ROCK LIBRARY - MIKE LÉCUYER - EXPÉRIENCE BLUES & PRESSE ROCK EN FRANCE

1969 - DELTA AU GOLF DROUOT

C'est en recherchant des informations sur la presse musicale francaise que j'ai découvert le merveilleux site https://sites.google.com/view/mikelecuyer/ de Mike Lécuyer. Il y proposait en téléchargement l'émission "Rock & Presseque je vous conseille grandement. Ayant eu tellement de plaisir à l'écouter, je lui ai envoyé un mail de remerciement. Ce fut le départ de nos échanges qui, j'espère, continueront le plus longtemps possible. Voici le parcours d'un amoureux de la musique dans la France des années 60 jusqu'à nos jours. Conté à travers concerts, sessions d'enregistrement, journalisme, activisme musical et beaucoup de moments uniques...Quelle vie! Il sera séparé en plusieurs chapitre tellement Mike a touché à tout.

MUSIQUE

Comment es-tu entré dans le monde de la musique ?

J’ai un souvenir très précis du moment où ma vie a "basculé" ;-)

J’ai 11 ans en 1960, je suis en 6e et dans mes souvenirs tout est gris jusqu’au jour (ou plutôt le soir) où à la télévision apparaît Johnny Hallyday pour la première fois dans l’émission L’école Des Vedettes présentée par Aymée Mortimer et Line Renaud. Passons sur le fait qu’elles le présentent comme un américain (et qui chante sans accent)…  J’en lâche mes couverts (mes parents aussi), ce fut une véritable révélation pour moi. Enfin le monde passe en couleurs (bien que la télé soit encore en Noir et Blanc) C’est comme si je me réveillais enfin ! La séquence est visible sur Youtube et l’INA.

1960 - HELLO JOHNNY
Quelques temps plus tard je me fais offrir un tourne-disques et mon premier disque, le 25 cm Hello Johnny. Mais très vite je passe aux groupes comme Les Chaussettes Noires, Les Chats Sauvages, Les Vautours

En vacances les étés suivants chez mes grands-parents au Tréport j’organise des pseudo concerts dans le sous-sol où l’on mime les musiciens sur les disques que l’on passe. Evidemment je "fais" le chanteur.

Vers 13 ans je prends des cours de guitare à la mairie du 14e arrondissement de Paris mais c’était du classique et j’ai vite arrêté…

 

Comment as-tu découvert le rock et le blues ?

Il faut quand même se rendre compte que tous ces groupes de twist sont arrivés AVANT la vague des groupes anglais !

Grâce au magazine Disco Revue je connaissais un peu Elvis Presley, Gene Vincent et aussi Vince Taylor qui m’avait fasciné lui aussi à la télévision par sa prestance quasi féline, tout habillé de cuir noir.

Comme (presque) tous les jeunes au début des années 60 j’écoute Salut Les Copains sur Europe 1 en rentrant du lycée… et arrivent Les Beatles que l’on commence à entendre en France en 1963. Je sens bien qu’il se passe quelque chose sans être vraiment fan mais j’achète quand même le 45 tours She loves you (avec les titres traduits en français sur la pochette !) mais la véritable "claque" je la prends en allant au rayon disques du Bon Marché un samedi matin de 1964 : je suis attiré par la pochette d’un 33-tours : 5 mecs se tiennent de côté, la tête tournée vers l’objectif, sur fond noir. Ca ne rigole pas mais Il y a du mystère, de l’inconnu… et il n’y a même pas le nom du groupe sur le recto. Je retourne la pochette et au dos en énorme : The Rolling Stones. J’achète le disque sans l’écouter, je rentre chez moi et sans enlever mon manteau je pose le disque sur la platine et j’ai mon 2e choc musicial (oserais-je dire orgasme musical) !


1964 - THE ROLLING STONES
Je ne sais pas encore que les 3/4 des morceaux sont des reprises de blues mais voilà, c’est ça que j’aime vraiment. Et à partir de là c’est une déferlante, la british invasion, avec des nouveaux groupes toutes les semaines : Who, Pretty Things, Animals, Kinks, Them, Troggs… et aussi John Mayall (et ses guitaristes qui vont ou viennent), Yardbirds, Cream, Fleetwood Mac et là ça devient le British Blues…

En France il n’y a plus grand monde que j’écoute, à part les premiers disques de Dutronc, d’Antoine, de Nino Ferrer ou Polnareff et surtout Ronnie Bird (le look, le son, tout y est)… Et aussi Claude Nougaro qui m’impressionne pour sa faculté à faire swinguer les mots en français sur des musiques jazz.

