HOT WAX - DANIEL LESUEUR - DU BOOTLEG À CAMION BLANC



Bootlegger au début des 70's puis animateur radio, journaliste musical et écrivain, Daniel Lesueur tombe très jeune dans l'univers du livre grâce à un père imprimeur et se passionne plus tard pour les bandes dessinées franco-belges. En 1960, il a huit ans et découvre la musique qui va faire partie de sa vie jusqu'à collectionner les raretés, picture-discs, bootlegs, disques retirés de la vente et tout ce qui peut faire la joie d'un amateur de vinyles.

Interview !

Daniel, tu es passionné par les picture discs, tu as écrit un livre sur le sujet. C'est venu comment, l'intérêt pour ce type de support précisément?

Disons – je vais être un peu prétentieux – que j'ai toujours été en avance sur les modes : nos superbes EP français qui valent aujourd'hui entre 30 et 300€ pièce, je les ramassais par terre le samedi matin en sortant du lycée, au marché aux puces de la porte de Vanves ; ça valait 1 franc en 1967, tout le monde méprisait ces disques qui, pourtant, étaient déjà rares. Donc, lorsque j'ai possédé l'intégralité des EP français d'artistes anglo-saxons, je me suis mis en quête des ces picture discs... ANCIENS, à un moment où le picture disc récent devenait une mode. Et – pas d'erreur, c'est Lesueur – c'est évidemment leur beauté qui m'attirait : c'était bien rare que j'écoute un 78 tours, fut-il PICTURE DISC !

Tu possédais énormément de vinyles il y a 30 ans (15000 pièces). Tu les as revendus, est-ce que tu collectionnes à nouveau aujourd'hui?

Je m'en suis débarrassé... D'une part parce qu'il fallait bien faire manger les enfants... Et d'autre part parce que je trouvais idiot de garder des trucs que je n'écoutais pratiquement pas : aurais-je eu le temps de sortir un LP pour écouter une seule chanson ? Et franchement je ne regrette rien car grâce au MP3 je suis vraiment devenu LIBRE... au point qu'à la maison nous n'avons ni télé ni radio. En revanche une collection phénoménale de films rares en N & B et en regardons un par jour (SANS COUPURE DE PUB !). Mais de cette belle collection il reste un très beau reportage que j'ai mis sur ma chaîne youtube :

 https://www.youtube.com/watch?v=24KVLgGkPo8&t=5s

Le ou les disques le(s) plus rare(s) dans ce que tu possèdes encore ?

Un PICTURE DISC 78 TOURS EN CARTON... Je l 'ai trouvé dans la demeure de Michel Simon en région parisienne (l'acteur était plus souvent en Suisse). C'est un très beau CHRIST peint par LE TITIEN (il est bien sûr reproduit dans mon livre L'histoire du disque et de l'enregistrement sonore).

Tu as trouvé un picture disc chez Michel Simon? Comment ça s'est passé? C'était après sa mort pour une vente aux enchères? Autre? 

Dans un salon de collectionneur, je tombe sur un objet de mes fantasmes : une machine à graver des disques à l'unité. Je suis prêt à l'acheter mais, le minimum, "Fonctionne-t-elle ?".... "J'en sais rien, ça appartenait à … "  (et là je ne me rappelle plus quel était son lien de parenté avec l'acteur). Alors il me dit : « Ne la prenez pas aujourd'hui, passez au domicile de Michel Simon et nous verrons si elle fonctionne ». J'y vais (c'est environ 1983) ; LA MACHINE NE FONCTIONNE PAS mais je suis autorisé à « foutre mon nez partout ». Il y avait des costumes de scènes (hélas à l'époque je ne collectionnais pas encore sur le cinéma). J'achète le picture disc déjà évoqué ainsi que deux disques en tirage unique. L'un contenait des discours d'Hitler, l'autre une répétition bidon d'une scène, Boulevard des premières loges à l'opéra du film VAUTRIN de 1942. Et il y avait ce soir-là Edith PIAF ! Vous pouvez écouter ce document unique sur ma chaîne youtube :

https://www.youtube.com/watch?v=MNmADQcdHEQ

Il se raconte qu'il avait une grosse collection de photos et films érotiques et/ou pornographiques. Tu confirmes? Qu'est-ce devenu? 

