GRAPHIC WORLD - JEAN-CHRISTOPHE CHAUZY : Nineteen comme Going Loco, c'était assez exaltant et j'aurais bien continué des années encore.
Après quatre albums parus aux éditions Futuropolis, Jean-Christophe Chauzy arrive chez Casterman au début des années 1990, et s’associe à différents scénaristes comme Denis Lapierre, Thierry Jonquet ou Marc Villard. Son œuvre, déjà teintée de critique sociale, prend une nouvelle dimension en 2015 avec la publication de sa première série en solo, Le Reste du Monde, dans laquelle il explore les grandes fractures de la société contemporaine. Dans une veine autofictionnelle plus légère et largement teintée d’autodérision, il s’attaque aux petits travers de ses contemporains dans Petite Nature chez Fluide Glacial. En 2020, commence son long combat pour échapper à une leucémie aiguë. Aujourd’hui tiré d’affaire, il témoigne de ces heures sombres de sa vie, et de l’espoir de la guérison dans son nouvel album Sang Neuf (mars 2024). Il vit et travaille à Villeurbanne.
Grand Dieu, ça doit remonter au lycée, avec le premier fanzine auquel j'ai participé. Plus tard, ce furent les dessins pour Nineteen et Going Loco, de fameuse mémoire. Mon premier dessin édité et payé, ce devait être en 85 pour un magazine de planche à voile, Wind, qui accueillait des pages de BD. Pour moi qui ne tiendrais pas debout sur une planche, c'était assez cocasse. Quelques mois plus tard, je travaillais sur mon premier livre pour la Futurpolis d'Étienne Robial et Florence Cestac.
En terminale au lycée Saint Sernin de Toulouse, j'ai rencontré des amis qui participaient à des émissions de rock sur des ondes de radio libre (à Radio Occitanie et plus tard à FMR). J'ai amené quelques disques, et de fil en aiguilles, j'ai rencontré Tatane (Antoine Madrigal) et Benoit (Binet) qui montaient alors la revue Nineteen.
La découverte de disques et des univers musicaux qu'ils ont engendrés, puis les concerts qui ont souvent été des moments de célébration très spéciaux, face aux idoles dont on se repassait les disques à longueur de journée.
En concert, je ne me suis jamais remis des concerts de Clash à Ballard (pourtant trop tard, mais quelle claque !), des Cramps à L'Eldorado, des Fleshtones au Palace, du Gun Club à la piscine municipale à Toulouse, des Dogs un peu partout, d'Alan Vega je ne sais plus où à Paris, de X à l'Eldorado et de bien d'autres. Mais quand on a vu ce qu'on voulait tant voir étant ado, il est difficile de retrouver l'enthousiasme de la jeunesse. On est plus regardant, on distingue les ficelles, on s'ennuie plus vite. Mais j'ai eu la chance de découvrir de nouvelles vagues de bruit blanc grâce à mes deux garçons qui m'ont redonné foi dans l'actualité (Black lips, Thee Oh Sees,...)
Quand j'écris, impossible d'écouter la moindre musique. Quand je dessine, en revanche, c'est un carburant qui me donne le rythme, qui me fait avancer. Difficile alors de m'en passer. J'en reviens tout de même souvent à des classiques de ma culture musicale, comme un beat chamanique. En revanche, je n'ai jamais vraiment accroché à ce qu'on a appelé la BD Rock, qui sauf rares cas de figure (Baru, chez qui le R'N'R irrigue chaque page sans qu'il en soit le sujet), traite la question de façon trop superficielle à mon goût et en fait un truc un peu burlesque, trop éloigné de l'intensité que cette musique me procure. J'attends encore l'équivalent d'un Please Kill Me en BD..
Quels sont les autres fanzines auxquels tu as contribué ?
Es-tu musicien ?
Grand dieu non! Je suis sympathisant mais pas pratiquant. J'ai bien essayé de beugler dans un groupe d'école fasciné par le Velvet, mais j'étais pétrifié de terreur et ne savais jamais quand je devais commencer. C'était atroce.