Et puis les goûts se précisent : certains vont s’intéresser de plus en plus aux racines de la musique anglo-saxonne (Bob Dylan, Donovan), tandis que d’autres vont suivre une évolution plus sophistiquée ou psychédélique qui mène à Pink Floyd, King Crimson, Jefferson Airplane, Frank Zappa

Mais il y a un mec qui met tout le monde d’accord c’est Jimi Hendrix !

 

Comment pouvait-on découvrir le blues en France dans les années 60 /70 ?

Un peu par la radio mais surtout par la presse musicale et les disquaires. Et à partir de 1967 je vais tous les ans faire un tour en Angleterre par tous les moyens (avion, voiture, bateau, stop… l’euro-tunnel n’existe pas encore) depuis Dieppe ou Boulogne-sur-Mer ou Calais. Le soir tard parfois j’arrive à capter les radios anglaises mais ce n’est pas évident depuis Paris, par contre quand je vais chez mes grands-parents au Tréport la réception est impeccable.

Au Lycée on compare nos disques et des clans se forment et on commence à s’intéresser aux noms des compositeurs : Chuck Berry, Bo Diddley, Muddy Waters, Robert Johnson, Elmore James, Willy Dixon, Howlin’ Wolf, JB Lenoir… et chez les disquaires on découvre les enregistrements originaux de tous ces bluesmen afro-américains et c’est là qu’il faut "comprendre le génie" des groupes anglais de s’être réappropriés ces vieux blues. Un exemple à écouter (pour ceux qui ne connaitraient ni l’original ni la reprise) : Robert Johnson enregistre Cross Road blues en 1937 et  Cream (d’Eric Clapton), 30 ans plus tard, en propose une version torride Crossroads. C’est devenu un nouveau morceau, un nouveau style.

 

Peux-tu nous résumer ton parcours musical ?

Je suis resté dans le même Lycée (Lavoisier, Paris 6e) de la 6e à la Terminale, ça aide pour se créer de solides amitiés par la musique ou le foot et tout naturellement on commence à gratouiller la guitare. Après le faux-départ à la guitare classique, ma première expérience est à la batterie (j’en loue une à Pasdeloup qui était un magasin de musique très connu en haut du Bd Saint-Michel, près du jardin du Luxembourg) mais habitant au 6e sans ascenseur j’abandonne rapidement l’expérience. Ah ah !

Ensuite je revends ma collection de timbres et travaille l’été aux PTT pour me payer ma première guitare électrique.

En classe, Gérard se met à la batterie et Jean-Claude à la guitare et comme il est meilleur que moi, je passe à la basse, on se trouve un chanteur Hervé et, grâce à ma mère teinturière place Denfert-Rochereau, on répète chez les curés rue de la Tombe Issoire et on y donne notre premier concert en 1967… mais après l’été il faut libérer la pièce. Pas facile à Paris de trouver un local de répétition en 1967-68 ! Heureusement Gérard habite dans la Mairie du 14e, alors on aménage la cave de ses parents et Jacques (toujours du Lycée) se met à la basse et je deviens le chanteur. Premiers noms de groupes : Tough, Mick Mike Blues Band, Special Session et enfin Delta. Jacques nous présente Bernard qui commence à jouer de l’harmonica puis de la slide guitare. Notre répertoire est orienté british blues (John Mayall, Fleetwood Mac, Spencer Davis Group…) et Chicago Blues (Muddy Waters, Elmore James…). On fait quelques concerts (Tremplin Golf Drouot, Salle Wagram, soirées privées…) et puis après le bac on commence à s’éparpiller. Certains continuent leurs études, moi j’arrête car rien ne m’intéresse vraiment dans les parcours "classiques". Mai 68 est passé par là (et on était aux premières loges en haut du Quartier Latin)… alors à l’automne je deviens Disc Jockey dans un club, Le Tripot, près de l’Avenue de l’Opéra.

POP 2000 NUMÉRO 6 DE JUIN 72
En 1969, avec un ami musicien germe l’idée d’ouvrir un magasin d’instruments de musique mais il faut de l’argent, alors, glurp, je rentre comme employé de banque à la Société Générale ! Mais bosser en costume-cravate je ne tiens qu’une année… et l’idée du magasin est abandonnée car un nouveau projet me tient à cœur : créer une revue pour défendre les groupes français (NDLR : Pop 2000, voir le chapitre PRESSE)… Ma participation à diverses revues musicales s’arrête quand paraît mon premier 45-tours sous le nom de Mike & Sa Clique.