C'est exact mais moi je suis allé chez lui en région parisienne. Ses collections d'objets érotiques et ses collections de montres étaient en SUISSE et furent vendues aux enchères.

Tu as gardé des bootlegs ?

Symboliquement le tout premier tirage de GREAT WHITE WONDER... Totalement immaculé : ni tampon, ni numéro de matrice ! Et deux – trois autres symboliques ; je vous parlerai plus loin de mon PREMIER bootleg. Le deuxième, je l'ai toujours, c'est My God de Jethro Tull sur un magnifique vinyle mauve que je me suis payé le luxe de faire dédicacer par Ian Anderson... J'ai gardé Hendrix Live Experience 1967 - 1970 car superbe pochette photo N & B... et Catalepsy de l'Airplane car c'est le premier que j'ai fait fabriquer moi même !

Cette industrie « parallèle » ne t'est pas inconnue, tu en as vendu. Comment est-ce arrivé ?

Bootleg HELP - Double album de 1970

Un miracle et un grand moment d'émotion : ça faisait DES MOIS que j'en entendais parler dans Melody Maker et N.M.E. Mais pas moyen d'en trouver. J'en rêvais, vraiment. Et un jour au marché aux Puces je vois dans un fond de boutique UN DISQUE BLANC. Putain, le cœur s'est mis à battre... au point que j'ai dû passer quelques minutes appuyé contre un mur avant d'oser entrer dans la boutique ! Et c'est à l'origine d'une nouvelle collection : tellement ému, je n'ose parler au vendeur et achète un double 33t estampillé HELP(*). À coup sûr un Beatles, croyais-je. C'était DYLAN... avec qui j'étais fâché depuis « Nashville Skyline ». J'écoute à contre cœur ces inédits de Dylan... et découvre des MERVEILLES, des MERVEILLES. Du coup je devins pour les années à venir l'un des plus grands collectionneurs - chercheurs français de Dylan. Ce fameux HELP est à l'origine de ma modeste carrière : j'étais étudiant fauché et - c'est le coup de la pomme qu'on fait briller - avec ce modeste investissement de 35 francs, j'ai réalisé que c'était peut-être la chance de ma vie. La semaine suivante j'ai dû en racheter deux ou trois, puis revendus... Mais quand je parle de "chance de ma vie", c'est parce que parmi mes clients il y avait des journalistes rock (Hervé Muller, Jacques Leblanc etc) et c'est ça qui m'a mis le pied à l'étrier. Sans eux qui m'ont mené à devenir journaliste, je serais resté un simple vendeur de disques rares, ce qui est beaucoup moins passionnant que tout ce que j'ai fait après. Je possède toujours ce HELP mais ai bidouillé sa pochette d'origine : ce disque a été mon porte-bonheur, alors un bout de la pochette est depuis sur mon bureau, avec, au dos, collés, des trèfles à quatre feuilles que j'avais trouvés à la même époque.

Tu passais des annonces pour de la vpc de bootlegs dans les journaux. Cela paraît invraisemblable, c'était à quelle époque ? Tu n'as jamais eu d'ennuis ?

En gros je crois 1972 – 1974. S'y rattachent des souvenirs : un gamin aux cheveux à la ceinture venait en solex m'acheter des boots des Who et des EP de Françoise Hardy : c'est JACNO bien avant qu'il fonde les STINKY TOYS ! CHARLEBOIS, lui aussi, est passé... mais n'a rien acheté
J'ai été convoqué une fois au commissariat. Une convocation laconique : « affaire vous concernant ». mais comme, en dehors des disques, je ne faisais rien d'illégal, je savais de quoi on allait m'entretenir. Alors j'ai pris cette menace au sérieux. 

Mais la police n'était pas très au fait de ce qu'était un disque pirate, et me dit « Il paraît que vous vendez des disques offensant les bonnes moeurs ». Et là j'ai eu un trait de génie :

- « Mais vous avez raison, c'est le disque de John et Yoko, ils sont à poil. Mais je tiens à préciser qu'il est vendu avec une sur-pochette qui masque leur nudité. Vous pouvez venir vérifier mes stocks quand vous voulez ».

