DAY BY DAY : CHRIS BAILEY - AUTOPORTRAIT D'UN SAINT - 1IÈRE PARTIE


Chris Bailey nous a quitté le 9 avril dernier. Nous avons décidé de lui rendre hommage par sa parole et remercions tous ceux qui l'avaient laisser s'exprimer depuis le début de sa carrière. Ses propos proviennent de différents interviews audio, écrites ou vidéo. Certaines périodes ne sont pas complètes, mais nous ne voulions pas tricher. Le dernier paragraphe nous promet pas mal de morceaux inédits. Espérons les écouter un jour. Merci Monsieur Bailey.


Je suis né en 1957 en Afrique Orientale, au Kenya. J'y ai donc vécu mais je n'étais alors qu'un bébé. Je n’avais pas le choix. J'étais là, avec mes parents, c’est tout. On m’a envoyé à Oxford pour me donner un bon accent anglais. Mugumbo (mimique clownesque) est mon guide philosophique. The Spirit Of Mugumbo.

Mon père était sergent dans l’armée britannique et il avait été envoyé là-bas parce qu’il y avait des mouvements anti-anglais dans le pays. Quand ça a été fini, il nous a ramené en Irlande du Nord d’où ma famille est originaire, Ce n’est qu’ensuite que nous avons émigré en Australie.

Je suis un Irlandais du Nord de Belfast à l'origine, mais nous sommes partis de là quand il y avait des signes de troubles à la fin des années 1960, j'avais 10 ans. Quand nous sommes arrivés à Brisbane en Australie, j'ai découvert Elvis Presley. À l'époque, Brisbane était un endroit très prisé des soldats américains en mission au Vietnam, ils venaient s'y reposer. Ils apportaient avec eux des disques incroyables, qui m'ont fait découvrir les véritables racines du rock 'n' roll, celles qui avaient inspiré Elvis. Il y avait aussi des tas de trucs de Stax et de Motown.

Quand j’étais « oun pétite homme », j’avais un frère aîné un peu fou mais qui avait de très bons disques. Et ma grande sœur Margaret avait plein de disques bêta style « She Loves you yeah, yeah, yeah », mes goûts se situent entre « She Loves You » et les disques de mon frère bien ancrés dans le blues et le rock. Avec aussi un peu des disques de fou de mon paternel – salut p’pa on se revoit bientôt là-haut – qui m’ont donné une sensibilité un peu, euh, catholique. En fait, quand j’étais petit, j’écoutais des types de musiques très différents : traditionnels irlandais, folk américain, jazz et puis de la pop-music.

Je n’ai pas eu de formation classique à l’école et il v a beaucoup de lacunes dans mon éducation. La poésie est l’une d’elles. Quand j’avais environ 14 ans, j'ai eu une période de six mois où je lisais beaucoup de poésie et je ne pense pas les avoir trop bien compris.

C’est drôle, car plus tard, je suis devenu finalement, une sorte de poète. La vie prend parfois de ces tournures ! Je suis juste un humble chanteur de rock : je n’essaie pas d'être trop sérieux.

Je ne me considère pas vraiment comme Australien. Je ne suis pas sûr de la nationalité que j’ai et n'ai jamais pris la nationalité australienne ni jamais eu de passeport australien. J'avais un tampon de résident, donc techniquement, chaque fois que je retourne en Australie, je dois obtenir un permis de travail, ce qui est une petite gêne. Je trouve cela assez drôle, d'autant plus que j'ai été contacté récemment par la version australienne de la BBC parce qu'ils font un documentaire sur les années 70 et la situation politique en Australie à l'époque et sur les groupes de rock de Brisbane. J'ai essayé d'expliquer au réalisateur que, oui, pendant mon adolescence, j'ai vécu à Brisbane et que, oui, je parle couramment l'australien et j'aime cet endroit, mais que je ne connais absolument rien à la scène musicale de cette ville. Je n'y ai pas vécu depuis le milieu des années 1970. J'y retourne sporadiquement, mais je ne peux pas vraiment parler de la scène, de son évolution et de la raison pour laquelle elle sonne comme elle le fait.