 

Tu as été signé par le label Crypto, pourrais-tu nous en parler ?

Depuis le lycée  j’ai toujours composé des "petites" chansons sur un mini-cassette (elles doivent être dans un carton quelque part) et en 1973 j’ai un premier essai plus pro avec Larry Martin (musicien et producteur) : on enregistre une composition "Cours petit cours" au studio Philips pour le groupe Virus (de Roubaix) mais le projet n’aboutit pas.

En 1975, avec Bernard Zuang (le "fameux" Bernard du lycée) on achète chacun un magnétophone Revox à la Fnac Montparnasse puis un Teac 4 pistes, puis une boîte à rythmes, puis une chambre d’écho, puis une basse, puis des percussions et tout ce qu’il faut pour enregistrer nos propres compositions (je crois que le mot "home-studio" n’existait pas encore).

En 1976, je commence à démarcher les maisons de disques et maisons d’édition, non pas comme chanteur mais pour essayer de "placer" nos compositions. Une accroche se fait chez Philips pour Jacky (l’animateur) avec Frankenstein Boogie mais ça ne va pas plus loin.

Ensuite il y a le texte Frustration Blues de Claire Brétécher que je mets en musique et Christian Décamps (groupe Ange) qui est devenu un ami depuis l’époque du journal Pop 2000 me dit qu’il aurait bien envie de me produire en tant que chanteur. Il fait donc écouter mes maquettes à Jean-Claude Pognant (manager et directeur du label) et au reste du groupe. Et c’est ainsi que je signe mon premier contrat d’enregistrement avec Crypto (j’ai appris bien plus tard que j’avais été en "compétition" avec Hubert-Félix Thiéfaine pour ce contrat !).

J’ai passé quelques jours chez Christian Décamps pour signer mon contrat, assister à des répétions d’Ange et visiter les caves des musiciens… avec alambic bien sûr !

De retour à Paris, Claire Brétecher finalement ne me donne plus l’autorisation d’enregistrer son texte.

1977 - PREMIER 45-TOURS
Alors ce sera Des vacances / Frankenstein Boogie mon premier 45-tours sous le nom de Mike & Sa Clique avec Bernard Zuang à la guitare et à la basse et Gérald Coulondre (Rock N Roller) à la batterie. Produit par Christian Décamps nous partons à Angers pour "tester" un nouveau studio d’enregistrement le Studio 20 (16 pistes) que vient de créer Richard Loury. Le disque sort en avril 1977 et passe un peu en radio (FIP, RTL avec Jean-Bernard Hébey, etc…).

Ensuite sous le nom Mike Lécuyer, j’enregistre le 33-tours A 7 plombes du mat’ blues avec 3 super guitaristes : Bernard Zuang (toujours), Lionel Raynal (Rock N Roller) et Mauro Serri qui m’est présenté par Daniel Perraud (directeur du magazine Rock N Roll Musique). 2 titres passent en radio : Ou est donc le bon vieux temps ? (Adaptation française de Where have all the good times gone des Kinks) et surtout Gare du Nord à 7 plombes du mat’ blues grâce à un super travail de l’attaché de presse Patrice Moisy. Je suis même « Espoir de l’été 1978 » sur RTL mais les tensions entre le label Crypto et le distributeur RCA font que les deux titres ne sortent pas en  45-tours et à l’époque c’était nécessaire pour avoir de la promo.

1978 - A 7 PLOMBES DU MAT'BLUES
Christian pense que peut-être Philips (la maison de disque d’Ange) serait plus à même de s’occuper de moi. C’est vrai que chez Crypto ils avaient du mal à me « caser » dans les concerts, à part les festivals Crypto à Belfort et à Paris.

Je romps donc mon contrat chez Crypto et je signe chez Philips en auto-production (BAP Productions) fin 1978. On retourne non pas à Angers mais à Pruillé (20 km d’Angers) où Richard Loury a déménagé son studio qui passe en 24 pistes (Alain Bashung et Ange, entre autres, y enregistreront ensuite leurs albums respectifs Roulette Russe et Guet-Apens).