Ce fut classé sans suite mais j'ai arrêté mon commerce illicite... de bon aloi, quand même. J'avais été dénoncé par un mec de chez Pathé qui m'avait commandé plusieurs bootlegs en se faisant passer pour un collectionneur. Le plus drôle est que quelques mois plus tard, sans savoir que c'était lui, je suis devenu pote avec le gars de Pathé (qui, en toute bonne fois, avait cru que j'étais un gros trafiquant millionnaire alors que j'étais juste un étudiant sans le sou).

Nous étions conscients des risques encourus, et lorsqu'on voyait arriver des flics, les disques étaient remballés et portés chez Hélène, une jeune fille très sympa qui habitait près des puces de la porte de Clignancourt

Tu revendais uniquement ou bien est-ce que tu faisais presser certains disques?

J'en ai fait réaliser quelques-uns très réussis : un McCartney à Paris, Catalepsy déjà évoqué, deux Floyd (Water's Gate - c'était à l'époque du Watergate !, leur concert de 1970 à Paris, et un Barrett / Floyd)... Radio Caroline, une compil' de titres inédits des Stones auxquels j'avais entremêlé des jingles de radios pirates... Top Of the Milk, un EP flexi vinyle bleu des Cream. C'est tout je crois.

Comment opérais-tu pour avoir des bandes live ?

Là c'est très simple : il existait déjà un circuit de collectionneurs qui avaient des mini-k7. Donc, les uns enregistraient des concerts à la radio, d'autres y étaient, se fondaient dans la masse avec le K7 dans le dos, le micro passé dans la manche du manteau. Plus fort encore : certains avec un micro-émetteur et un véhicule aux abords de la salle de concert : ça pouvait même être diffusé en direct sur une radio pirate FM !

Comment travaille-t-on quand on fait des bootlegs ? On contacte des usines de pressage? On a sa propre usine clandestine ?

À l'étranger, je l'ignorais. Moi, en passant par un intermédiaire, il paraît que c'était un gars qui faisait des heures sup' chez le presseur d'une grande firme.

Après la fabrication, supposons qu'on a 500 ou 1000 copies à vendre, il faut trouver des grossistes qui acceptent de fournir les détaillants et il y a des risques. C'est une filière organisée ?

Perso je tirais à cent exemplaires, alors je n'avais pas besoin de revendeur. En revanche j'en étais un moi-même pour les disques qui venait d'Allemagne, USA ou Hollande.

Pink Floyd BBC live 1967 - 1969 

Captain Crochet, le label qui a sorti Waters Gate etc, c'était toi? 

Ah j'avais oublié CAPITAINE CROCHET ; alors non, pas en personne.  CAPITAINE CROCHET c'était mon contact qui connaissait le mec à la presse d'une compagnie parisienne. Avant de me connaître, il avait juste fait sortir un IGNOBLE BLACK SABBATH à PARIS au son DEGUEULASSE DEGUEULASSE DEGUEULASSE ! une anecdote : un peu parano, quand il avait ma centaine de disques prête, il me téléphonait et sortait une formule du type "tes chaussettes sont sèches" !   

Avant Great White Wonder de Bob Dylan, il y a eu des 33 ou 78 tours de contrebande dans les années 50, des disques de Blues ou de musiques de films. On ne les appelait pas encore bootlegs, tu en possèdes ?

Non, aucun, ça ne m'a jamais intéressé.

As-tu connu les grands noms du bootleg américain ? Ken Douglas, Andrea Waters, John Wizardo, le designer William Stout qui a fait de fabuleuses pochettes des Stones, Who, etc?

Non. En revanche je n'oublierai jamais l'ami allemand Robert Nietsche qui m'a initié à la bière EKU 28. je ne bois que celle-là depuis 40 ans !

Écrire un livre sur le sujet, comme l'ont fait Clinton Heylin et Alain Gaschet, c'est quelque chose que tu as envisagé ?

