Lors du dernier Garageville Festival à Hambourg, Il fut le deuxième jour la tête d'affiche. Je ne connaissais pas sa musique et avais prévu de le regarder jouer 3/4 morceaux avant de partir. Ian Kay m'a cloué ce soir-là, il fut le meilleur artiste de la journée et j'ai regardé son concert jusqu'au dernier morceau. Présenté sur l'affiche comme un artiste espagnol, je fus très surpris d'apprendre qu'il est français en lui demandant de l'interviewer.
Ton histoire musicale personnelle commence à ma connaissance
avec les Greedy Bastards et les Cortona à Lyon. Tu joues de la
batterie et du punk. Est-ce-que cette musique t'a bercé dans
ton enfance grâce à ton père ?
Tout à
fait ! Les Greedy Bastards était mon premier groupe de lycée
(reprises des Ramones, Sex Pistols, puis Johnny Thunders, Flamin’
Groovies, The Senders…), dans lequel j’ai commencé à la
batterie, pour passer finalement à la guitare/chant, avec mon père
derrière la batterie. Cortona, est venu quelques années après,
avec mon ami Pierre, chanteur actuel des fabuleux Scaners.
Evidemment, les chats font pas des chiens, mon père me mettait déjà
des baguettes entre les mains dès l’âge de 4 ans, mais c’est à
14 ans que j’ai réellement commencé à vouloir apprendre la
batterie. Noël (le père), avait une formation de batterie jazz à
la Dante Agostini (Paris) et Berklee School (Boston), et à côté il
jouait dans Slaughter And The Dogs, super groupe punk ‘77 de
Manchester ! Quel culot ! En revanche, je tiens plus du
côté de ma mère pour ce qui est de la musique que de mon père qui
était plus branché jazz-fusion ou Rock 70’s. Je vivais avec elle
à Paris dans les early 90’s ; à l’époque elle travaillait
comme assistante artistique chez Sony Music, et à la maison on
écoutait les New York Dolls, les Stooges, Nirvana, Oasis, Lords Of
The New Church etc… en plus d’avoir été mariée avec Craig Pike
(bassiste des Hypnotics et Iggy Pop), elle avait de sacrés goûts
musicaux. Paix à leur âme.
Quelle a été son
influence sur toi ?
Quand
je suis revenu habiter à Lyon avec lui à l’âge de 14 ans,
j’étais vraiment verni d’avoir un père aussi cool, mais aussi
un maître d’exception pour l’apprentissage de la batterie. Peu
de gens le savent, mais il faisait partie des meilleurs
batteurs de jazz du paysage français, un monstre (sacré) !
J’avais donc un set de batterie électronique dans ma piaule, et
mes premiers devoirs en rentrant du collège c’était d’abord la
batterie : 3 heures de pratique chaque jour avec un dictionnaire
sous chaque aisselle, à la dure ! Il m’a plongé dans pas
mal de trucs variés : Billy Cobham, Tony Williams, Weather
Report, Led Zeppelin, Spheroe, King Crimson.. donc du jazz-fusion et
du rock. Super pour se faire les dents techniquement. Quand j’ai
découvert par moi-même les Sex Pistols, j’ai tout envoyé chier !
Haha !
Il
a participé à la vague punk en Angleterre, est-ce que tu as passé
ton enfance au milieu de personnes devenues maintenant des légendes
?
Alors,
pour revenir sur la bonne piste, il n’a pas tellement participé à
la vague punk en Angleterre, sinon plus en France. Wayne Barrett,
chanteur de Slaughter And The Dogs, s’est expatrié à Lyon dans
les années 80, et de là, il a connu Noël Kay, mon père. Ensemble
ils ont commencé des projets de New Wave (« Wayne & Kay »
et « Lovers" ), et de Hard Rock (« Scum »).
C’est donc à partir de 1991, avec l’album « Shocking »
que Slaughter And The Dogs se sont reformés, avec un nouveau
line-up, moitié frenchie-moitié lads. Effectivement, j’ai côtoyé
beaucoup de personnes talentueuses, qui d’ailleurs mériteraient
aujourd’hui d’être des légendes.
Je n'ai
pas trouvé de trace de disque des Greedy Bastards, existe t-il des
enregistrements ?
C’est
normal, on n’en a jamais fait un seul ! Le seul enregistrement
que je possède est un live enregistré avec mon Zoom H2 dans la cave
du Trokson en 2008.
Ensuite,
tu as formé les Cavemen Five dont Dangerhouse a sorti une compilation
en 2011. Pourquoi changer du punk au garage ? Peux-tu nous raconter
l'histoire de ce groupe et pourquoi vous êtes-vous séparés ?
Exactement.