1979 - PARTIE LIBRE
L’album Partie libre paraît en avril 1979 et je fonde de grands espoirs sur Dépression nerveuse (composé avec Mauro Serri + section de cuivres arrangée par Jacques Migaud) et Montparnasse (composé avec Bernard Zuang) mais les quelques passages radios ne suffisent pas à rassurer Phonogram, idem pour Alain Bashung. Convocation au siège Bd de l’hôpital (Paris 13e) à l’automne et l’ultimatum tombe : vous avez un mois pour proposer un nouveau morceau plus « accrocheur » sinon… Voyage éclair au Studio 20 et je reviens avec Mister JJ Cale… et je suis remercié. Alain Bashung décroche le gros lot avec Gaby oh Gaby.

 

Et ensuite ?

Aux débuts des années 80 je tente divers projets sans plus de succès :

Un projet "sixties" (des adaptations) qui intéresse Thomas Noton (ex-Fantômes et qui bosse chez Polydor. 2 titres démos enregistrés dans leur studio) et Dominique Blanc-Francard (célèbre ingénieur du son).

Un projet avec Thierry Vincent (producteur. ex-chanteur) et le studio de Vincent Chambraud (ex-Apocalypse) dans les Yvelines.

Dernière tentative avec Yves Phélut qui avait déjà composé avec moi et avec Mauro Serri. Avec Bernard Zuang, nous lui faisons enregistrer une dizaine de maquettes. Sans plus de succès auprès des maisons de disques…

Je perds la foi... et me passionne pour le Macintosh et la PAO (Publication Assistée par Ordinateur) chez Hachette.

Je fais donc un break "musical" jusqu’au mileu des années 90 où le multimédia démarre avec le premier dictionnaire puis la 1ère encyclopédie en français sur CD-ROM. Je participe à des enregistrements de comédiens, des montages vidéos ou animations… et puis en 1997-98 je crée mon premier site internet, Bleu Blanc Blues, puis La Chaîne du Blues et je renoue le contact avec plein de musiciens… Tous cela me donne envie de refaire de la musique ! Je recommence avec quelques jeunes voisins pour des Fêtes de la Musique, puis les soirées de La Chaîne du blues et en 2008 le Festival Blues sur Seine (dont je suis le coordinateur-présentateur du Tremplin) me commande une chanson pour les 10 ans du festival et  Brennus Music me propose de publier une compilation de mes vinyles.

2008 - 19 777 789
Ce cd compilation 19 777 789 (devinez la signification) reçoit un bon accueil des médias spécialisés et me donne l'opportunité de me produire en France et au Québec...

Avec l’aide du FestiBlues de Montréal et du Festival Blues sur Seine  je vais jouer plusieurs fois au Québec dans des clubs et des festivals. Mon plus grand souvenir : chanter devant 20 000 personnes, ça n’arrive pas tous les jours !

Retrouvant régulièrement à Montréal un de mes anciens musiciens, c'est ainsi que nait en 2010 le projet d'un vrai nouveau disque qui se présente en deux parties : L'une enregistrée au Québec avec Claude Dornier et l'autre en France avec Bernard Zuang (+ quelques invités québecois et français). Ce CD paraît en 2011...

2011 - DE MONTPARNASSE À MONTRÉAL
Je quitte la région parisienne en 2011 pour la Nouvelle Aquitaine et j’enregistre chez moi 2 autres albums L’heure bleue et 5 avec mes fidèles amis franciliens, Bernard Zuang et Stringers in the Night (Gérard Chaumarel et Arnaud Vandevoorde) ainsi que du côté de Bordeaux l’harmoniciste Jacques Gallissaires et le guitariste Matt Wanderscheid.

Quelques autres bons souvenirs de concerts : Cahors Blues Festival, Grésiblues Festival, La Bonneville Du Blues, Vélizy, Nogent le Rotrou, Bordeaux, Arles…

Les concerts se faisant de plus en plus rares depuis quelques temps (pandémie, diminution des lieux…) j’ai décidé d’arrêter en 2020. Place aux jeunes ;-)

 

2013 - L'HEURE BLEUE
Tu as repris les Kinks en français en 1978 avec "Où est donc le bon vieux temps ? " (adaptation du "Where have all the good times gone"), comment a été fait le morceau et pourquoi l'avoir repris ?

J’avais adoré  l’album Pinups de David Bowie publié en 1973 et qui ne comprend que des reprises des Pretty Things, Who et autres Kinks avec Where have all the good times gone.  Et quand j’ai commencé à travailler avec Lionel Raynal (Rock ’n’ Roller, Reverend Blues Gang), j’ai réécouté ce disque… et aussi l’original de 1965 et le texte en français m’est venu comme une évidence : un hommage à tous ces groupes des sixties.