Nous étions avec Ed Kuepper (guitare) les deux seuls à avoir les cheveux longs et à nous intéresser à ce genre de musique et nous pensions que nous pouvions faire quelque chose de différent avec THE SAINTS (d’abord nommé « Kid Galahad and the Eternals »).
On jouait dans cette maison que je partageais avec Ivor Hay (batterie), on a transformé cette maison de banlieue en club de nuit, on s'amusait comme des fous. Je ne pense pas qu'on faisait payer l'entrée, je crois qu'on a essayé et qu'on a fini par perdre plus d'argent. On essayait d'être professionnels, alors on a pensé à la notion révolutionnaire et radicale d'être un jeune groupe de rock hautement politisé et on a joué pour les gens, pour rien.
On jouait partout où on pouvait. Les boîtes de nuit. Les salles de classe. Maintenant, il y a toute une scène de pubs rocks à Melbourne. Beaucoup plus d'endroits. Avant notre départ en 1977, nous avons fait quelques concerts à Sydney pendant une semaine et quelques autres à Melbourne.

Nous étions juste une bande de gamins de la classe ouvrière de Brisbane, des Blancs qui essayaient de ressembler à des Noirs jouant du r'n'b. D'une manière ou d'une autre, localement, nous avons eu cette réputation de "mauvais garçons odieux".


Un week-end, nous sommes allés dans un studio pour enregistrer quelques démos, que nous avons envoyées à toutes les maisons de disques. Elles nous ont toutes refusées, sauf EMI à Londres, qui nous a dit qu'elles voulaient sortir les démos comme notre premier album. Ils ont envoyé leurs représentants pour signer ce groupe qui ressemblait aux Sex Pistols. C'était fin 1976. Avant ça, Ed, Ivor et moi, avec une légion de membres différents, on jouait depuis deux ou trois ans.

Nous n'avions pratiquement pas joué professionnellement à Oz. Aucune maison de disques n'était intéressée. Et en fait, on nous considérait presque comme une sorte de blague.

C'était juste une coïncidence étonnante que toute cette absurdité de punk rock (dont nous ne savions rien ) se produise en Grande-Bretagne. Ce que nous connaissions du punk, c'était ce qui se passait à New York - l'héritage des New York Dolls et toute la scène artistique. Nous étions des adolescents vivant à Brisbane, en Australie, qui est un endroit très paroissial, et le genre de musique que nous écoutions était beaucoup plus blues, R&B, soul, ce qui est la base de la scène new-yorkaise et plus tard de la scène londonienne, même si elles n'étaient pas aussi respectueuses du passé. Une grande partie des premiers disques des Saints étaient essentiellement des riffs d'Eddie Cochran que nous avons accélérés. Le punk m'a semblé être plus une affaire de marketing.

À l'époque, l'industrie musicale avait beaucoup plus d'argent qu'aujourd'hui. EMI nous a fait signer en trois semaines environ. À l'époque, tout semblait normal et naturel, mais avec le recul, c'était assez effrayant. C'était quelque chose de très bizarre de passer d'une relative obscurité dans le Queensland à la Mecque musicale qu'était Londres à l'époque, c'était assez inédit.

Nous avons déménagé à Londres plus ou moins tout de suite. C'est là qu'était l'argent. Une fois que vous avez un peu de succès, il ne faut pas longtemps pour que les maisons de disques arrivent. On nous a donné un management de haut niveau, ce qui était une terrible erreur, et ça a mal tourné très rapidement. Je pense que nous avions fait une demi-douzaine de concerts en Australie avant d'aller à Londres. Nous sommes partis au début de 1977 et je ne suis pas retourné en Australie avant 1980 environ. En fait, c'est la première fois que les Saints ont fait une vraie tournée en Australie.