Il y a eu un projet à deux, peut-être avec Alain, je ne me rappelle plus. Mais vu que mes connaissances étaient limitées dans le temps, c'était très réducteur donc, pour ma part, j'ai abandonné l'idée.

Si on différencie le bootleg du disque « pirate » (qui contient des enregistrements officiels), as-tu également « fait » du pirate? Des albums officiels piratés en picture-discs par exemple, parce que justement ils n'en existait pas officiellement ?

La contrefaçon, jamais, c'est ignoble. Le bootleg, lui, était noble. D'ailleurs il ne nuisait pas au commerce officiel puisque les mecs qui en achetaient possédaient déjà tous les officiels. Je dirais même que le bootleg aurait dû être... remboursé par le ministère de la culture !

Cet album des Beatles avec lequel tu es photographié (Yesterday and Today) tu as possédé l'original. Peux-tu nous raconter l'histoire de ton exemplaire ? Quand et comment l'as-tu trouvé ? Il valait combien à l'époque et combien vaut-il actuellement?

Je l'ai trouvé chez un gars pas trop passionné qui l'avait acheté aux USA de façon tout à fait ordinaire, à prix normal.

Il a été retiré de la vente mais on le retrouve fréquemment aujourd'hui avec la première pochette, ce sont des rééditions pirates ?

Oui aujourd'hui ce sont des faux. Du moins la dernière fois que j'en ai vus : ça fait au moins dix ans que je n'ai pas mis les pieds dans un salon ou chez un disquaire. Il peut sembler logique qu'il ait été réédité officiellement.

Nous l'avons vu au début de cette interview, tu as écrit un livre sur les picture-discs, tu en as écrit beaucoup d'autres, sur Jimmy Page, John Wayne Gacy, Tracy Lords, .... Tu as quelque chose en cours ou un projet?

Toujours, toujours, et avec double casquette puisque je suis aussi directeur d'ouvrage auprès de l'éditeur CAMION BLANC / CAMION NOIR ; donc... je corrige les manuscrits qu'on me propose, et j'écris les miens en parallèle. Mais en matière de musique je commence à avoir fait le tour alors depuis quelques années j'écris autant sur le cinéma en N & B et des biographies de personnages hors du commun (serial killers, acteurs & actrices porno, actrices du N & B... et puis Dorothy Kilgallen, Sarah Churchill, l'affaire Kennedy). J'ai en cours une bio de Petula Clark, une grande artiste qui curieusement n'a pas la reconnaissance méritée.

Écrire rapporte quoi, à part le plaisir que procure l'écriture justement?

Faire la connaissance d'auteurs en herbe. Et puis gagner ma vie en droits d'auteur.

De combien de temps as-tu besoin en moyenne pour écrire un livre ?

Avec l'habitude (j'en ai écrit une cinquantaine) et le côté pratique de l'ordinateur que je n'avais pas à mes débuts, je suis devenu très rapide. Plus vite que mon ombre : je peux en écrire un en trois mois.

Tu écris tes livres par toi-même ou bien est-ce que tu en reçois en commande ? 

Sur la cinquantaine, je dirais trois en commande. J'ai vraiment une IMMENSE liberté et remercie mon éditeur CAMION BLANC ainsi que ceux qui l'ont précédé. Je propose mes sujets (mais j'ai quand même la délicatesse de ne pas proposer des sujets voués à l'échec!) et ils sont toujours acceptés.

Quels sont ceux dont tu es le plus satisfait ?  

Ah surtout SEXPIONNAGE à LONDRES : j'ai vraiment – je suis prétentieux ! - effectué un travail de recherche fabuleux. Je me suis senti investi de la mission de réhabiliter les deux personnages centraux, Ruth Ellis, une pauvre jeune femme qui fut la dernière pendue en Grande-Bretagne et sans un malheureux concours de circonstance aurait été graciée, et Stephen Ward un ostéopathe également artiste sur le dos de qui on a collé tout le poids d'une sale affaire. Un bouc émissaire qu'on a fait taire et dont on a transformé le meurtre en suicide.

Tu as également une collection de bandes dessinées. Quelles sont les pièces maîtresses ?