Peux-tu nous raconter tes premiers concerts (Golf Drouot, Festival de Belfort avec toute l'écurie Crypto dont Little Bob Story, Ganafoul, ...) ?

Mon premier vrai concert c’est chez les curés en 1966-67 ! Je joue alors de la basse et je tremble tellement qu’il faut que je mette ma main droite sur ma main gauche pour qu’elle touche les cordes… et puis quand faut y aller… On a dû jouer une dizaine de morceaux grand maximum (des reprises des Stones, Spencer Davis Group, etc).

Fin des années 60 je suis passé au chant et c’est avec le groupe Delta que le niveau s’améliore. On joue au Golf Drouot, Salle Wagram, etc… on était branché blues à fond (même si j’écoutais de tout).

2017 - 5
Ensuite je crée mes revues musicales et je ne reprend les concerts (à part quelques boeufs) qu’après avoir signé chez Crypto, avec Mauro Serri à la guitare c’était "royal" mais on n’en a malheureusement pas fait beaucoup. Le festival de Belfort c’était sympa mais un peu bordélique et un film a été tourné mais les pellicules ont été perdues semble-t-il. Par contre la semaine Crypto à L’Espace Cardin à Paris, c’était vraiment chouette. J’ai joué en première partie de Mona Lisa. A Nancy un super concert sur le papier au Palais des Sports mais à l’arrivée (sous la neige), pas de pub, personne dans la salle… la galère complète et évidemment pas payé. Les aléas de l’époque où les organisateurs étaient plus ou moins amateurs, voire escrocs.

 

Comment se passaient les emissions radios (FIP, Patrice Blanc-Francard sur France Inter, Jean Loup Lafont sur Europe 1, Jean-Bernard Hébey sur RTL, ...) ?

Tu ne peux pas imaginer l’effet que ça fait de s’entendre à la radio les premières fois. C’est vraiment intense. La toute première fois c’était sur FIP en 1977 pour mon premier 45-tours, j’étais en voiture, il a fallu que je m’arrête ! Mais je ne savais pas à l’avance sauf éviemment pour les émissions en public comme Jean-Loup Lafont sur Europe 1, le Hit-Parade d’André Torrent sur RTL ou Michel Denisot sur Radio Monte-Carlo. Tout le monde chantait en play-back mais c’était sympa. Ensuite vers 1982-83 j’ai été invité plusieurs fois sur Radio 7 (de Radio France) sans que j’ai réellement d’actualités musicales.

Raconte-nous un peu la création de ton label BAP Productions ainsi que Bluesiac ? Est-ce-que ces aventures sont comparables ?

BAP c’est Belfort-Angers-Paris pour Christian Décamps-Richard Loury-Mike Lécuyer. Cette structure a été créé quand Philips m’a signé en aut-production en 1979. Nous n’avons enregistré qu’un seul album, Partie Libre.

Bluesiac c’est avec Alain Ricard de Brennus Music. Je voulais profiter de la sortie du CD "19 777 879" pour aller plus loin dans le projet : créer un label dédié aux artistes chantant le blues en français. Bluesiac était né. Une vingtaine de disques sont parus. Voir www.bluesiac.com.

 

MAXI POP NUMÉRO 2 DE JUILLET 72
As-tu des souvenirs de Jimi Hendrix à l’Olympia ? Quels furent tes meilleurs concerts vus et pourquoi ?

En 1967, mes deux premiers concerts à l’Olympia, ce sont Les Rolling Stones (avec Brian Jones), déjà un sacré souvenir et ensuite, Jimi Hendrix Experience, quelle claque. Avec mes potes de Delta on est restés bouche-bée (comme toute la salle) et sans voix à la sortie. En plus le métro était fermé donc traversée de Paris à pieds pour rentrer à Montparnasse et le lendemain matin à 8 h, interrogation surprise en classe de chimie : Lécuyer au tableau ! J’ai eu un beau zéro !

A Paris j’ai vu Cream, Fleetwood Mac, T-Bone Walker, Memphis Slim et j’allais souvent au Golf Drouot. En Angleterre en 1970 j’ai vu Son House et tout un tas de groupes au Festival de Bath : Pink Floyd (avec un orchestre symphonique), John Mayall avec Peter Green, Jefferson Airplane, etc…

Ensuite évidemment j’ai vu beaucoup de concerts dans ma période "rock-critic" entre 1972 et 1977 et gratuitement en plus. :

Ange avec le Johnny Circus : C’était vraiment leur grand début, vu au départ à Chantilly et après 3 mois de tournée (un peu cahotique) ils avaient acquis un réel professionnalisme et une belle présence sur scène.