Dangerhouse ont sorti la compilation de nos singles 45T en LP en
2023. Je pense que le Garage reste étroitement lié au Punk, et ce
fut un passage naturel. Je dois surtout la découverte du genre
musical Garage 60’s (ou 60’s Punk) à mes compères des Cavemen
Five. Ils m’ont découvert un jour en formule one-man band dans la
cave du Trokson, et au moment où je faisais mon premier DJ set dans
un bar ils sont venus me parler. Ils voulaient monter un groupe de
garage, et je n’avais aucune idée de ce que c’était ! Ils
m’ont donc envoyé tout un tas de liens YouTube avec des morceaux
des compilations « Back From The Grave », et j’en suis
devenu complètement marteau !
Suite
aux Cavemen V, c'est la création des Missing Souls (quelle
activité!), la soul et rhythm 'n blues y est très présente.
Dis-nous en plus sur cette musique et l'importance qu'elle a dans ta
vie. Si tu
es quelqu’un de passionné pour ce genre de musique, et que tu as
la chance de rencontrer des personnes ayant les même goûts que toi,
alors là c’est bingo ! Avec les Cavemen V, on était mordus
de cette musique teenager-punk, à la formation des Missing Souls
aussi ! Mais on voulait s’orienter sur quelque chose de plus
soul-garage/r’n’b. Finalement, les étiquettes on s’en fout un
peu, on a fait ce qui nous plaisait : redonner une nouvelle vie
à des morceaux que chacun suggérait. C’était interminable, mais
aussi ça donnait suite à de belles soirées alcoolisées et rock ‘n
roll ! Haha ! J’ai pas le logo de Dead Moon tatoué sur
ma jambe (et d’ailleurs aucun !), mais si je devais me faire
tatouer, y aurait une pochette de Back From The Grave, la tronche de
Keith Moon, et Fritz The Cat.
Cela
doit être étrange de se retrouver à faire des reprises alors que
l'on compose d'habitude. Quelle est la différence à tes yeux ?
Pas de
grande différence. On s’amusait tout autant, parce qu’il faut
savoir que le fait de faire des reprises nous a amené à devoir leur
donner une autre couleur. On voulait pas que ça sonne comme si
c’était un disque en live, ni tomber dans les clichés. Chaque
membre du groupe a apporté sa personnalité et son authenticité, ce
qui a donné un beau mélange.
Composer,
ça demande certes beaucoup plus de travail, et de cohésion avec tes
collègues. C’est pas toujours évident, mais quand le résultat
est là, c’est magique.
Existe-t-il
encore des titres inédits des Missing Souls ? À ma connaissance,
vous n'avez fait qu'une session d'enregistrement ou existe-t-il des
reprises que tu pourrais nous faire découvrir ?
On
a fait plusieurs sessions d’enregistrement ! Première à
Chambéry aux Studios Larsen, seconde à Lyon à l’Epicerie
Moderne, et troisième à Folkestone aux studios de State Records. Il
doit nous rester quelques alternate versions de morceaux qui sont sur
notre album mais sont aussi enregistrés dans les deux autres studio.
Comme « Whiplash » des Shells, et « Got To Have
Your Lovin’ » de Oscar & The Majestics. Et quelques
enregistrements de répétition avec des morceaux que l’on jouait
en live avant la séparation du groupe , tels que « Tell Her
One More Time » des Reasons Why ou encore « I’m In
Trouble » de Wayne Cochran.
Dangerhouse
Skylab est un label qui a eu une énorme importance pour ta carrière
musicale. Raconte-nous ta relation avec Bruno Biedermann et
parle-nous de son magasin et ce qu'il représente pour toi.
Je dois
beaucoup à Bruno pour son soutien et son enseignement musical. En
effet, quand j’avais mon premier appart à Lyon, j’habitais à
deux minutes à pied de
Dangerhouse. Vrai piège ! J’y
laissais au moins 300 balles par mois, haha ! Je devais y passer
plus de temps que chez moi ou dans les bars. Donc, tu entres dans son
magasin, y a un truc (toujours bien) qui sonne. On papote, on se
raconte des conneries, on parle des nouvelles sorties, des concerts..
et puis d’un coup, alors que tu fouilles dans les bacs plus loin,
il pose un disque sur la platine, et là, ça ne rate jamais !
Il connaît tellement tes goûts qu’il sait qu’il va te
surprendre avec un nouveau groupe qui vient de sortir, ou une
réedition d’un vieux groupe. Ca c’est quelqu’un qui sait
vendre ! D’autant plus, que ce que j’adore avec lui, c’est
que tu lui demandes s’il a tel ou tel disque, il va d’abord te
dire « ah oui, enregistré en telle année, dans tel studio,
avec tel gars, sur tel label », une vraie bibliothèque
humaine ! Et ensuite, il t’accompagne vers le bac à disques
où il va t’aider à le trouver. Sincèrement, aujourd’hui les
vendeurs s’en tamponnent complètement, ils te disent « ah
oui, va voir au fond à gauche ». J’espère que son label «
petit mais costaud » Dangerhouse Skylab va perdurer, car il le
mérite vraiment, et apporte un support pour la scène locale
hors-normes.
L'amour
t'a fait quitter la France pour Barcelone, ne regrettes-tu pas la
mentalité française par moment ? En Allemagne, il y a un mot
désignant le mal du pays "Heimweh". Est-ce une notion que
tu comprends ?