Toutes les éditions originales des années 40 et 50 sont des pièces, alors « plus pièce que pièce », je citerais un VALHARDI avec un dessin pleine page.

As-tu participé à la vente de « bootlegs » de la BD tel que « Tintin au pays des Soviets » ? 

Non : on le trouvait boulevard Saint-Michel, mais contrairement aux bootlegs de musique qui étaient vraiment enrichissants, ce TINTIN CHEZ LES SOVIETS est vraiment mauvais ; il méritait l'oubli !

Comment arrives-tu à classer une telle collection, pourrais-tu t'en séparer un jour ?

Les BD, très simple : par ordre alphabétique dans des armoires. Ce sera la dernière chose dont je me séparerai... mais j'espère avoir la force de le faire « sentant la mort venir » car mes filles ne s'y intéressant pas ce serait dommage que ça termine à la benne !

Pourquoi collectionnes-tu les testaments de stars et comment est-ce que tu arrives à mettre la main dessus ? Quelles sont les pièces dont tu es le plus fier ? 

Les stars (et les politiciens) nous mentent alors je suis parti du principe que c'est uniquement avant de passer de vie à trépas qu'ils seront (peut-être!) honnêtes. Mes pièces les plus intéressantes m'ont servi de base de travail pour mon livre ROCK DEGLINGUÉ... mais j'avoue que le dénuement de celui d'Edith Piaf ne manque pas d'intérêt !

Comment as-tu obtenu le testament d'Edith Piaf ? Et c'est quoi l'intérêt de celui-ci par rapport aux autres ? Peux-tu nous raconter son histoire ?

C'est Bernard MARCHOIS, de l'Asso Les amis d'Edith PIAF, qui le possédait, original ou copie ? En tout cas j'en ai eu une copie. L'intérêt de celui d'Edith par rapport aux autres de ma collection, c'est, d'abord, son extrême dénuement, et sa date de rédaction, un « 13 », nombre redouté par beaucoup. Dans quel état était-elle à cet instant, pour avoir fait une faute d’orthographe sur son prénom (elle signe “Edithe”, et omet d’achever sa phrase) ?


Testament d'Edith Piaf

Tu t'intéresses au cinéma muet jusqu’à la fin des années 40. La nouvelle vague des années 60 ne t'a pas parlé ? Pourquoi particulièrement cette période muet 30/40? 

Non, pas muet ! Justement le N & B du début du parlant jusqu'à 1949... et en réalité plutôt 1947 : le cinéma français, jusque là, était fabuleux. Et puis, avec le Festival de Cannes, il a voulu s'exporter. Et ainsi s'est travesti et a perdu sa spécificité, son savoir-faire et son génie. Avis perso : les films français de 1930 à 1949 sont géniaux 9 fois sur 10 ; la décennie suivante, c'est le contraire : nuls 9 fois sur 10. Je comprends la réaction de la Nouvelle Vague qui s'insurgeait contre ce cinéma de merde, souvent bâtard (co-productions). Hélas, la Nouvelle Vague, c'est assez chiant !

Collectionnes-tu également des objets relatifs au cinéma ? Si oui, lesquels ? 

J'ai, un projecteur Pathé Baby et une valisette avec environ 80 bobines 9,5mm de trois minutes chacune. Rien d'autre... à moins qu'on incluse les bobines de 16mm ou autres que je suis obligé d'acheter lorsque les films n'ont jamais été édités en VHS ni passés à la télé depuis au moins 50 ans.

Quels sont tes genres / films préférés et comment es-tu arrivé au cinéma, qu'est-ce qui a allumé cette passion ? 

J'avais toujours apprécié le cinéma, soit en salle, soit à la télé. Mais mes activités sur la musique étaient si dévorantes que je n'avais pas trop le temps pour autre chose (le croirez-vous, je n'ai pas pris de vacances plus longues que 5 ou 6 jours depuis 1970)... mais ma passion est telle que je n'ai pas non plus l'impression d'avoir vraiment travaillé depuis cinquante. Disons que je me suis « amusé » et ça m'a, en plus, permis de gagner ma vie ! Mes films préférés sont des mélo français des années 30 et 40... Ce qui ne m'empêche pas d'avoir d'énormes passions pour, par exemple, les deux séries BREAKIN' BAD et BETTER CALL SAUL, bien éloignées du mélo en N & B !

