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PATRICK FOULHOUX : L' INTERVIEW - "J'aurais aimé voir les Stooges en 1969 - 70" (2/2)

Patrick Foulhoux est une des figures marquantes de la musique qui nous passionne. Son nouveau livre consacré au label "Black & Noir" sort cette semaine. C'était l'occasion idéale pour lui poser de nombreuses questions. Suite et fin de l'interview.


Peux-tu nous raconter ton expérience avec Dig It! Comment était Gildas en tant que "rédacteur en chef" de ce fanzine ?


Gildas m'a rappelé un jour que j'étais un des plus anciens rédacteurs du fanzine. J'avais participé à un des tout premiers numéros avant de devenir un rédacteur régulier. Je ne m'en souvenais pas. J'adorais collaborer à Dig It, Gildas acceptait à peu près tout ce qu'on lui proposait dans la mesure où ça collait à la ligne éditoriale. Même des sujets apriori éloignés à partir du moment où on savait lui les "vendre". Gildas n'était pas directif, en revanche, c'est le seul rédac chef de fanzine qui savait dire "non" si ça ne collait pas à la ligne, mais il disait souvent "non" faute de place, vu qu'on était pas mal de rédacteurs, le chemin de fer se remplissait vite. Il avait aussi l'émission radio et il organisait des concerts. Il nous a fait jouer à la salle FMR à Toulouse en 1993 avec les Shit For Brains. C'était un personnage, à l'humour raffiné, avec qui il était dur de ne pas s'entendre. Bref, on était raccord sur bien des points.

Tu as également fait de la télé, tu es un vrai touche à tout ! As-tu aussi participé à des émissions radio ?


Oui, j'ai fait un peu de télé, sur une chaine locale appartenant au groupe Centre France (La Montagne), Clermont 1ère. J'avais une chronique tous les 15 jours dans le cadre d'un magazine culturel. Je chroniquais un livre et un disque me semble-t-il chaque fois. J'ai fait ça durant deux ans. J'ai même proposé le pilote d'une émission culturelle, c'est un copain qui m'a poussé à faire cette proposition et c'est lui qui a réalisé le pilote. Ça n'a pas été plus loin, je n'avais pas le budget pour assurer la production. J'ai fait un peu de radio, pas comme animateur, plutôt comme chroniqueur aussi, mais la plupart du temps, en radio, j'y suis en tant qu'invité. Animer une émission radio ou une émission télé, c'est énormément d'écriture en amont, ça, ça me convenait, mais animer, c'est une autre paire de manches. C'est compliqué. Si la chaine télé avait accepté mon projet d'émission, j'avais prévu de faire une formation pour apprendre. Ça n'a pas été jusque-là. En radio, j'ai beaucoup collaboré à une émission intitulée "Arverne Graffiti" sur Radio Arverne, émission hebdomadaire de deux heures animée par un bon copain, retraité de Radio France, un vrai pro. Je ne suis pas vraiment un touche-à-tout, c'étaient des opportunités, on me proposait, ça m'intéressait d'essayer.


Etait-ce la nostalgie de ton expérience avec
Spliff qui t'a fait monter le label Pyromane Records ?



Non pas vraiment, j'étais dans une période où je me retrouvais au chômage. À la faveur d'un dispositif d'aide à la création d'entreprises culturelles mis en place par la région Auvergne, on a lancé Pyromane avec un copain. On était un peu présomptueux. On aurait dû commencer en association avant de créer la société, mais comme on voulait bénéficier de l'aide, on devait impérativement être en société, les associations ne pouvaient pas y prétendre. Ça n'a pas duré longtemps, 18 mois après la création, on déposait le bilan. Cela dit, on a sorti quelques beaux disques dont nous sommes assez fiers (Gâtechien, Tokyo Sex Destruction, Stetson, Elektrocution, Kafka, Kunamaka).

Quels en ont été les plus grands moments, as-tu une anecdote particulière en tant que chef de label ?


Il y en a plein, des bons et des moins bons moments. Je me souviens du plateau Gâtechien / Tokyo Sex Destruction / Stetson à La Rochelle, à Paris, à Clermont, ça reste de super souvenirs. Avoir à demander l'accord à la veuve de Boris Vian d'utiliser un de ses textes pour une chanson d'un groupe dont on devait sortir l'album, et qui ne s'est pas fait finalement puisqu'on a plié le parapluie avant. Elle était charmante et elle a demandé une somme symbolique pour utiliser le texte.

À la suite, tu es devenu journaliste généraliste. As-tu eu une lassitude d'écrire sur la musique ? Les thèmes sur lesquels tu as écrit étaient bien différents, lesquels t'ont procuré le plus de plaisir ?