Nous avons été signés en tant que groupe de punk rock, mais nous n'avions vraiment aucune idée de ce que cela signifiait. Nous n'avions pas du tout ce côté "politique", et nous avons vite découvert que la scène punk londonienne était plus axée sur la mode et l'art que sur la musique.
Je comprends maintenant pourquoi nous avons été entraînés dans cette scène, mais à l'époque, nous avions de terribles problèmes avec le label parce que nous ne portions pas les bons vêtements et n'avions pas la bonne coupe de cheveux. Je veux dire, j'avais des cheveux longs et filasses. On n'a jamais vraiment réussi à produire l'image qui allait avec le produit.
En collusion avec le management, ils ont conçu des petits costumes Saints pour nous. Si vous vous souvenez de Generation X, un groupe qui a balancé Billy Idol - c'est le même gars qui a conçu leurs tenues. Je suis un homme assez grand, et porter des petits t-shirts multicolores déchirés à la menthe poivrée et aux couleurs psychédéliques n'est pas l'idée que je me fais de mon meilleur look. Donc l'idée du mythique costume Saints n'a jamais vraiment quitté la planche à dessin. J'ai fréquenté la scène de King's Road pendant un petit moment, mais c'était tellement la classe moyenne supérieure, des gamins morveux qui prétendaient être ce qu'ils n'étaient pas. Je viens de la classe ouvrière, et j'aurais préféré naître aristocrate en fait. L'argent est une belle chose et permet d'acheter beaucoup de bon vin. J'ai eu un peu de mal à accepter cette absurdité de prétendre être des anarchistes. La mode n'a jamais été un de mes centres d'intérêt et cette absurdité de Vivien Westwood sur King's Road était un peu ennuyeuse. Les Saints n'ont jamais été célèbres pour leur sens de la mode, même si EMI nous a donné un styliste pour créer le célèbre costume des Saints, qui n'est jamais sorti de la planche à dessin, Dieu merci ! C'était pathétique. Je suis sûr qu'Ed, probablement quelque part, parce qu'il amasse des choses, a les dessins originaux.

Je n'ai jamais été très friand de scènes où que ce soit, ce n'est pas que je n'étais pas enchanté par la notion de "rock punk à l'anglaise" ...., c'est juste que la plupart des aspects du "mouvement" que j'ai rencontrés étaient juste un peu trop "carriéristes" pour mes goûts de simple campagnard. Je sais que nous étions signés chez EMI & tout.......& avait pris le "dollar capitaliste"..... ! Mais..... Il me restait encore quelques illusions d'adolescent quand nous sommes arrivés en Grande-Bretagne.
J'ai adoré la scène londonienne. La révolution punk rock était terriblement, terriblement belle. C'était peut-être génial pendant quelques semaines, mais le temps qu'on arrive, tout était très « corporate » et design. Il y avait des groupes que l’on aimait. The Damned me vient à l'esprit.

Les réactions au fait que nous soyons Australiens ? : « Kangourou », a été entendu une ou deux fois.........

1977 : THE SAINTS - (I'm) Stranded (EMI)

Kym Bradshaw (basse) / Ivor Hay (batterie) / Edmund Kuepper (guitare)

Le premier album était en fait une démo réalisée par EMI parce que le single "I'm Stranded" était très populaire en Angleterre.

Une partie de moi est vraiment fière de la jeunesse de Saints, car ce premier album est très odieux et très mal enregistré, mais il est très sincère. Je ne sais pas s'il est daté ou de son temps. Je n'ai pas assez de recul critique. En toute honnêteté, je ne sais pas ce que j'en pense. Dans certains types d'humeur, je peux l'écouter et il me fera sourire et je me dirai "C'est génial". Et puis j'écouterai d'autres morceaux et je me dirai : "Mais à quoi tu pensais, bordel ?