Tu as participé à différentes revues de musique. Quelle a été la plus intéressantes pour toi et pourquoi ? 

Bonne question ! Les plus intéressantes furent, entre mes débuts à EXTRA et ma fin à JUKEBOX MAGAZINE, la période intermédiaire car j'en étais plus ou moins rédacteur en chef et pouvais faire ce que je voulais. Mettre Gérard Manset en couverture d'un mensuel, il y a presque 50 ans, falait avoir les couilles : c'était pas un plan marketing pour vendre le journal ! Cette période journaliste (puis ensuite animateur de radio et de télé) m'a ouvert des rencontres formidables : l'adorable Valérie LAGRANGE, l'ami Patrick COUTIN dont j'ai pu faire sortir le disque alors que toutes les firmes l'avaient refusé une première fois. Et puis Eric BURDON, Rory Gallagher, Ian Anderson, etc. je viens d'ailleurs de publier en e book un recueil de plusieurs dizaines de mes interviews 

https://www.amazon.com/Masques-Plume-interviews-chanson-fran%C3%A7aise-ebook/dp/B09MR4FMH5

Peux-tu développer ce que tu as fait avec Patrick Coutin ? Comment s'est passé le deal, etc?

C'est au Gibus que j'ai découvert Patrick Coutin. Le Gibus... Un endroit où, à la longue, d'y aller presque chaque soir, l'ennui me gagnait, et j'avoue qu'il m'arriva plus souvent qu'à mon tour d'aller dévorer une pizza ou jouer au flipper pendant l'attraction. Eh bien, pour Patrick, ce fut loin d'être la routine : dès les premiers accords de la première chanson, je laissai tomber la boule (et pourtant, moi, le flipper, c'était mon autre passion) et me ruai au premier rang. Et ce n'était pas, comme vous le croiriez, J'aime regarder les filles, mais 400 millions de kilomètres, pour moi le meilleur titre de son premier album. Je suis allé faire sa connaissance après le concert :

- « C'est vachement bien ce que tu fais, je serais heureux, en tant que journaliste, de te donner un coup de main.. ».

En rigolant, il me dit « Bin on a enregistré un album à Hérouville et personne n'en veut. Alors si t'as une idée, chiche ! »

Et en effet, connaître « LA » bonne personne : nul besoin pour moi de retourner voir TOUTES les maisons de disques : j'avais des affinités avec Michel Castric, un gars formidable chez Epic (CBS) ; je connaissais ses goûts, j'étais sûr que ça lui plairait. Dès la première chanson, il coupe, me dit « C'est bon, je PRENDS, JE PRENDS ». Bien sûr, après, ça va prendre un an et demi pour que l'album sorte, mais c'était pas grave (écoutez patrick raconter l'histoire sur FR 3 : https://www.youtube.com/watch?v=VC7oPbxKbvs 

Pour les concerts en tant que spectateur, justement, quels sont tes bons et tes mauvais souvenirs? 

Mauvais souvenirs des Sex Pistols au Chalet du Lac le 3 septembre 1976 et de Nina Hagen à l’Olympia le 3 novembre 1980 : c’était pour chacun leur première venue en France – et particulièrement pour les Pistols dont c’était le premier déplacement à l’extérieur de l’Angleterre natale – mais il régnait un tel bordel à l’entrée... Et quand je dis « à l’entrée », je devrais dire déjà à l’extérieur. Les gens étaient prêts à se battre. Des dizaines... Largement des dizaines de brutes et autant d’abrutis. Bref, que ce soit pour eux ou pour Nina, je préférai baisser les bras et rendre les armes, qu’attendre encore une heure de plus pour – peut-être – pouvoir entrer. Pas terrible non plus le contexte pour les Who le 10 février 1974, un dimanche après-midi, à la porte de Versailles... Ce Parc des Expositions était une pourriture (« On ne voit rien, on n’entend rien, mais on paie 30 francs tout de même » écrit Jean-William Thoury au sujet de ce même concert dans Extra n°41). Peut-être ad hoc pour le salon de l’Auto ou de l’Agriculture. Tâter le cul des vaches, oui. Écouter Tommy, non. Les mômes avaient passé des heures, assis par terre, devant les grilles, attendant qu’elles ouvrent. Et au moment fatidique, se mettre à courir comme des malades pour être au premier rang. Qu’importe qu’une bousculade s’ensuive... Est-ce bien raisonnable ? De leur part, et de celle des organisateurs ?

