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A Crampsy & Groovy Halloween Day in San Francisco

 

 Photo PB

    

Les Monstres Sacrés m’ont demandé de parler de mon petit saut à San Francisco en 2006 pour aller voir les Cramps. L’essentiel de cet article est déjà paru sur The Next Big Thing, le blog de Lindsay Hutton.

J’avais assisté au premier show des Cramps en France, à Rouen en mars 1980 – leur tournée 1979 en ouverture de Police avait été limitée au Royaume-Uni. Je ne savais pas que j’allais assister à un de leur dernier show, le 31 octobre 2006.

La dernière fois que j’avais vu les Cramps c’était lors de leur tournée 2003. J’étais allé à Colmar pour un show hors tournée officiel, le 5 septembre, et bien sûr à l’Élysée Montmartre le 23.

Leur dernière tournée européenne, en août 2006, s’était limitée à six dates, essentiellement des festivals – en Belgique, Norvège, Suède, Portugal, mis à part un show à l’Astoria de Londres. Rien en France. J’étais en vacances à ce moment-là et reprenait le travail le 16 août. Le seul show possible aurait été l’Astoria le 15 août, mais j’avais déjà roulé 600 km dans la journée et n’avais pas de ticket. Je me suis résigné. Je n’ai su qu’après que mon cousin avais fait l’aller dans la journée et le retour dans la nuit et que mes potes anglais avaient un ticket pour moi, au cas où. Damned !

Quand j’ai su que les Cramps allaient donner quelques shows autour d’Halloween - tournée limitée à la Californie, Lux et Ivy n’aimaient plus trop s’éloigner de chez eux à cause de leurs chats vieillissants, je me suis dit qu’il fallait que j’aille les voir au moins une fois chez eux. À part un show en Suisse en 1986, j’avais pour l’instant uniquement assisté à toutes les tournées françaises. Mon choix sera vite fait : le jour d’Halloween au Fillmore de San Francisco, avec en ouverture Demolition Doll Rods et les Groovie Goulies.

Avec un pote globe-trotter anglais, Martin Percival, on avait prévu, lors d’une prochaine tournée californienne de notre groupe favori (avec les Ramones pour lui, qu’il a vu 33 fois), d’aller y passer une semaine pour visiter et assister à quelques shows. Il n’y aura pas de Cramps shows en 2007 et 2008 et Lux est mort le 4 février 2009.

Pour cette fois mon plan était juste d’aller voir ce show à SF et de rentrer en France aussitôt après, un peu comme Elvis qui utilisait son jet privé pour aller manger son hamburger favori. Comme disait Oscar Wilde :  quand j’étais petit, je pensais que l’argent pouvait rendre heureux, maintenant je le sais. Ah, si j’avais pu faire un saut aux USA à chaque fois qu’un concert m’intéressait… Bien sûr ça n’aurait pas été très développement durable.

Voilà la traduction du petit résumé que j’avais rédigé pour The Next Big Thing.

Après un moment de panique à l’aéroport à cause d’un bagage abandonné, le voyage se passa merveilleusement bien. Avion confortable, siège spacieux, une voisine ravissante qui ressemble à Clémentine Célarié. Après plus de 24 heures d’avions (changement à Philadelphie, où je passe un coup de fil à Rich Lustre des Sickidz), train et taxi, j’arrive vers minuit à mon hôtel, le Miyako, près du Fillmore. J’ai appris récemment que c’est dans cet hôtel que séjournaient les Cramps et que Lux et Ivy y ont été shootés pour une séance photos.

 

Photos Steve Jennings 31/10/2006

Arrivé à l’hôtel, j’appelle Don, un pote de Lindsay, plus grand fan des Flamin' Groovies au monde et meilleur pote du guitariste Cyril Jordan, à qui il ressemble. On se donne rendez-vous le lendemain chez Amoeba, le plus grand magasin de disques de SF, au rayon Groovies, bien sûr.

Le lendemain matin, je reçois un email de Danny Doll Rod qui me donne son numéro de téléphone et me dit de l‘appeler quand j’arriverai au Fillmore.

