RADIOACTIVITY - EMERGENCY - INTERVIEW RAF DIY
Depuis une vingtaine d'années, Raf anime l'émission Emergency Radio Show sur Beaub FM à Limoges. Au programme, Punk et Post-Punk, Street, Rock, Garage et autres musiques qui évitent de s'endormir. Interview.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Salut, Raf, né au tout début des années 70, j’ai grandi en Dordogne puis en Haute-Vienne, subjugué par la musique explosive depuis l’adolescence !
Quel a été ton premier coup de cœur musical ?
Difficile à dire en ayant grandi à une époque où on pouvait entendre à la radio et voir à la télé ce qui allait devenir des classiques du rock énervé (ou pas). Les cousins et grandes sœurs écoutaient de la musique comme tous les teenagers, a fortiori à l’époque, donc les premiers groupes marquants auront été AC/DC et Trust qui étaient partout, la vague Ska 2 Tone qui passait en radio, et ensuite la découverte des Sex Pistols, bien sûr. Là, j’ai vraiment « choisi » et exploré tout ce que je pouvais autour de ce groupe.
Le Punk, c'est venu comment ?
Je lisais beaucoup de magazines rock de ma sœur aînée, et j’écoutais beaucoup la radio. Un des DJ d’une radio libre de Brive passait beaucoup de Punk et de New Wave au début des 80’s, une compil K7 maison de son best of s’est retrouvée en rotation permanente sur mon magnétophone ! Le son, l’agressivité, le côté subversif et souvent politique du Punk collaient complètement à ma vision des choses et à ma maigre culture politique. Ils correspondaient aussi tout à fait au climat désespéré de la France et du Monde qui semblaient au bord du chaos et sans avenir. Cette émission m’a permis de découvrir Killing Joke, the Ruts, the Oppressed, Lords of the New Church, Dormannü, et des trucs plus New Wave que je n’écoute pas forcément aujourd’hui.
Les magazines même plutôt has been de l’époque (Best et R&F) m’ont permis de découvrir ou de cibler plus précisément quelques groupes que je connaissais parfois seulement de nom : Killing Joke, Oberkampf, La Souris Déglinguée, O.T.H., les K7 pirates ou fournies par les « anciens » ont fait le reste.
A quel âge as-tu commencé à jouer d'un instrument ? C'était déjà de la guitare ou autre chose ?
J’ai vaguement étudié la musique à l’époque comme tous les gamins (la fameuse flûte !), testé le piano, mais avec assez rapidement l’envie de jouer autre chose que du classique. L’intro de « Hell’s Bells » n’avait pas l’air de fasciner le prof qui dirigeait par ailleurs la fanfare municipale.
La guitare, donc, à 15 ans, quelques cours avec un prof sympa plutôt branché jazz-rock mais assez conciliant pour me donner les bases et me dévoiler comment jouer quelques titres de mon hit-parade personnel ! Et une boîte à rythmes en fond sonore, avec une méthode de batterie prêtée par ma cousine, similaire aux tablatures de guitare, pour les rudiments de programmation.
Tu as joué dans un ou plusieurs autres groupes avant Attentat Sonore ?
Avant non, c’était mon premier groupe. Parallèlement, au début des années 90, j’ai joué dans les Psychobarges, puis dans Mr Blond, les deux avec Bruno futur Bushmen au chant. Les Psychobarges étaient complètement dans un délire Punk 77 (Pistols, 999, Vibrators…), on faisait une reprise des Olivensteins et une de Dead Kennedys. On a fait deux démos dont une inédite, car ensuite on a eu un vrai batteur avec lequel on n’a rien enregistré hormis un titre à et pour FR3 Poitiers, diffusé dans une émission de Jean-Louis Foulquier. On a fait quelques premières parties et festivals locaux avec Mega City 4, Ludwig Von 88, Dirty District, Jad Wio, et bien sûr Thompson Rollets.
Après ce groupe, Bruno a remonté Mr Blond, où les styles étaient un peu moins définis, on reprenait PIL, Supersuckers, Vibrators… Un des 4 titres de la démo sonnait par contre comme un mélange de Killing Joke et Biohazard ! Bruno a ensuite décidé d’arrêter pour se consacrer aux Bushmen qui venaient de démarrer sur les chapeaux de roues.
Vers 94-95, Didier, l’autre guitariste des Psychobarges, a remonté un groupe que j’ai rejoint, qui s’appelait « Nantis ! » (une blague entre nous car on était tous plus ou moins fonctionnaires, et c’était l’insulte favorite des gens qui tombaient dans le piège de la discorde public/privé). On n’a enregistré que quelques titres au local, et 2 en studio dont un qui a échoué sur la compilation CD « Pogoiting with the Frogs » vol. 5. On a quand même fait la première partie de Red Aunts et New Bomb Turks, ça c’était cool.