Si je suis devenu journaliste généraliste, c'est que je ne trouvais plus de travail dans le journalisme musical, pour diverses raisons, principalement l'éloignement. La presse musicale étant essentiellement basée à Paris, loin des yeux, loin du cœur… Mais ce n'est pas grave. J'adore encore le travail de journaliste généraliste, j'ai travaillé pour la presse territoire, et j'y travaille toujours encore un peu, et la presse économique. Je rencontre des gens surprenants avec des histoires et des parcours passionnants dans tous les domaines, les arts, la culture, le sport, l'entreprise, l'associatif, etc. Sauf la politique, jamais je ne tremperai dans ce panier de crabes, pourtant, j'aime ça, mais j'aurai tendance à vouloir tous les baffer. Même ceux pour qui je vote.

En 2011, tu sors ton premier livre
"Le fond de l'air effraie". Son origine vient d'un fanzine, était-ce un projet qui murissait depuis beaucoup d'années dans ton esprit ?



Non, même pas, c'était plutôt un ballon d'essai, voir si j'étais capable d'écrire un livre, si petit soit-il. Et c'est aussi du fait qu'avec Pyromane, on cherchait à développer l'activité, après le disque, le livre. Le livre est aujourd'hui épuisé.


Tu embrayes ensuite avec ton livre sur l'histoire du rock à Clermont-Ferrand. Comment se sont passées les préparations pour le livre ? T'es-tu senti obligé de parler de certaines personnes par copinage ?


C'était assez simple de faire ce livre. J'avais juste à ouvrir le micro et laisser parler les gens. Je comptais faire plusieurs volumes. Celui qui est sorti traitait de toutes les musiques, ensuite, je voulais faire des volumes sur les groupes métal, puis pop, etc. Forcément, j'ai commencé en m'adressant aux artistes de mon entourage. Mais pour parler des artistes des années 60 par exemple, il a fallu que je les retrouve. Le premier volume a été un franc succès. Il est aujourd'hui épuisé. J'arrêtais pas de me faire brancher par ceux qui n'étaient pas cités : "et moi ? et moi ?", et merde. Ils m'ont tellement fait chié que j'ai abandonné l'idée de faire une suite. Mais, il n'est pas impossible que j'y revienne avec un ouvrage plus exhaustif, si je trouve un éditeur…

Patrick Foulhoux - NB © Yann Cabello

En 2014, tu commences à écrire dans des blogs. Quelle est pour toi la différence entre l'écriture dans un blog, un magazine ou un livre ?



Pour un magazine, l'article a une taille impartie : tant de signes ou tant de feuillets. Pour un blog, la taille est plus élastique, encore qu'il ne faut pas faire trop long non plus,sinon, le lecteur ne va pas au bout et décroche rapidement. On considère qu'un article doit être lu en 4 ou 5 minutes maxi, après, le lecteur zappe. Pour un livre, là, on peut se lâcher, on n'a aucune contrainte de taille. En ce qui me concerne, il n'y a pas de différence de style d'écriture entre les trois, sauf qu'en écrivant un article, pour un magazine, un fanzine ou un blog, on doit s'en tenir au sujet et faire un travail de journaliste. Pour un livre, on peut faire son "Lester Bangs" et divaguer, se raconter soi-même. Il m'est arrivé de faire des chroniques hors-sol tellement le disque que j'avais à chroniquer ne me faisait ni chaud ni froid. Mais en général, on fait en sorte de s'en tenir au sujet.

Pour "La Fuite des Tuyaux", tu t'essayes au roman. En es-tu un grand consommateur ? D'où t'es venu l'idée de ce livre ?

La vache, mais tu es sacrément bien informé. Ce livre reste anecdotique, mais il m'a permis de me tester sur de la fiction. Alors oui, je lis énormément, plus que je n'écoute de musique désormais. Je ne me souviens absolument pas d'où m'est venue l'idée. Il s'avère qu'on entrevoit un peu ma marque de fabrique avec ce livre et qu'on sent bien mes sourcs d'inspiration. J'ai situé le livre à des endroits qui me sont chers. Et on trouve déjà Les Thugs dans ce livre. Le livre est épuisé.




"Hache Tendre Et Gueules De Bois" est ton encyclopédie du rock. Le titre, hommage parodique à une émission des années 60 montre l'esprit du livre. Quels ont été tes grands souvenirs télévisuels ?