Les Who à la Fête de l’Huma (en coulisses Roger Daltrey qui me demande une cigarette mais mes gauloises étaient un peu fortes pour lui, j’ai cru qu’il allait s’étouffer), un super show malheureusement écourté par une panne générale des générateurs due au mauvais temps.

A l’Olympia : T. Rex, Roxy Music, Wings-Paul Mc Cartney, James Brown, Muddy Waters, Genesis, ce n’était pas trop mon truc mais j’ai été bluffé par la mise en scène (les masques de Peter Gabriel) et la qualité des musiciens…

Ike et Tina Turner, un chaud torride au Théâtre du Chatelet, et la veille diner chez Maxim’s où je me retrouve à côté de Tina. How are you my name is Tina… heu yes Mike for Pop 2000 and Maxipop…

Au gymnase de St Ouen (acoustique pourrie) : Joe Cocker (comme possédé par la musique), Led Zeppelin (avec un énorme gong), Emerson, Lake and Palmer (Keith Emerson qui lance des couteaux sur un ampli)…

Et encore Jeff Beck, Maggie Bell, John Mayall, Greatful Dead, Eric Burdon, Robert Charlebois, Alan Stivell, Nino Ferrer…

En Angleterre : BB King, Ten Years After, Electric Light Orchestra, Hawkwind, Vinegar Joe, Status Quo, Silverhead (Michael Des Barres. On a passé une partie de la nuit à parler de l’influence des astres sur la musique !), Festival Rock n Roll au stade de Wembley : Bo Diddley, Little Richard, Jerry Lee Lewis, Bill Haley, Chuck Berry (il y a un film sur youtube je crois)…

A Zurich : Steppenwolf et Procol Harum

et j’en oublie forcément ! Côté français j’ai vu la plupart des groupes de l’époque : Dynastie Crisis (avec ou sans Polnareff), Ange, Martin Circus, Il était une fois, Catharsis, Total Issue, Variations, Daydé, Magma, Zoo, Papoose, Larry Martin Factory, Tac Poum Système, Voyage et un peu plus tard Little Bob Story, Bijou, Rock ’n’ Roller, Ganafoul, Téléphone, Stinky Toys, et aussi Yves Simon, Jacques Higelin et même Georges Brassens

Dans les année 1980-90 : The Allman Brothers Band, Bob Dylan, Neil Young, Bruce Springsteen, Rory Gallagher, Johnny Winter, Stevie Ray Vaughan, John Lee Hooker, JJ Cale, Eddy Mitchell, Michel Jonasz, Renaud, Bill Deraime

Et enfin par mal d’artistes avec le festival Blues sur Seine à partir de 2000 : Popa Chubby, Eric Bibb, Pura Fé, Harry Manx, Johnny Clegg (un grand moment), Mighty Mo Rodgers, Maceo Parker, Zacharie Richard, Salif Keita, Lucky Petterson, Dee Dee Bridgewaters, Rhoda Scott, Ana Popovic, Madeleine Peyroux,  Bob Brozman, Magic Slim, Arno, Higelin, Dick Annegarn, Greg Zlap, Nina Van Horn, Paul Personne, Patrick Verbeke, Benoît Blue Boy, Bill Deraime, Jean-Jacques Milteau, et des tas de groupes français, italiens, belges, suisses, québecois, allemands, espagnols, italiens, danois  et même hongrois et russes, ainsi que quelques reformations plus ou moins éphémères :  Ten Years After, The Yardbirds, The Animals, Zoo !

 

Tu as rencontré Son House à Londres en 1970, peux-tu nous en dire plus ? Quelles furent tes meilleures rencontres ?

J’étais partie à Londres prendre quelques contacts avec des des maisons de disques dont Blue Horizon. Sans rendez-vous j’ai été reçu très simplement par le staff et après avoir récupéré quelques superbes posters des artistes du label je m’apprêtais à partir quand Mike Vernon, le boss du label, me présente un black assis sur une chaise : Son House qui était en tournée en Angleterre ! Quand tu sais que ce bluesman a cotoyé Robert Johnson tu comprends que tu es devant un témoin de l’histoire musicale afro-américaine. Je suis donc resté a discuter un peu avec lui mais ce n’était pas facile car j’avais du mal à le comprendre (mon anglais scolaire et son accent du sud des Etats-Unis). Je suis quand même reparti avec un poster dédicacé et le soir je l’ai vu dans un collège chanter ses blues sans fioritures accompagné de sa guitare sur laquelle il faisait glisser un simple couteau de cuisine ! Je me suis toujours demandé ce qu’il pouvait bien penser de tous ces blanc-becs qui venaient le voir… et vice-versa.