Après une brève visite touristique dans le quartier de Union Square, j’appelle un autre grand fan des Groovies - il a même épousé l’ex-femme de Chris Wilson, que je connais également, et élevé sa fille, Frank Margerin, le cartoonist, qui est à SF pour rendre visite à sa famille. On prévoit de se retrouver également chez Amoeba.

Je me rends chez Amoeba à pied, meilleur moyen de ressentir l’ambiance magique qui règne à SF. Sur la route, il y a Jack’s Records Cellar, la boutique de disques où travaille Roy Loney, le premier chanteur des Flamin’ Groovies – c’est Jacques qui m’avait passé le tuyau. La boutique est seulement ouverte du mercredi au samedi et aujourd’hui c’est mardi…

Après avoir parcouru la très longue Haight Street dotée de tas de boutiques incroyables, en tout genre, j’arrive chez Amoeba. Peut-être pas la meilleure boutique de disques dans laquelle j’ai mis les pieds (ce serait Jerry’s records, à Pittsburgh) mais assurément la plus vaste et la plus sympa au niveau ambiance. Phil Lesh, du Grateful Dead était là pour un showcase suivi d’une séance de signature (peut-être le 563ème album du Dead, je n’ai pas vérifié). Je retrouve donc Don, qui ressemble à un Groovie circa 1976-79 (voir photo), et Frank, avec qui on parle de nos connaissances communes - Little Jim de Wild Child et Chris Wilson dont Frank nous parle de ses récents déboires (problèmes de santé, perte de son visa en Espagne, …). Don et Frank sont des personnes supers, en plus d’être de grands artistes.  On se recommande des disques les uns aux autres, au fur et à mesure de nos découvertes dans les rayons très bien achalandés d’Amoeba. De mon côté j’achète surtout des 7’’et un album des Isley Brothers, celui sur lequel figure la chanson Vip Vop, un des morceaux favoris de Lux et Ivy (Lux s’était affublé du nom Vip Vop sur son permis de conduire dans les 70’s). Après que Frank nous ait quitté pour se préparer à assister à une Halloween party, Don et moi décidons d’aller siroter une bière dans un pub sympa. Don appelle Cyril Jordan pour qu’il nous rejoigne. Cyril me fait un petit coucou au téléphone en disant qu’il était sur le chemin du studio pour finaliser le deuxième album des Magic Christians, son groupe d’alors avant la reformation des Groovies

    Don, photo PB


Avec Don, on a parlé de Jonathan Richman, qui habite désormais Frisco, d’Angel Corpus Christi, avec qui il joue et compose, et bien sûr des Groovies, sur lesquels Don sait tout - c’est grâce à sa copine Miriam Linna, présidente du fan club à NY qu’il les a découverts, est venu à SF en 1981, y est resté. Je lui ai confirmé que le LP Shake Some Action est d’abord sorti en France, avec un ordre de morceaux différent (et un son pourri) et dit que l’album favori de tous les temps de Sterling Morrison (Velvet Underground fame) était Flamingo. Parmi les trucs non privés que Don a évoqués : Lou Reed, dont les Groovies ont repris Sweet Jane en concert lors de quelque shows UK en 1972 (festival de Bickershow notamment) était dans le studio, venu voir Richard Robinson, au moment de l’enregistrement de Teenage Head, ce qui lui aurait donné l’idée de revenir à un r’n’r high energy. Il m’a aussi dit que les Groovies s’étaient séparés il y a exactement 25 ans (en 2006), le 31 octobre 1981. Ils devaient assurer deux shows ce jour-là, le 1er au Miyako hotel (mon hôtel) et un autre lors d’une party organisée par le réalisateur John Carpenter. Chris Wilson, en ayant marre de jouer pour l’essentiel des reprises des Beatles et des Stones, avait décidé de jouer qu’un show, ce qui rendit Cyril Jordan furieux. Le dernier show, avant que Chris ne s’installe en Angleterre, fut donc ce concert au Miyako, dont Don me passa un enregistrement, ainsi qu’un CD de son groupe The Trip (1976 - son groupe actuel s’appelle Rue 66) sur lequel figure un morceau, The Love That’s In Your Eyes, qu’on jurerait être un outtake de Shake Some Action. Je lui avais bien sûr de mon côté apporté quelques disques dont mon récent enregistrement de Chris Wilson & His Groovin’ Flames à Paris.