Voici la suite de notre entretien avec JEAN-CHRISTOPHE CHAUZY. Parlons maintenant musique avec lui 😉
Grand Dieu, ça doit remonter au lycée, avec le premier fanzine auquel j'ai participé. Plus tard, ce furent les dessins pour Nineteen et Going Loco, de fameuse mémoire. Mon premier dessin édité et payé, ce devait être en 85 pour un magazine de planche à voile, Wind, qui accueillait des pages de BD. Pour moi qui ne tiendrais pas debout sur une planche, c'était assez cocasse. Quelques mois plus tard, je travaillais sur mon premier livre pour la Futurpolis d'Étienne Robial et Florence Cestac.
Tu as participé à différents fanzines, comment as-tu découvert le monde du fanzinat et lesquels ont été les plus marquants pour toi ?
Comme beaucoup de camarades dessinateurs de ma génération, j'ai découvert le fanzinat au lycée. Dès la seconde, j'ai rencontré des gars et des filles qui avaient envie d'écrire ou de dessiner. On a uni nos forces de débutants souvent fans de SF ou de fantastique pour écrire des nouvelles, pour les illustrer ou imaginer des pages de BD, dans le cadre de plusieurs fanzines toulousains. On apprend assez vite sur le tas, et surtout en se voyant imprimé aux côtés de blocs de texte ou d'autres dessins. C'était une période vraiment très exaltante, mais pas toujours très gratifiante. À la différence d'internet, qui change toute la donne, on pouvait tout au plus espérer vendre quelques dizaines (voire une centaine) d'exemplaires dans le cadre du lycée et pas tellement au-delà. Mais bon, on avait fait l'effort de s'adresser à un public qu'on espérait être de notre âge et partager nos centres d'intérêt.
En terminale au lycée Saint Sernin de Toulouse, j'ai rencontré des amis qui participaient à des émissions de rock sur des ondes de radio libre (à Radio Occitanie et plus tard à FMR). J'ai amené quelques disques, et de fil en aiguilles, j'ai rencontré Tatane (Antoine Madrigal) et Benoit (Binet) qui montaient alors la revue Nineteen.
Ils étaient plus âgés que moi et surtout disposaient d'une culture musicale R'N'R encyclopédique alors que je venais à peine de connaître mes premières épiphanies avec Clash ou les Cramps. Ils étaient ouverts à une participation dessinée que j'ai apportée avec plaisir et honneur, dans la limite de mes jeunes connaissances et pauvres capacités.
J'ai poursuivi ensuite des études à Paris où j'ai eu un stage en entreprise à effectuer, ce qui m'emmerdait au plus au point. J'ai validé mon stage avec Nineteen à ce moment (ce devait être en 1983), stage qui a consisté en la recherche et la découverte des logos et têtières des différentes chroniques et rubriques du supplément du journal, Nineteen's going loco, qui était censé être lettré à la main par les journalistes eux-mêmes dans l'esprit des arbres généalogiques de Pete Frame, pour lesquels Benoit avait une admiration absolue. Autant dire qu'ils n'ont pu s'amuser à cet exercice (trèèès chronophage) que pour le premier numéro de Going Loco. Dessiner tous ces titres, en pensant fort aux titres d'ouverture d'aventures du Spirit de Will Eisner, fut un grand plaisir et m'a ouvert aux exigences du lettrage et de la lettre dessinée. Me retrouver quelques années plus tard à imaginer des livres pour Futuropolis, la maison d'édition d'Étienne Robial, l'un des tout meilleurs graphistes français, fut une sorte d'achèvement de ce parcours.
Dans un premier temps, comme je viens de l'expliquer, j'ai dessiné tous les titres du journal, avant de me voir confier la 4 de couverture chaque mois. Going Loco était un mensuel de format A5, envoyé par la poste et plié en deux. Je dessinais ainsi chaque mois un nouveau dessin pour orner ce qui devenait l'enveloppe du journal. J'ai ainsi imaginé deux ou trois séries de dessins en rapport avec l'univers du Rock'N'Roll que nous écoutions à l'époque et que chroniquaient Nineteen comme Going Loco. C'était assez exaltant et j'aurais bien continué des années encore.
Mes dessins étaient alors réalisés aux feutres N/B au format A4 et foisonnaient de petits détails amusants qui rendaient la couverture intéressante à regarder et sans doute aussi à garder. Benoit et Tatane me laissaient toute liberté pour ces dessins. Cette confiance était sans doute liée à l'urgence de la situation mais j'en garde un excellent souvenir.