 

1970 - DÉDICACE DE SON HOUSE POUR MIKE

Tu as croisé dans ta vie le célèbre ingénieur du son Dominique Blanc-Francard, pourrais-tu nous dire plus ?

Je l’ai interviewé en 1973 au Château d’Hérouville pour la sortie de son 33-tours Ailleurs puis revu plusieurs fois au Studio Aquarius (Paris 15e) et enfin pour mon projet d’album d’adaptations sixties. Il était partant pour l’enregistrer mais le projet n’a pas abouti (j’ai une démo de Un idiot (I need you des Kinks) et Gloria (Gloria des Them) enregistrée chez Polydor pour Thomas Notton (un ancien des Fantômes). Chez moi j’ai enregistré L’araignée et la mouche (The spider and the fly des Stones) et  Elle Swingue (Wild Things des Troggs).

 

Lors de recherches pour notre entretien avec Alain Jacquin, nous avons découvert que certains groupes de rock francais préféraient chanter en anglais qu’en francais. En comparant certains titres, il était possible de remarquer que le rock passait mieux dans la langue de Shakespeare. Qu’en penses-tu et pourrais-tu nous répondre également pour la musique blues ?

C’est une question que l’on me pose régulièrement depuis une vingtaine d’années. Dans les années 70 la grande majorité des groupes chantait en français.

Maintenant c’est l’inverse et je le regrette car si le SON est important, le SENS aussi, et en anglais peu de personnes en France sont capables de comprendre vraiment ce qui est chanté en anglais. On perd donc une bonne partie de la substance du morceau.

Pour le blues c’est pareil, les Bill Deraime, Benoît Blue Boy, Patrick Verbeke, Paul Personne du XXe siècle n’ont pas eu de "successeurs" notoires en français. Au début des années 2000 Il y avait pourtant de grands espoirs avec Fred Chapellier, Marvellous Pig Noise, Xavier Pillac, Pat Boudot Lamot, etc, mais les "grands" médias n’ont pas suivis. Maintenant ils chantent en anglais ou ont arrêté. C’est vraiment dommage car leurs textes sonnaient vraiment bien en français. Ecoutez leurs disques de cette époque, ça vaut le coup. Et les artistes Bluesiac bien sûr ;-)

Et c’est tellement plus facile en anglais, n’importe quoi sonne, alors qu’en français il faut les deux : le son et le sens… mais quand c’est réussi ça te touche encore plus fort.

Par contre je n’aime pas trop les disques qui mèlent les titres en anglais et en français car je n’écoute pas du tout de la même façon les deux univers, c’est comme si j’écoutais deux groupes différents. Manu Lanvin par exemple n’a pas encore "tranché".

 

PRESSE

 

Parlons de « POP 2000 », quels sont les plus grands moments de ce magazine et quelle fut sa genèse ? Pourquoi était-il consacré en majeure partie au rock français?

Je lis la presse musicale depuis 1963 (Disco Revue, Salut Les Copains au début, Les Rockers, Rock & Folk, Best, Extra…) et de temps en temps au Drugstore Saint-Germain j’achète le Melody Maker ou le New Musical Express que j’avais découvert lors de mes voyages en Angleterre à partir de 1966-67… puis en 1969 je m’abonne directement au magazine américain Rolling Stone car on ne le trouvait pas régulièrement en France.

Après avoir lu un article sur les groupes hongrois je leur envoie une lettre-article sur les groupes français. Et il la publie ! C’est en quelque sorte mon premier "article" !

