SEX PISTOLS ET CHRIS SPEDDING AUX MAJESTIC STUDIOS

Recto du bootleg allemand

Le 30 mars 1976, les Sex Pistols jouent au 100 Club de Londres. Malcolm McLaren n'est pas encore officiellement leur manager, mais il s'occupe de plus en plus d'eux. Il invite donc Chris Spedding à les voir jouer ce soir-là, espérant ainsi qu'il l'aide à trouver un contrat avec une maison de disques. Les jeunes fans du Bromley Contingent sont présents, ainsi que Chrissie Hynde et Rat Scabies, futur batteur des Damned, qui fait le roadie pour les Pistols

En plein concert, les choses dégénèrent, Johnny Rotten refuse de faire une reprise du Dave Dee Group (Dave Dee, Dozy, Beaky, Mick & Tich), He's A Raver, qui a été travaillée l'après-midi même en répétition. Il doit la chanter avec le bassiste Glen Matlock, qu'il n'aime pas beaucoup, et faire ce titre le gonfle au point qu'il quitte la scène. McLaren le rattrape et lui demande de revenir, il s'exécute et termine le set.

Chris Spedding est impressionné par la présence de Rotten, par son charisme et par le style musical des Pistols. Il sent leur potentiel mais au lieu de faire le VRP pour McLaren, il lui propose une session studio pour démarcher les maisons de disques à l'aide de démos.

Rat Scabies en arrière plan. Photo Ray Stevenson
C'est ainsi que le 15 mai, les Sex Pistols arrivent aux Majestic Studios avec leur manager et les frères Stevenson, Nils et Ray, le photographe qui va shooter une bonne partie de la scène Punk londonienne. Les studios appartiennent au label RAK et Spedding a obtenu la possibilité de les utiliser toute la journée pour un prix modique. À l'arrivée du groupe, il explique comment les choses vont se dérouler et demande quels sont les titres qu'il souhaite enregistrer. Il y en a trois : No Feelings, Pretty Vacant et Problems. Spedding s'aperçoit que les Pistols sont tendus car c'est leur première session studio, ils ont le trac. Pour ne rien arranger, McLaren fait le patron, ce qui exaspère à peu près tout le monde. 
Spedding demande au groupe de jouer les titres afin, leur dit-il, de régler le matériel. En fait, il les enregistre en direct, sans rien dire, pour éviter de leur mettre une pression supplémentaire. Trois versions de No Feelings, une de Pretty Vacant et une de Problems sont mises en boîte au milieu de la journée. L'après-midi est consacré au mixage et à des overdubs sur No Feelings et Problems (un solo est ajouté). Il montre quelques astuces à Steve Jones afin de simplifier son jeu, ses relations avec le groupe sont bonnes et le resteront jusqu'à aujourd'hui. A 16 heures, tout est fini, il fait des copies cassettes aux Sex Pistols et à Malcolm McLaren qui va les utiliser pour la presse et les maisons de disques. 

Les Sex Pistols et Chris Spedding. Photo Ray Stevenson

Le 31 juillet, les trois titres font partie de la play-list de John Ingham dans le magazine Sounds ce qui agace certains esprits chagrins. La rumeur selon laquelle Chris Spedding aurait enregistré le groupe "en secret" pour faire les parties de guitare à la place de Jones commence à se répandre... Le 17 décembre, après la sortie du premier simple Anarchy In The UK sur E.M.I., l'animateur radio Roger Scott en remet une couche. Il affirme en direct sur Capitol Radio qu'il ne passera pas le single car les Sex Pistols ont eu des difficultés à l'enregistrer et qu'ils ont fini par être remplacés par des musiciens de studio et par conséquent, ce n'est pas un disque des Sex Pistols. McLaren, furieux, appelle la radio pour démentir mais le mal est fait, on ne lui laisse pas l'antenne et Scott jubile. 


Mickie Most, le boss de RAK, écoute la cassette et la déteste immédiatement. Il refuse de signer les Pistols. Spedding fait ensuite écouter les démos à Chris Thomas, producteur avec qui il a l'habitude de travailler. Ce que Thomas entend lui plaît, il sent qu'il y a quelque chose à faire. En octobre 76, il prend la place de Dave Goodman et devient le producteur exclusif des Sex Pistols à compter du premier single jusqu'à l'album et même après.

Début 1980, des bootleggers allemands sortent un EP fait à partir d'une copie de énième génération du master de la session studio. Le son n'est pas vraiment mauvais, mais ce n'est pas super propre non plus, d'autant que le dernier titre est coupé avant la fin, dommage... Ce bootleg présente toutefois l'avantage de mettre ces démos sur le marché pour la première fois et il faut attendre 1996 et la reformation du groupe pour que Virgin se souvienne des Sex Pistols et de Chris Spedding. Les trois titres complets sont ajoutés à une réédition de Never Mind The Bollocks qui sort en double CD avec le bootleg Spunk et quelques outtakes en bonus. 

Verso du EP allemand

La même année, et les deux suivantes, le label Man's Ruin du regretté Frank Kozik sort trois splits 7" avec sur les faces A, les 3 démos des Pistols et sur les faces B, des titres des groupes Punks canadiens Curse, Sofisticatos et The Ugly. Une bonne façon de faire connaître ces formations assez obscures des late 70's. Pour les collectionneurs hardcore, Kozic a tout prévu, chaque split sort avec 4 pochettes légèrement différentes les unes des autres, avec toujours la même photo mais des couleurs qui varient. 

Virgin sort ensuite le coffret SEXBOX1 (2002) sur lequel figure à nouveau les démos Spedding, sans rien de plus et ce n'est qu'en 2020 qu'Universal - qui a racheté le catalogue des Sex Pistols à Virgin - sort un coffret de trois CD dans lequel figure l'intégralité de la session, c'est-à-dire Problems, Pretty Vacant et les trois prises de No Feelings.

Split 7" Man's Ruin 

Sans lui attribuer tous les mérites, il faut reconnaître que Chris Spedding a joué un rôle important au début de la carrière des Sex Pistols. Il les a produits puis appuyés auprès de Chris Thomas et de certaines maisons de disques (pas toutes) ce qui a peut-être facilité le travail de Malcolm McLaren pour démarcher E.M.I., A&M et plus tard Virgin, au moins pour l'Angleterre. Enfin, il a toujours défendu le groupe face à ses détracteurs, aujourd'hui encore. Il a toujours nié avoir joué les parties de guitare à la place de Steve Jones lors de cette session de mai 76 et plus tard pour l'album Never Mind The Bollocks. Certains, pourtant, croient encore à cette légende, malgré tous les démentis de l'intéressé dans la presse et à la télévision. 

Fernand Naudin (merci pour vos commentaires)

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