Il sonnait comme il l'a fait parce qu'il était censé être une représentation de ce à quoi on ressemblait en live. L'ambition n'a jamais été de se limiter à ce premier disque.

Il y a une partie de moi qui pensera toujours que Stranded est mignon, parce que pour moi ça ne sonne pas comme un disque de rock machiste grossier et agressif. En fait, c'est mignon. Si vous prenez la vieille interprétation anglaise de "mignon" comme étant intéressant mais laid... peut-être que je ne l'exprime pas très clairement, mais à mon oreille, le chanteur sonne comme Mickey Mouse.

Je pense que la bande est vraiment un peu plus rapide que la réalité. Parce qu'à l'époque, la vitesse était essentielle et plus on était rapide, meilleur on était. Une sorte de notion vraiment stupide sur la musique rock. Nous étions assez rapides parce que nous étions nerveux, mais je ne pense pas que nous étions aussi rapides que sur le disque. Quand vous écoutez attentivement la voix, vous pouvez entendre qu'elle est accélérée.

1978 : THE SAINTS - Eternally Yours (HARVEST / EMI)

Alasdair Ward (basse) / Ivor Hay (batterie) / Edmund Kuepper (guitare)


On pensait que les cuivres iraient bien avec ma voix mélancolique. Ce qui est assez drôle parce qu'en écoutant ces trucs maintenant, je pense encore que je ressemble à Mickey Mouse. Ed et moi avions l'habitude de nous asseoir et d'écouter beaucoup de musique. Il contient des cornes, un orgue Hammond, un tambourin, bon sang ! C'était juste une partie du processus d'évolution. On était assez jeunes quand on a commencé.


Le punk anglais a créé les Stranglers avec des orgues, des saxophones et des albums entiers de musique mélodique complexe. Les Clash avaient du reggae dub et du rockabilly. Pour n'en citer que deux. Je ne me souviens pas d'une époque où la musique a donné naissance à autant de groupes aux sonorités si diverses à partir d'une base commune. Enfin, c'est mon opinion.

1978 : THE SAINTS - Prehistoric Sounds (HARVEST / EMI)

Alasdair Ward (basse) / Ivor Hay (batterie) / Edmund Kuepper (guitare)



Bon Dieu ! Il s'est passé beaucoup de choses en interne et en externe. Je pense qu' Ed était plus déprimé que moi sur la façon dont nous étions traités à Londres. Je pense qu'il est un peu plus sensible ou vaniteux. Je n'ai jamais réussi à savoir lequel des deux. Quand EMI a rompu le contrat après le troisième album, le management nous a lâchés comme une patate chaude. Lui et Ivor ... c'est drôle qu'Ivor ne soit jamais mentionné, mais il était très important pour ce premier groupe. Lui et Ivor sont retournés à Oz, et je suis resté à Londres. C'était très amical pendant un moment, mais nous nous sommes éloignés chaque année. Je m'inquiète pour lui parce qu'il semble très amer et aigri dans sa vieillesse.


J'ai deux sentiments à l’égard de l’album, je pense qu'il y a trois ou quatre chansons sur ce disque qui sont assez merveilleuses.

J'aime beaucoup ce disque. Je pense qu'il y a des parties très fortes. Il y a encore deux chansons de ce disque que je joue occasionnellement : "Swing For The Crime" et "The Prisoner". La version de "The Prisoner" que nous faisons maintenant est à des années-lumière. Elle swingue. Et même si je sais qu'elle est censée être très dramatique et assez dépouillée et stérile... Je pense qu'elle semble raide, ou guindée, c'est l'expression que j'utilise pour ce disque. L'intention et les idées étaient bonnes. L'exécution est juste tombée un peu à plat. Mais ce n'est certainement pas un disque qui me met mal à l'aise.

Je peux vraiment dire avec le recul que ce groupe était en train d'imploser et qu'il n’allait pas faire long feu sur la planète. Et c'est en fait ce qui s'est passé, même si, lorsque nous faisions le disque, nous n'avions aucune intention de ne plus être ensemble, mais il est très facile de voir qu'en quelques mois, tout cela aller tomber en morceaux.

