légende, elle fut beaucoup entretenue par Forrest
J. Ackerman et son magazine d’horreur américain "Famous Monsters of
Filmland".
La MGM, au début de son existence, était assez stricte avec les copies de ses films. Une fois l’exploitation terminée elles devaient être retournées. Leur matière première étant assez couteuse et donc recyclée. La probabilité qu’une personne ait pu à l’époque conserver un exemplaire de leurs films est presque nulle.
Contrairement à d’autres longs métrages fantastiques tels les Frankenstein
et Dracula, il ne ressortit pas sur les écrans dans les années 50 et ne fut pas
non plus diffusé à la télévision.
La seule copie restante était conservée dans les archives numéro 7 de la
MGM. En 1953, William K. Everson et David Bradley, deux historiens du cinéma, la
sortirent de son étagère poussiéreuse pour leur recherche. Leur but était de la
comparer au remake de 1935. Le film nitrate était encore de très bonne qualité
et leur permirent de constater la supériorité sur beaucoup de points du remake.
Ce furent malheureusement les derniers qui purent le constater, le film
retourna sur son étagère jusqu’en 1967, date à laquelle les archives numéros 7
de la MGM furent victime d’un incendie causé par un câble électrique
défectueux.
Il ne fut pas la seule victime, certains films de Laurel & Hardy, des dessins
animés de Tom & Jerry, un film de Greta Garbo THE DIVINE WOMAN (son seul encore actuellement considéré perdu) furent anéantis au milieu
d’autres moins connus. La MGM décida par la suite de céder toutes ses copies
nitrate à la Eastman House, plus à même de les conserver.
En 1973, on retrouva mystérieusement sa trace dans un catalogue Blackhawk Films, firme sérieuse proposant des films muets en tout format. Il était proposé avec six autres œuvres de Lon Chaney. La MGM aurait porté plainte et fit retirer cette offre de leurs catalogues suivants. Mais des copies auraient, parait-il été commandées auparavant…
Deux ans plus tard, une annonce le proposa en version 16mm. La firme
anglaise Cecil Miller au début des années 70 l’annonça pour un futur catalogue,
ce qui s’avéra être un canular.
C’est en 1995 que de nouvelles rumeurs apparurent, une bande-annonce aurait
été trouvée aux îles Canaries… Depuis, plus de nouvelles. Un catalogue plus ou
moins légal de films muets l’avait aussi listé en 1998, et le film aurait été
aussi repéré à Cuba et en Espagne !
On a l’impression de suivre les traces d’un OVNI…
Enfin 2022 !
Cette année amène un nouvel espoir, si
un collectionneur le possède vraiment il peut enfin le sortir légalement, ses
droits d’exploitation tombant dans le domaine public.
Un autre aspect
de son histoire est réel. Elle concerne un meurtre commis en 1928 à Hyde Park
par un certain Robert Williams. Il aurait été sous l’emprise de l’image de LON
CHANEY dans LONDON AFTER MIDNIGHT pendant qu’il commettait l’acte irréversible. Cela l’amena rapidement dans un hôpital psychiatrique.
En 2002, la
chaine de télévision Turner Classic Movies (TCM) chargea Rick Schmidlin, un
spécialiste de la restauration de films, de réaliser la meilleure reconstruction
possible à l’aide du scénario ainsi que de 200 photos encore existantes. Ce film
de 48 minutes n’est bien sûr pas comparable à un film animé, mais la vue de
l’éclairage surréaliste ainsi que l’ambiance horrifique palpable sur les
photos, nous montre bien qu’il fut le précurseur des films d’horreur de la
période d’or de la Universal.
Lors d’une vente
à Dallas en 2014, une affiche originale du film fut vendue pour 478 000
dollars. Les figurines et autre merchandising autour de cette œuvre sont
couramment vendus à travers le monde, pas mal pour un film disparu depuis sa
sortie.
Une dernière petite note : THE TOLL OF THE SEA (1922), le deuxième film tourné en technicolor, également victime de l’incendie de 1967 fut retrouvé en 1985 dans une version presque complète…
Pourquoi ne pas garder espoir ?
Alfredo (Merci d'avance pour vos commentaires !)
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