À l'époque, j'ai découvert beaucoup de choses grâce à Nineteen, Tatane et Benoit, pas seulement en musique. Benoit était déjà un grand lecteur. Je lui dois la lecture de John Fante et la découverte du boulot de grands graphistes comme Milton Glaser ou les anthologies Art of Rock, dont la première est une vraie bible du psychédélisme.
Pour la musique, j'étais assez en phase avec cette attraction exercée par la nouvelle scène US : Cramps, X, Gun Club, Fleshtones, Plimsouls, Del Fuegos, Bangles, Dream Syndicate, Violent Femmes, Blasters,... Mais j'étais moins gardien du temple qu'eux et étais aussi attiré par ce qui se passait dans la queue de comète du punk anglais au même moment, Buzzcocks, Damned, Specials, Joy Division, Bauhaus, Siouxsie, Jesus and Mary Chain (mon autre grande épiphanie, comme on dit), ... qui étaient moins leur tasse de thé (voire pas du tout).
La découverte de disques et des univers musicaux qu'ils ont engendrés, puis les concerts qui ont souvent été des moments de célébration très spéciaux, face aux idoles dont on se repassait les disques à longueur de journée.
Pour les disques, avec le recul, j'en reviens toujours aux coups de tonnerre qu'ont été : The Clash, les Pistols, The Damned, Les Cramps, le Gun Club, Jesus and Mary Chain, Alan Vega, Dead Kennedys, puis plus tard le Rythm And Blues 50's, la Soul 60's et bien d'autres joyeusetés dues aux secousses et répétitions vécues par le R'N'R, qui se meurt puis finit toujours par réapparaître d'une autre manière.
En concert, je ne me suis jamais remis des concerts de Clash à Ballard (pourtant trop tard, mais quelle claque !), des Cramps à L'Eldorado, des Fleshtones au Palace, du Gun Club à la piscine municipale à Toulouse, des Dogs un peu partout, d'Alan Vega je ne sais plus où à Paris, de X à l'Eldorado et de bien d'autres. Mais quand on a vu ce qu'on voulait tant voir étant ado, il est difficile de retrouver l'enthousiasme de la jeunesse. On est plus regardant, on distingue les ficelles, on s'ennuie plus vite. Mais j'ai eu la chance de découvrir de nouvelles vagues de bruit blanc grâce à mes deux garçons qui m'ont redonné foi dans l'actualité (Black lips, Thee Oh Sees,...)
Quand j'écris, impossible d'écouter la moindre musique. Quand je dessine, en revanche, c'est un carburant qui me donne le rythme, qui me fait avancer. Difficile alors de m'en passer. J'en reviens tout de même souvent à des classiques de ma culture musicale, comme un beat chamanique. En revanche, je n'ai jamais vraiment accroché à ce qu'on a appelé la BD Rock, qui sauf rares cas de figure (Baru, chez qui le R'N'R irrigue chaque page sans qu'il en soit le sujet), traite la question de façon trop superficielle à mon goût et en fait un truc un peu burlesque, trop éloigné de l'intensité que cette musique me procure. J'attends encore l'équivalent d'un Please Kill Me en BD..
Quels sont les autres fanzines auxquels tu as contribué ?
J'ai eu le grand plaisir de participer à l'aventure Combo conduite à Paris dans les années 90 par Yannick Bourg et David Dufresne, qui œuvraient à une revue R'N'R qui traite aussi de littérature, de dessin, de cinéma et de toutes formes artistiques se rattachant aux convulsions de cet univers musical. Ce travail m'a, entre autres plaisirs et honneurs, permis de faire la rencontre épistolaire de Jean-Patrick Manchette, dont Yannick Bourg eut la chance de conduire le dernier interview. Pas moins.
Ma dernière collaboration régulière à évoquer est celle d'avec l'équipe de Ogoun, dont le camarade Poussin était la cheville ouvrière. On n'était plus là sur un terrain bande dessinée (j'y ai fait une couverture et quelques pages de BD R'N'R), mais entouré par Beltran, Mezzo et d'autres fines gâchettes, l'esprit R'N'R n'était jamais bien loin.
Es-tu musicien ?
Grand dieu non! Je suis sympathisant mais pas pratiquant. J'ai bien essayé de beugler dans un groupe d'école fasciné par le Velvet, mais j'étais pétrifié de terreur et ne savais jamais quand je devais commencer. C'était atroce.
Merci Jean-Christophe
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