EMI avait perdu son intérêt, je voulais rester à Londres, les deux autres non. Algy voulait être dans un groupe de heavy metal et il l'a été rapidement.

Ivor a commencé à avoir la folie des grandeurs d'être un auteur-compositeur. Je pense qu'il aurait dû s'en tenir à la batterie, en fait. Ce qu'il a fait quelques années plus tard. Il est revenu travailler avec moi pendant quelques années. Et Ed est parti sur cette tangente que je ne pouvais pas vraiment suivre. Après Prehistoric Sounds, nous avons eu quelques sessions et il avait une idée qui allait devenir les Laughing Clowns. Ed est venu à une session que j'avais organisée dans le sud de Londres, il est resté environ deux heures, puis est parti parce qu'il n'était pas intéressé par ce que je faisais. Lui et sa petite amie ont décidé de retourner à Sydney et c'était fini. Je pense que c'était en partie dû à des raisons financières et aussi à quelque chose dont Ed ne s'est jamais remis, à savoir que lorsque nous sommes arrivés à Londres, je pense qu'il s'attendait à ce que nous soyons acclamés comme les Lennon et McCartney de cette sorte de nouvelle vague, et nous avons en fait été considérés comme une sorte de blague australienne. Les Anglais étaient très xénophobes et à l'époque, l'Australie était considérée comme le parent pauvre. Tout ce qui venait des colonies devait être inférieur aux normes parce que tout ce qu'ils avaient là-bas, c'était des kangourous.



J'ai joué un concert avec THE HIVES en Suède. Ma femme est suédoise et je parle la langue, alors j'ai entendu les Hives parler des Saints et je suis allé me présenter. Ils m'ont dit qu'avant qu'ils ne se lancent vraiment, tout leur répertoire était constitué du premier album de The Saints. Ils nous mentionnent toujours dans les interviews comme de grandes influences. Et juste en réécoutant nos trois premiers albums, ce qui me frappe, c'est qu'ils pourraient sortir pour la première fois demain et sonner encore comme à ce moment-là.



Les années NEW ROSE


1 - Les SAINTS :




1980 – THE SAINTS - Paralytic Tonight, Dublin Tomorrow


Janine Hall (basse) / Ivor Hay (batterie) / Barrington Francis (guitare)




1981 - THE SAINTS - The Monkey Puzzle


Janine Hall (basse) / Mark Birmingham (batterie) / Barrington Francis (guitare) / Patrick Mathé (harmonica)




1982 - THE SAINTS - Out In The Jungle


Janine Hall (basse) / Iain Shedden (batterie) / Brian James & Chris Bailey (guitare) / Hugh McDowell (violoncelle)




1984 - THE SAINTS - A Little Madness To Be Free


Kim Bradshaw (basse) / Ivor Hay (batterie)




1985 - THE SAINTS - Live In A Mud Hut







J’ai conservé le nom des Saints avec d’autres musiciens, en fait j'avais déjà convenu de cela avec Ivor et Ed, même si Ed a changé l'histoire par la suite, et en fait j'ai fait une très grande interview avec le NME à l'époque dans laquelle j'ai décrit ce que j'avais l'intention de faire, qui était d'arrêter d'être comme un boy-scout enfantin et de transformer les Saints en une sorte de collectif radical, et à cette fin je pense que j'ai très bien réussi (rires). C'était donc mon plan, pour autant que je n’aie jamais eu de plans.

J'aime beaucoup l'Europe et j’étais heureux d'être ici. Parce que j'avais 21 ans, être pauvre à Londres était en fait assez amusant. Quand EMI a rompu le contrat, c’était.. Oups ! L'argent est parti. Et j'ai passé l'année suivante de ma vie à vivre sur les planchers des gens.