Comment sais-tu que j’ai quitté
la France par amour ? Tu t’es tapée mon ex petite copine ?!!
Ecoute, non, je ne regrette pas la mentalité française, j’ai
quitté le pays car j’avais un peu fait le tour ici à Lyon, et
puis je me sentais également plus proche de la mentalité espagnole.
Plus chauds, plus excentriques, plus sauvages etc… Ce qui me
manque, c’est plutôt la politesse et l’amabilité, ici, c’est
pas toujours le cas, haha ! Mais bon, on peut pas avoir le
beurre, l’argent du beurre et la crémière ! Je suis très
heureux ici, et j’y reste (pour le moment). Le mal du pays, c’est
ne pas avoir de bons croissants au beurre et du pain français !
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Les Rencards |
Est-ce
à cause de ce départ que tu n'es plus dans un groupe ?
Pas
du tout, d’ailleurs je joue de la batterie dans un groupe catalan
qui s’appelle les Rencards ! C’est une sorte de French 60’s
Punk-Anti-Yéyé. On sort bientôt notre second album.
J’avais
commencé mon projet solo avec mon père, on jouait ensemble des
morceaux 60’s que j’adaptais en français, à la manière de
Ronnie Bird, mais plus axé sur des morceaux de garage américains. A
l’époque, j’officiais sous le nom de « Little Big Ian ».
Y a un flexi-disc 45T sorti sur le label Hidden Volume (Baltimore,
U.S.A.) accompagnant le fanzine format single, contenant une reprise
de « Je ne te pardonnerai pas » des Gypsys.
Quelle
est à tes yeux la différence entre le monde musical garage français
et Espagnol ?
J’ai l’impression qu’en
France, y a de moins en moins de groupes garage avec le temps,
néanmoins je pourrais citer les Howlin’ Jaws, les Wylde Tryfles ou
encore The Rondells.
En
Espagne, idem… y a surtout une grosse vague Punk et Reggaeton.
Choisis ton camp, haha !
En 2018, tu as
enregistré tes propres morceaux à Los Angeles dans un studio
d'enregistrement qui a une histoire imposante. As-tu ressenti
comme une pression face aux "fantômes du passé" ayant
créé de la musique entre ces murs ?
C’est une
drôle de question, mais pertinente ! J’ai pas tendu l’oreille
aux murs tapissés dorés du studio, peut-être que j’aurais
entendu le fantôme de Kenny Rogers me dire « tu chantes comme
un pied, casse-toi !! ». Surtout, ce qui était magique,
c’était de se retrouver dans cet espace mythique avec plein de
matériel vintage, dans lequel se sont enregistrés des albums des
Beach Boys, des scores pour le cinéma d’Hollywood etc…. J’ai
d’ailleurs enregistré un solo de guitare en la passant dans la
cabine Leslie qui avait été utilisée pour les voix de chœur de
« Just Dropped In » de Kenny Rogers (pour la fun story).
Et puis, j’ai eu de la chance, c’est Nic Jodoin qui a repris les
commandes du studio, l’ancien guitariste des Morlocks, un canadien
très cool, mais aussi super technicien du son ! Il a fait un
boulot incroyable. Et aujourd’hui, c’est le terrain de jeu de
Nick Waterhouse et des Allah-Las. C’est grâce aux Allah-Las que
j’ai découvert l’existence de ce studio.
As-tu
découvert un équivalent de Ronnie Bird en Espagne ? Peux-tu nous
dire quels sont les autres artistes français qui t'ont inspiré
?
Oui, il
s’appelle Juan Kay ! Hahaha ! Equivalent de Ronnie Bird ?
Hmm, je sais pas… Dur à comparer. Et puis on est dans une époque
où il y a beaucoup de métissages. Ici, j’aime beaucoup la musique
que font Tito Ramirez, ou les Limboos.
En
artistes français, j’aime aussi beaucoup Jacques Dutronc,
Gainsbourg, Nino Ferrer Jacques Brel etc…
Tu
sembles avoir fait le tour du garage et de ce qui s'en rapproche.
Peux-tu t'imaginer changer complètement de style et te mettre à
n'utiliser qu'un ordinateur pour ta musique ?
Tout à
fait, je ne dis pas que c’est impossible. Je pense que ça fait
partie de l’évolution naturelle d’un artiste, et il faut aussi
parfois savoir changer d’arc pour vivre de la musique. Rester dans
une bulle, c’est chouette, c’est fun, mais ça reste limité à
un cercle de fans du genre. D’ailleurs, avec mon manager Jérémy
Yeremian, nous avons comme projet de faire un remix d’un de mes
morceaux de mon premier album solo en partenariat avec un DJ, dans le
style Dance ou Electro. Peut-être en fin d’année, si tout se
passe bien…
Aura-t-on la chance de te revoir
bientôt jouer en France à nouveau ?
Je
l’espère ! On se voit à l’Olympia l’an prochain ?
Merci Ian
https://www.iankayofficial.com
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