Peux-tu nous parler d'Undersounds ? Qui est à l'origine du magasin et comment est-il géré aujourd'hui ?
L’été 2006, on s’était bien marré avec quelques potes à un festival près de Dijon et certains avaient déjà un label et une distro ; le lendemain autour d’un café, on est parti dans un délire de reprendre le magasin Global Disc Import (ex-Golem, à Bordeaux) qui allait fermer, sous forme associative (on savait que c’était possible puisque notre bien aimé Bernard et sa Démothèque étaient déjà actifs !). La propriétaire du local n’a finalement jamais voulu (et le magasin en question est resté à pourrir pendant des années, karma !). On a visité quelques endroits pour finalement s’arrêter sur celui au 6 rue de Gorre en plein Limoges. On a fait les travaux nécessaires, on a récupéré une partie du matos de stockage de GDI qui avait fermé, et on a ouvert le 1er février 2007.
On avait mis en commun le matos de plusieurs labels et assos, Do It Yourself, Solitude Urbaine, la branche limougeaude de la Roller Asso (Fred et Sabine distribuaient pas mal de trucs Garage et Soul, ça complétait bien nos stocks), et on a évidemment fait appel aux futurs adhérents pour des souscriptions à montant libre, qui ont permis de commander du stock en plus de tout ça. Il y avait aussi des individus et bénévoles nombreuses et nombreux selon les besoins et les périodes. Aujourd’hui, on tourne à 5 – 6 bénévoles pour tenir la boutique ouverte. On est toujours en asso loi 1901, il faut adhérer pour pouvoir bénéficier de ses services. On fonctionne beaucoup en dépôt-vente pour les occases et quelques labels. On essaie d’avoir régulièrement les prods des labels français que l’on soutient depuis longtemps, Born Bad, Beast, Howling Banana, Mono-Tone, Maloka etc.
Undersounds |
Et Guerilla Vinyl, quel est son fonctionnement et qui en est à l'origine également ?
C’est simplement la continuité logique de mon fanzine des 80’s-90’s, Guérilla Urbaine, devenu parallèlement le label Guerilla Front Tapes ! Au départ, pour sortir des K7, puis les disques d’Attentat Sonore, et de fil en aiguille, il a servi aussi pour des groupes mythiques que je n’aurais jamais pensé éditer un jour, comme Adolescents, MDC, DOA ou Wunderbach ! Le fonctionnement est simple, il est financé par les ventes des disques, et parfois de mes propres disques (les temps sont durs !). Je fais beaucoup de coproductions comme d’autres labels français et de par le monde. Ce qui permet de limiter les investissements et de ne pas s’épuiser non plus en démarches fastidieuses liées à la fabrication des disques. Et puis, ça reste du collectif, un truc qui manque par les temps qui courent !
Tu es animateur à Beaub FM, l'émission Emergency Radio Show. Comment t'es venu l'envie d'animer une émission de radio ?
L’émission de Mike et les radios libres en général avaient éveillé ma curiosité et mon appétit. Je faisais déjà un fanzine en solo et je trouvais que c’était un bon complément pour faire connaître ces groupes et leurs propos.
En arrivant à Limoges, je me suis vite rendu compte qu’il y avait plein d’émissions géniales sur Radio Trouble-Fête. Avec des potes, on les écoutait très souvent. Un soir, on est allé voir à sa sortie le film Pump Up The Volume: ça a été un autre facteur déclencheur. On a décidé d’appeler RTF pour savoir comment on pouvait postuler pour un créneau. Ils nous ont fait faire une maquette pour notre émission Panik !. La première a été un désastre (on a eu quelques problèmes techniques !) mais ensuite on l’a réalisée régulièrement, avec Lev, Niko, puis Loulou, Féfé, avec des participants plus épisodiques aussi (Rémi, Fred B., Stef et les animateurs de « Life Is A Joke », Mumu et son émission « Les Citrons Ne Mentent Jamais », Régis…). L’émission a duré 12 ans au bout desquels on a été lâchement virés comme 90% des émissions bénévoles soi-disant pour trouver une autre couleur d’antenne.
Ensuite, il y a eu une période d’abstinence radiophonique d’environ un an, je pense, mais j’avoue que j’ai un peu oublié la date de reprise avec Emergency, en tout cas, début des années 2000, sur Beaub FM (une radio plus libre et qu’on écoutait aussi). Le nouveau crew de l’émission était composé de Mumu, Régis et moi-même. Au bout de quelques années, j’ai continué tout seul.
Tu l'avais déjà fait avant Emergency ? Depuis quand animes-tu cette émission ? Pourquoi ce nom ?