Les Saints étaient le premier groupe sur NEW ROSE. EMI venait d'abandonner la toute première incarnation du groupe. Je vivais à Londres, et j'ai reçu une lettre par l'intermédiaire d'un journaliste du NME. Il disait que c'était une note d'un Français fou. Je l'ai lu et j'ai répondu. C'était Patrick Mathé (1949-2018) qui dirigeait le label. Il était assez surpris que j'aie répondu parce que je l'avais fait sur un coup de tête. Il est venu, nous nous sommes rencontrés, nous avons bu énormément de vin et nous sommes toujours de bons amis, même si je n'ai plus rien à voir avec New Rose. En fait, Patrick était un fan des Saints, et nous avons eu une relation très volatile et intéressante depuis. Iggy Pop a décrit Patrick comme un adorable voyou. Je partage la même opinion.
J'aime New Rose, malgré toutes les choses merdiques qu'ils ont faites, c'était un label unique, incroyablement unique. Il n'y a plus beaucoup de gens dans ce business qui sont comme Patrick. C'était un vrai voyou et je pense qu'il avait l'esprit que j'aime dans la musique rock. La plupart des labels sont devenus effroyablement corporatifs et je ne parle pas d'amusement dans le sens de la joie, du rire, du choc et de l'horreur, mais l'idée même du rock est de vivre une vie qui n'est pas celle d'un employé de banque. Avec tout le respect que je dois aux employés de banque, je suis sûr qu'ils ont de belles vies, mais il doit y avoir quelque chose d'amusant. Je veux dire, on ne vend pas des chaussures. Je ne veux pas surestimer l'importance de la musique, mais c'est une chose importante. Et je suis content qu'il y ait d'autres salauds dans le monde qui ne font pas de pubs pour Coca Cola, puisque c'est ce que le rock est plus ou moins devenu. Patrick était un homme d'affaires très droit, mais il a fait des choses un peu risquées, et j'aime ça.

Quand Brian James a quitté ou s'est fait virer des Damned, parce que les Saints et les Damned étaient un peu proches, et j'avais une petite amie à l'époque qui l'aimait bien et c'est comme ça qu'on s'est rencontrés. Avant qu'il ne devienne totalement alcoolique et incompétent, il traversait une phase très intéressante, car lui et moi aimions le rock and roll, ce qui n'était pas vraiment de rigueur à Londres au début des années 80. Nous sommes donc devenus des compagnons de beuverie, et je pense qu'il m'appréciait parce que j'étais membre d'un club ouvert toute la journée, car à cette époque les pubs fermaient l'après-midi. Et donc, grâce à notre goût mutuel pour les beuveries, j'ai fait le disque Out In The Jungle et je lui ai demandé s'il voulait participer à l'enregistrement. Il l'a fait et j'aime bien ce qu'il a fait, même si c'est le guitariste le plus bruyant que j'ai jamais entendu de toute ma vie dans un studio d'enregistrement
« Ghosts ships » (de A Little Madness To Be Free) a ouvert des portes, nous a donné accès via les radios pop à un public beaucoup plus large que le milieu de spécialistes dont nous n’étions jamais vraiment sortis. C’est le disque qui nous a remis sur les rails.
Je me souviens que j'écoutais beaucoup de Percy Grainger à l'époque, et il est possible que cela soit devenu un peu trop rustique. Mais c'était juste moi qui voulais faire du rock avec des instruments aux sonorités différentes. Le cliché est vrai que tout a déjà été fait dans le rock, et j'en suis conscient, mais mon contre-argument est le suivant : oui, tout a peut-être été fait, mais ça n'a pas été fait par MOI. Et je pense que je peux le faire avec un twist. Si vous jouez avec ce qui est essentiellement une forme d'expression assez simple et non intellectuelle, vous pouvez y insuffler des choses intéressantes.
Pour la tournée de A Little Madness To Be Free je venais de perdre un bassiste et Ed est revenu en jouant de la basse, et il l'a fait en pensant que nous pourrions peut-être aller plus loin. Mais tous les autres membres du groupe avait l’opinion que c'était un incroyable porc et ne le supportaient pas. Quelle que soit l'étincelle ou la magie qu'il y ait eu des années auparavant, je ne pense pas qu'elle se soit automatiquement transmise. Ed est trop exigeant en tant que personne.
En fait, s’il y a eu une rupture dans l’itinéraire des Saints, elle est à situer après les quatre ou cinq premiers albums, quand j’ai commencé à me sentir moins concerné par le show business. Pour les Saints, comme pour n’importe groupe pop, il y avait une solution qui consistait de décrocher le gros lot très vite, à avoir des hommes de loi, des comptes en banque garnis, et beaucoup de gens qui vivent sur ton dos, en enregistrant des disques qui rapportent.
Le problème c’est que ces disques sont, en termes de profit personnel, souvent beaucoup moins intéressants, J’ai donc préféré une autre voie, celle qui me permet de découvrir chaque jour un peu plus la petite panoplie d'outils dont je dispose. Pour cela, pour pouvoir rester un groupe qui ait les moyens d’explorer toutes les traditions musicales qui se présentent à lui, la solution que j’ai choisie, c’est la survie : faire en sorte que les Saints restent juste assez populaires pour garder les mains libres.