Pour finir sur Don, c’est un globe-trotter qui visite un pays d’Europe tous les 3-4 ans. Il avait passé quelques jours chez moi en 2008. Cette année, il visitait les Pays-Bas et la Belgique. Avec Fabien Poptheballoon, de Lyon, on a passé quelques jours mi-mai avec Don à Bruxelles.

 


 Le Fillmore, photo PB

 

Cramps time! Je me rends au Fillmore, en me disant que je n’avais vu en ville ni poster ni flyer annonçant le show, pas même sur la devanture du Fillmore.

Après avoir récupéré mon ticket, je retrouve Danny Doll Rod, à qui je donne une copie de Trash Is Neat 3, une compile hommage aux trente ans des Cramps concoctée par mon pote écossais, Sean, sur laquelle je fais mes premiers pas en tant que chanteur - Sean m’avait envoyé la partie musicale de I’m Cramped en me disant d’avaler deux vodkas avant de chanter, ce que je fis, en mâchouillant un verre en plastique. 

Je remettais aussi à Danny TIN 3 # 666, spécialement conçu par Sean pour Lux et Ivy, ainsi qu’un petit mot de mon pote Nimereth – désormais Kogar The Swinging Ape, expliquant l’idée de ses compilations Lux & Ivy’s Faves (8 volumes à l’époque, 18 aujourd’hui, vol 18 tout récent, après une longue interruption) et ma petite interview croisée Cramps / DDR - malgré l’aide de Danny, je n’ai pas pu interviewer Lux et Ivy après le show - avec des questions genres vous aimez DDR et Flat Duo Jets, mais quels morceaux en particulier, quand sortira votre compilation DVD Gravest Gravy. Celles-ci pour Lux : aimes-tu Harold Lloyd, ses photos 3-D, à quand un album photo 3-D de Lux Interior ?

 





Le Fillmore est la meilleure salle de concert que j’aie jamais vue, des posters et des photos partout (3 des Cramps), de multiples bars.

Le merchandising proposait des T-shirts, stickers, pill boxes Cramps, DVD de DDR et des Groovie Ghoulies, … Mais pas le poster de la soirée. À part quelques-uns distribués gratos à la fin du show, il fallait prendre des billets de loterie pour en gagner un dédicacé par les Cramps.

Ce sont les Groovie Ghoulies qui ouvrent le show, avec un set Chuck Berry-esque (donc) court, jouissif et drôle, avec les deux filles du groupe balançant des goodies d’Halloween au public : bonbons, chauves-souris glow in the dark, ce genre de trucs. J’ai tendance à préférer les morceaux catchy des Ghoulies sur disques plutôt que live.

C’est le tour d’un autre groupe composé de deux filles et un garçon, les Doll Rods. Ces derniers sont sexy en diable, Margaret et Tia arborant par ailleurs un maquillage très réussi. Danny, quant à lui ressemble à un zombie from hell. C’est la meilleure prestation que je vois d’eux (la 3ème en 2006), avec une set list donnant une large part à leur dernier album de l’époque There Is A difference. Voici la set list : Get It On / Take It Off / How Does It Feel To Feel / I Wanna Take You Home / I Bet You / We Will Ride / Let Yourself Go / Little Piece Of Leather / On The Way To School / Booty Call / Baby Say Unh ! / Open Up Your Door, le classique de Richard & The Young Lions, avec une super intro scandée par Margaret.

J’ai aperçu Lux Interior prendre des photos durant le show des Doll Rods, groupe apprécié des Cramps, qui les avaient déjà pris en opening band lors d’une tournée en 1997.

Les Cramps arrivent un par un sur scène à 22h10 (je regardais toujours l’heure, mon petit mini CD Sony de l’époque étant limité à 1h20 d’enregistrement. Quoi, Lux avec trois filles pour l’accompagner ? Mais attendez, ne serait-ce pas Harry Drumdini en jupe et pompadour ? Oui, c’est bien lui, le batteur rescapé des Cramps après une longue interruption. Ivy, vétue d’une mini robe prend ensuite place à droite de la scène (l’endroit que j’avais choisi) après avoir jeté des pincées de sel (?) sur toute la scène. Sean Yseult, la nouvelle bassiste (ex Famous Monsters et White Zombie) porte un short et Lux sa tenue en vinyl / latex.