Ça commence au début des années 70 avec l'émission "Pop 2" sur la 2ème chaine à l'époque. Même pas sûr qu'il y avait encore une 3ème chaine. Puis il y a eu toutes les émissions de Freddy Hausser, et d'autres dont j'ai oublié le nom. Je me souviens d'une qui diffusait régulièrement des images de Little Bob Story, c'était avant le punk. Puis sont arrivés "Les Enfants du rock", "Chorus", etc. On n'avait que 3 chaines télé et le dimanche à midi, au lieu de diffuser la messe, Antenne 2 passait des émissions rock. Voir les Ramones à midi sur une chaine de grande écoute, c'était une autre époque…



Y aura-t-il un jour un deuxième tome de ce livre ? Peux-tu nous en raconter la genèse ?


Non. Au départ, il devait être 3 fois plus épais, mais j'en ai sabré les 2/3 parce que je trouvais mes textes peu inspirés. Les sujets pouvaient être passionnants, mais je n'ai pas réussi à retransmettre ce que je ressentais vraiment à l'écoute de ces disques. Ce livre est parti d'un constat. Un jour, j'hébergeais un groupe de Bordeaux, il me semble que c'était Calc. Les gars ont passé la nuit à éplucher les disques qu'il y avait sur les rayons, le lendemain, ils m'ont dit, tu n'as pas le droit de garder un trésor pareil pour toi, il faut le partager. Deux options s'offraient à moi, soit j'ouvris une galerie audio, soit j'écrivais un livre sur ma collection de disques. Le choix était vite fait.


En 2021 parait ton livre sur ton groupe français préféré les Thugs, tu avais également participé à un site internet consacré à ce groupe. Quel est ton Raymond Poulidor des groupes français ? Aurais-tu envie de leur consacrer un livre ?


Je ne me souviens pas avoir participé à un site Internet dédié aux Thugs. Le seul que je connaisse, c'est le leur qui est tenu par Éric Sourice. D'ailleurs, je ne suis même pas sûr que le site soit encore actif. Le "Raymond Poulidor" des groupes français ? Alors là, je n'en sais rien. Ce seraient des groupes qui méritaient la gloire et qui sont toujours restés dans l'indé. Il y a plein de groupes avec un talent monstrueux qui, s'ils étaient sur des structures avc de gros moyens pourraient cartonner. Aujourd'hui, un groupe comme Dead Chic pour n'en citer qu'un mériterait qu'un gros label investisse sur lui. Le groupe a un potentiel de la taille de Noir Désir période "Tostaky", peut-être pas de la Mano Negra, ce n'est pas assez "consensuel", mais avec une petite synchro bien placée, ça pourrait devenir une grosse machine, ils ont les tubes pour.


Ton livre suivant est consacré à tes parents et au soutien que tu leur as apporté face à leur maladie. Cela doit être un livre à part pour toi, est-ce-que c'est celui qui t'a été le plus dur à écrire ?



C'est un livre un peu spécial effectivement. C'est une psychologue de France Alzheimer qui m'a recommandé de l'écrire. Il n'a pas été difficile à écrire, c'était encore frais dans ma tête. Ça me permettait de clore le chapitre une fois mes parents disparus. Et c'est un petit livre pour aider les aidants qui se trouvent démunis et désemparés devant cette maladie et toutes les maladies apparentées. Je pensais avoir tourné la page avec ce livre. Mais ce n'est pas tout à fait vrai. Il m'arrive d'intervenir régulièrement lors de rencontres professionnelles sur le sujet. À l'occasion d'une journée professionnelle pour les gériatres d'Auvergne, je devais témoigner. Avant moi, est passée une philosophe pour dresser le profil type de l'aidant, je me suis effondré, ça m'a fait remonter mille choses. Jusqu'à la fin de ma vie, je vivrai avec ça. L'avantage qu'il y a, c'est que je peux croiser un(e) malade ateint(e) de la maledie d'Alzheimer, je serai super à l'aise avec elle, je saurai lui parler et je saurai comment me comporter pour la mettre en confiance et la rassurer.

Au début de l'année, tu as sorti un nouveau roman ayant pour figure principale Lemmy. Parle-nous de ce qu'est pour toi cette icône du rock. As-tu eu l'occasion de le rencontrer ?



Non, je n'ai jamais discuté avec lui. Au départ, ce livre est l'extension d'une nouvelle pour un recueil sur Motörhead. J'aimais bien la nouvelle, je l'avais réussie, je trouvais qu'il y avait matière à développer. Pour moi, le roi du rock, c'est Iggy Pop. Après, il y a énormément d'artistes que j'adore, Lemmy fait partie de ceux-là. Je ne suis pas fan de toute la discographie de Motörhead, mais "Ace of Spades" reste un monument du rock. Avec Shit For Brains, on était fans des Cosmic Psychos, on était un peu dans le même créneau, donc pas loin de Motörhead. Notre chanteur - bassiste chantait comme Lemmy et se tenait devant le micro comme lui. On était bien imprégnés par Motörhead qu'on a étonnamment jamais repris.