La reprise de GIrlschool par Infa-Riot nous a toujours plu et on cherchait un titre court, percutant, qui reste dans la tête. C’était le générique idéal. Il est resté.
Et vous connaissez la citation du groupe montpelliérain, « OTH est au Rock’n’Roll ce qu’une braguette coincée est à une envie de pisser. » ! L’émission est un besoin urgent de partager la musique qu’on aime, tout en arrosant copieusement la culture mainstream et ses serviteurs.
Comment prépares-tu l'émission ? Je suppose que cela te demande de revenir sur les émissions précédentes afin de ne pas repasser les mêmes choses. Si c'est le cas, tu reviens loin en arrière ?
L’émission est la somme de mes écoutes de la semaine en explorant ma propre discothèque, mais aussi les découvertes récentes qu’elles soient en concert, sur disque, chez des potes, sur le net ou parfois même à la radio (c’est plus rare mais ça arrive !). Personne n’a la science infuse ni une connaissance totale de ce qui existe. J’ai conscience que ma culture n’est que parcellaire, mais j’adore découvrir et faire partager ce que j’aime.
Mine de rien ça me prend beaucoup de temps, une dizaine d’heures par semaine en moyenne. Je suis toujours à l’affût, et comme je lie souvent les titres avec une bonne vieille connerie dialoguée ou un extrait de film, ça m’oblige à être attentif un peu tout le temps, eh eh.
J’évite les redites en parcourant mon propre blog avec les playlists de l’émission. Mais parfois je diffuse encore le même titre, ça s’appelle un coup de cœur ! J’essaie aussi de varier les plaisirs en choisissant un autre titre quand je me rends compte que je l’avais choisi quelques mois avant.
Tu passes des « vieilleries » (comme l'indique l'émission elle-même), des titres que tu connais depuis longtemps, mais également des nouveautés (par exemple The Jackets dernièrement). Comment se fait la sélection des nouveautés ? Tu fonctionnes au coup de cœur, des labels te contactent ?
Il arrive que des labels me contactent, heureusement, oui. Il y a des gens dont c’est le métier et souvent ce ne sont pas les plus gros labels qui sont les plus efficaces. Voodoo Rhythm, Slovenly, Chaputa! Rds assurent grave. Après, je m’appuie aussi sur les nouveautés partagées par mon vieux pote allemand Helge Schreiber. Il a écrit dans la plupart des fanzines importants là-bas, comme Ox et Plastic Bomb et on s’envoie des nouveautés régulièrement ! Comme ça, on contribue à notre manière à faire connaitre ces orchestres de jeunes !
Double single sur Chaputa! Records |
Fais-tu également du copinage ? Passes-tu des groupes de potes même si ce n'est pas forcément ton truc, simplement parce qu'ils sont potes, pour les aider à se faire connaître ?
Non. Je ne passe que ce que j’aime. Et que je trouve valable. Si ce sont des copains, c’est un plus.
As-tu déjà fait jouer des groupes live dans l'émission (si les locaux le permettent) ?
Malheureusement ce n’est pas possible. Mais évidemment la radio y a déjà pensé. La radio va déménager mais peut-être que ça ne sera toujours pas possible. A suivre !
Diffuses-tu des groupes enregistrés live en concert à Limoges ou ailleurs ?
Non, ça ne m’est jamais arrivé, par contre la radio Beaub FM le fait régulièrement à l’occasion de festivals ou concerts auxquels elle participe. On a interviewé des groupes en direct dans l’émission il y a quelques années déjà, notamment the Epoxies, Los Fastidios et Komplikations, pardon si j’en ai oublié.
Nous sommes assez fans de fanzines dans le blog. Existe-t-il un ou des fanzines Punk, Garage etc. à Limoges ?
Malheureusement pas en ce moment… et ça manque ! Pourtant Limoges en a connu beaucoup dans les années 80-90. Qui pouvaient être dans la mouvance Cold wave, le graphisme, le punk, la politique, parfois le tout mélangé !
Y en a-t-il eu par le passé qui valent le coup qu'on les recherche ? Des références ?
Ceux qui me viennent à l’esprit sont Le Vilain Gnome, A l’ombre des arbres la rivière embrumée, Spray Age, Black Iroquoise, We Will Never Find, Park It Up Your Arse, Positive Calories (par Ray vieux compagnon de l’émission et du groupe), Les Caves se rebiffent… J’ai arrêté le mien, Guérilla Urbaine, il y a longtemps maintenant, même si ça me taraude encore. En ce qui concerne le Garage, il y en a eu un il y a une vingtaine d’années, Décharge Rock’n’Roll. Et aussi diverses tentatives de zines de la même équipe qui ont abouti au magazine New Noise, c’est pas rien !
Merci RAF !
Fernand Naudin
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