And now ladies and gentlemen, les bons souvenirs... mon émerveillement devant Kate Bush le 6 mai1979 (son unique concert en France au théâtre des Champs-Élysées), mon étonnement lorsque l’impassible Robert Fripp de King Crimson daigna adresser un sourire – très chaleureux, du reste ! - aux quelques fans, dont moi, agglutinés devant la scène de la salle Pleyel le 19 novembre 1973. Je me souviens de Suzi Quatro à Londres, au Rainbow le 8 mars 1975, et de l’interview réalisée juste après pour le mensuel Extra, avec mon ami Jacques Barsamian. Neuf jours plus tard, Genesis se donnait au public parisien pour la dernière fois avec Peter Gabriel et c’est, pour moi, le plus beau concert auquel j’ai assisté.

Peux-tu nous parler de « Rarities show » et où trouvais-tu les morceaux que tu diffusais à l’époque ?

Je me souviens qu'à peine âgé de trente ans j'avais dit à un pote « Tu nous vois à 80 ans dans nos fauteuils roulants, toujours à nous bourrer la gueule en écoutant Wild Thing ? Le fait est que depuis des années je ne peux plus supporter d'écouter nos « classiques » trop écoutés à l'époque. Je me demande même pourquoi je garde les CD : je pense que je n'écouterai plus jamais un Beatles ou un Stones (en revanche je m'éclate toujours chaque matin en écoutant 2 ou 3 versions live différentes du Spoonful des Cream). Alors je me suis mis à fouiller dans les trucs qui n'ont pas marché et j'ai trouvé des centaines de pépites. Parfois il faut écouter un album entier pour trouver une seule bonne chanson, mais a mérite l'effort. L'idée a plu, de diffuser à la radio, des raretés (c'est même le président Rosko en personne qui introduit le show). Si parmi nos lecteurs il y a des directeurs de radio, je suis à leur écouter : à raison d'une heure par semaine, je peux offrir (offrir, pas vendre !) deux mois de programmation (me contacter sur mon mail pro : radio.infodisc@yahoo.fr)

Tu es collectionneur, as-tu conservé tes émissions radios ? 

Non seulement toutes les miennes qui présentent un certain intérêt (radio et également télé ; d'ailleurs, j'en ai mises certaines sur ma chaîne youtube/

https://www.youtube.com/channel/UCI3fjBv-njjL_wFJr-wE1VQ/videos 

mais des tonnes d'autres : des centaines d'heures des radios pirates britanniques de 1964 à 1970. J'ai d'ailleurs écrits deux livres, sur les radios pirates, et sur l'histoire de la radio en général.

Merci Daniel, pour le temps que tu nous as accordé.

Avant de nous séparer, j'indique que je me sépare de pas mal de mes archives, particulièrement la collection presque complète de Record Collector de 1980 à 2007 (282 numéros), ça fait une centaine de kilos ! (me contacter sur mon mail pro : radio.infodisc@yahoo.fr)


(*) HELP est en fait le premier bootleg européen, fabriqué en Hollande et sorti en 1970. Une riposte au Great White Wonder américain vendu hors de prix en Europe. 

Interview effectuée en avril 2022

(Merci d'avance pour vos commentaires !)



Commentaires

Anonyme a dit…
Passionnant ! Daniel est tout simplement passionnant, et d'une gentillesse rare. Un chouette Monsieur.
Anonyme a dit…
Plus qu'un passionné collectionneur, une très belle plume qui donne envie de découvrir ou réécouter ces artistes et groupes cités...Jack LALLI (Nice)
Dick Kent a dit…
Merci pour votre commentaire !
Dick Kent a dit…
Bonjour Jack, merci pour votre commentaire !