2 - SOLO :




1983 – Casablanca


Patrick Mathé et moi avions eu une grosse dispute après Out In The Jungle, il y a eu une période d'environ six mois pendant laquelle nous ne nous parlions plus. Et pendant cette période j’étais en tournée avec les Saints en Australie, il a sorti un tas de démos que je lui avais laissées, il les a sorti comme un véritable album..Il les avait trouvées bonnes. Mais je ne le savais pas, c’était au début de l’année. Un ami m’a appelé de Londres pour me dire : « Sais-tu que tu as un nouvel album sur le marché ? » Et j’ai dit : « De quoi parles-tu ? ». Bien sûr, j'étais très en colère, car on doit être consulté pour ce genre de choses. En fait, il s'agissait des démos de Out In The Jungle, l’album est intitulé Casablanca, qui, étrangement, est le nom de Out In The Jungle sur le pressage australien. Allez comprendre ça. Je ne trouve pas ce disque assez bon.



1984 - What We Did On Our Holidays


Oh cette horreur ! Une fois que Patrick et moi nous sommes embrassés et réconciliés, je me suis dit que Casablanca était une sorte de disque douteux. Autant en faire un autre. C'était en 83 ou 84, j'avais pris mon premier congé sabbatique des Saints, et je voyageais comme un troubadour. Je faisais le con, en gros. Pendant deux mois, j'ai enregistré toutes ces performances douteuses avec ce groupe rockabilly douteux de trois personnes. On faisait de très mauvaises reprises de soul, et c'est en gros ce que je faisais pendant mes vacances des Saints.

J'ai fait une émission de télévision en France, ce qui m'a vraiment surpris, c'est l'ambiance, dès que je suis entré sur la scène, et j'étais plus que quelque peu nerveux parce que je ne savais pas comment ça allait se passer, c'était 'Yay ! Yay ! "Et j'ai fait une de mes chansons, 'Amsterdam' (de Jacques Brel), et la réaction à cela était incroyable, je veux dire que c'est une chanson française.
Je commence à faire des apparitions solo. Il y avait deux raisons principales, l'une d'elles était l'ennui du groupe pop, et tout cet aspect de style de vie de boy-scout. Et l'autre était juste pour voir si je pouvais le faire. Parce que je ne pensais pas le faire plus de deux fois. Et aussi, c'était une sorte de rebuffade - et c'est un peu mesquin, et ce n'est pas une bonne raison - envers mes détracteurs. Mais je n’ai jamais pensé à faire une carrière en solo, j’ai toujours envisagé l’avenir avec les Saints.

(Merci d'avance pour vos commentaires !)

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