C’est le meilleur show des Cramps que j’ai vu depuis les premiers concerts européens (1980-84), et le premier dans leur pays.

Voici le déroulé du concert tel que je me le rappelais le lendemain matin dans l’avion : Mystery Plane / My Flash On You, hommage à Arthur Lee récemment disparu – Lux : on parle de drogue là, en voici une autre sur le sujet - Bop Pillsmerci, vous êtes tous givrés, ça va finir par mal se passer - Everything Goes / Papa Satan Sang Louie / Big Black Witchcraft Rock / Goo Goo Muck, avec une super intro par Sean Yseult / une version géante de Human Fly / Sunglasses After Dark / Teenage Werewolf – Lux casse son premier pied de micro : il manque d’équilibre ce connard, excellent, en se moquant du pied de micro cassé / The Most Exalted Potentate Of Love /  What’s Inside A Girl? / I’m Mean / Ultra Twist - Lux demande si on veut voir ses tatouages, en pointant son sexe du doigt (qu’il ne montrera pas ce soir, on est aux USA !). Lux a aussi remarqué la présence d’Elvis, venu incognito assister au concert - TV Set / Psychotic Reaction, morceau durant lequel Lux boit du vin rouge à la bouteille avant d’en recracher une bonne partie qui atterrit sur le visage de Sean Yseult, qui ne se départit toutefois pas de son grand sourire. Un bizutage ? En tout cas, Lux charrie Sean à plusieurs reprises, comme il le faisait avec Fur Dixon 20 ans auparavant (je n’ai pas de souvenir de ça durant l’époque Candy Del Mar). Ivy aussi semble de très bonne humeur, souriante et sexy / Wrong Way Ticket. Au moment des rappels, Lux annonce que dans quelques minutes, ce sera le 30ème anniversaire des Cramps (1er show au CBCG le 1er novembre 1976), avant d’entamer une incroyable version de She Said, la meilleure que j’ai entendue. Il était temps de tout détruire : Tear It Up. Lux s’empare du chapeau d’un spectateur. La foule s’époumone pour avoir un autre rappel, mais c’est fini, la lumière se rallume.

C’est désormais au public de faire son propre show, la plupart des gens ayant revêtu leurs costumes d’Halloween. Il y a une fille habillée en français du 19ème (siècle), avec moustache, béret, baguette, qui s’amuse à jeter des bouts de pains sur scène. Vous auriez vu sa tête quand Jake - leader des Lords Of Altamont et accessoirement roadie des Cramps, c’est aussi lui qui avait fabriqué le logo Cramps en bois qui trône au-dessus de la scène - lui a tapoté la tête avec le restant de baguette.

 



Avant de partir, je retrouve les Doll Rods pour faire le tour du Fillmore. Ils sont très satisfaits de leur performance ce soir. Danny est sidéré par un portrait de Miles Davis, qu’il adore. Je leur souhaite le meilleur pour le reste de la tournée - il reste trois dates - et reçois de big hugs en retour.

Avant de retourner à mon hôtel, je discute avec Jake, en train de ranger le matériel, en lui disant que j’irai le voir, lui et les Lords Of Altamont, dans mon bled pourri (Évreux à l’époque) dans deux semaines – je n’avais pas pris la peine de réserver mon billet pour ce concert, finalement sold out. Jake, à qui je remets mon enregistrement des Cramps (il est fan), me dit : suis-moi, et au check point : he’s my guest. Je suis resté une partie de la nuit à discuter avec le groupe, des mecs adorables sous leurs airs de hell’s angels.

J’avais mis mon enregistrement des Cramps et des Doll Rods en partage sur Dime et un single bootleg espagnol est sorti en 2014, avec mon enregistrement de My Flash On You et un autre morceau rare enregistré au Fillmore en 1988 :  Woodpecker Rock. J’en ai fait parvenir un exemplaire à Ivy via une amie commune.


Patrick Bainée


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