Dans quelques jours parait ton nouveau livre consacré au label Black & Noir. Comment l'as-tu conçu ? Est-ce que ce livre t'a demandé beaucoup de temps de travail ?


Oui, c'était un long travail. L'idée du livre m'est venue en faisant celui sur Les Thugs. Je me suis dit que ce serait judicieux d'en faire un sur Black & Noir. C'était assez facile à faire, il suffisait de retrouver tous ceux qui ont participé à l'aventure et de les interviewer. Le plus compliqué, c'est la mémoire. Quasiment quarante ans ont passé depuis le tout début de l'histoire, autant dire qu'il y a des oublis et des approximations. Même Casbah, réputé mémoire vive du rock d'Angers, arrive à confondre. Mais sa mémoire reste fiable. Avec Éric Sourice, il vaut toujours mieux vérifier, parce que sa mémoire n'est pas des plus fiables, il le sait. D'ailleurs, pour le livre sur Les Thugs, on a fait une rencontre à Angers, à la médiathèque Toussaint, nous étions sur le grill, les deux frères Christophe et Éric Sourice et moi. Quand Éric répondait et qu'il n'était pas sûr de son coup, il s'adressait à Casbah pour lui demander confirmation.


Tu as vu énormément de concerts, lesquels ont été les plus marquants pour toi ? Quel est le concert que tu aurais aimé voir ?



J'ai vu trop de concerts. À raison de 3 ou 4 concerts par semaine durant des années, je ne me souviens pas de tout. Parfois, il vaut mieux. Maintenant, j'en vois beaucoup moins et je sélectionne. J'ai vu Goutlaw et Gentle Ben & His Shimmering Hands à Périgueux cet été, Gentle Ben, c'était une énorme claque. Je vais voir Dead Chic le 19 spetembre à Clermont, j'attends ça avec impatience, c'est un de mes groupes préférés du moment. J'adorerais voir les Italiens de Three Blind Mice, les Espagnols de Gadalupe Plata, bref, il y en a plein à découvrir encore. Mes meilleurs souvenirs de concerts, je dirais Doughboys à Balthazar, à Thiers, en 89, ça m'a marqué à vie et ça a beaucoup influé sur ce que j'ai écouté après, je pense aux Thugs quelques fois, même si je me souviens de concerts moyens des Thugs. Ils étaient quand même capables de concerts majestueux, tel celui au Transbordeur à Lyon avec Mudhoney et Superchunk en première partie. Je dirais Bob Mould à Lyon, Sharon Jones à Clermont, Charles Bradley à Clermont, Zen Guerrilla à Périgueux, Alain Bashung à Clermont à différentes occasions, Hellacopters au Pez-Ner à Lyon, et mille autres encore très probablement. J'aurais aimé voir les Stooges en 1969 - 70.


T'es-tu senti parfois blasé par la musique ?



Je me suis trouvé blasé à un moment, c'est pour cela que j'ai levé le pied. J'écoute moins de musique, j'achète beaucoup moins de disques et je vais voir beaucoup moins de concerts. Je sélectionne, et donc, maintenant, j'apprécie beaucoup plus un disque ou un concert même si souvent, au bout de trois chansons, j'ai mon compte, même quand j'aime. La dernière fois que j'ai vu Mudhoney, je me suis ennuyé. J'ai attendu qu'ils fassent "Touch Me I'm Sick" avant de quitter la salle pour rentrer chez moi. Cela dit, Goutlaw et Gentle Ben, j'ai été très attentif de la première à la dernière note. Gentle Ben est vraiment le meilleur truc entendu depuis un moment.

Quels sont pour toi les groupes français actuels que l'on ne doit pas rater de découvrir ?


Je ne suis plus trop au fait de l'actualité, en revanche, je suis très à l'écoute de ce que fait le label Beast Records qui arrive à dégotter des groupes français et australiens hallucinants. J'aime beaucoup Druids of the Gué Charrette chez Beast par exemple. J'adore Chicken Diamond. Le truc qui m'éclate actuellement, c'est Dead Chic donc, et là, je viens de recevoir le premier album de Laurent Benitrah, "Rien ne presse", qui sort le 4 octobre. Quelle voix ! Il se situe entre Arno et Bashung, je dis que c'est le Baxter Dury français. On devrait en entendre parler. Il y en a sûrement d'autres, mais les noms ne me viennent pas à l'esprit là, tout de suite. Si, je sais que Grand Final enregistre un nouvel album, j'attends ça avec impatience, Doris étant pour moi la plus belle voix rock féminine française depuis l'époque de Dickybird. Et elle sait tenir une guitare.

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