POP 2000 NUMÉRO 14 DE FÉVRIER 73
Et un nouveau projet se concrétise avec la rencontre de Jacques Barbier, ancien manager de groupes dans le Nord : C’est l’explosion des groupes français de "pop music" et on avait vraiment envie de s’investir dans ce mouvement, alors pourquoi pas un journal entièrement dédié à les promouvoir ! C’est ainsi que nait Pop 2000 (sous-titré "Le journal de la pop française") fin 1971(premier numéro daté janvier 1972) dans le petit appartement de Jacques et de sa compagne Chantal. La maquette des premiers numéros n’est pas terrible car on apprend tout par nous-même avec cutter, colle, règle et une machine à écrire électrique IBM "à boules" (le Macintosh et la PAO n’existent pas encore). Heureusement l’équipe se professionalise avec les arrivées de Jacques Leblanc et Alain Lemaire (ex Best qui reviennent de l’armée), Roger Habert et Philippe Frin (photographes) et quelques correspondants en régions et  en Belgique. Distribué par les NMPP, on a commencé par des tirages à 15 000 exemplaires pour finir à 33 000… mais on n’a jamais su exactement combien on en vendait (jusqu’au jour où les NMPP nous ont envoyé la facture pour stockage des invendus !).

Au printemps 1972 l’hebdo Pop Music s’arrête et le patron du Tripot où j’avais bossé comme Disc-Jockey) me présente à l’imprimeur qui veut relancer l’hebdo sous une nouvelle formule. On accepte et c’est la naissance de Maxi Pop dont le premier numéro sort fin juin 1972.

Un mensuel et un hebdo, on ne chôme pas et c’est l’euphorie jusqu’en mars 1973 où le fameux "choc pétrolier" fait doubler le prix des matières premières… et le papier ! L’éditeur de Maxi Pop décide d’arrêter. Moi je fais l’erreur de vouloir continuer Pop 2000 et je mets 3 mois à comprendre que je vais à la catastrophe : Tribunal de commerce, Cessation de paiement, faillitte et tout ce qui s’en suit comme problèmes financiers car je n’avais pas fait de société dans les règles.

Comment a été créé « Rock N Roll Musique » ?

En 1976 je fais la connaissance de Daniel Perraud qui lance le mensuel Rock N Roll Musique en janvier 1977. J’en ai été le rédacteur en chef pendant quelques numéros tout comme Daniel Lesueur ou Patrice Moisy… juste avant que mon premier disque ne sorte.

Ensuite je fais quelques piges pour Gold, Watts Magazine, Tout l’Univers… et le tout dernier en 2015 pour Jukebox Magazine n°338 sur l’histoire du label Crypto.

 

Vous écrivez des articles sur les MC5, Flaming Groovies, Ike & Tina Turner, les Who et tellement d’autres artistes intéressants. Comment êtes-vous entré en contact avec eux ?

Pour les artistes étrangers, principalement par le biais des maisons de disques. En France, les labels bien sûr mais aussi les managers et les musiciens directement. On se croise à des concerts, des clubs (Golf Drouot, Gibus…) et des liens se tissent…

Est-ce-que les labels vous envoyaient leurs disques, d’où venaient vos informations ?

Il a suffit que l’on se présente soit à leur adresse, soit par téléphone pour que les maisons de disques acceptent tout de suite de nous envoyer des disques. Les attachés de presse jouaient bien leur rôle: disques, infos, prévisions. La presse musicale étrangère aussi.

Dans ce monde d’internet, on a du mal à s’imaginer comment tout cela était réalisable…

C’était notre quotidien : quelques radios grandes ondes, pas de radios FM, une puis deux chaînes de télé, pas de téléphone fixe illimité, encore moins de mobile, pas d’internet. On se démerdait comme les autres pour tisser nos propres réseaux avec aussi quelques correspondants en régions et en Belgique.

Rock N Roll Musique a beaucoup plus traité le punk rock avec ses couvertures des Sex Pistols ou autres articles sur le festival de Mont De Marsan, Damned etc… Avais-tu le même plaisir que pour POP 2000 ? Étiez-vous libre de publier ce que vous désiriez ? Qu'as-tu pensé de la musique punk à l'époque et puis plus tard, après du recul ?

C’est la période qui voulait ça et surtout Daniel Perraud. J’étais un peu en décalage et en fait je préparais mes propres compositions. Mais le punk, j’applaudissais le fait que ça remettait en questions la musique qui devenait de plus en plus "intellectuelle" et qui perdait son énergie originelle pour se perdre dans de la musique pour musiciens. Ca a eu un côté très positif pour ça mais je ne peux pas dire que j’en écoutais vraiment.

Tu as également participé à quelques livres sur la musique, lesquels et qu'a été ta contribution et surtout pourquoi avais-tu envie d'y particper ?

Quand un auteur te contacte pour te demander des infos sur tes archives presse ça ne peut que te réjouir. Et ça me permet d’aérer un peu mes cartons et mes revues et de faire un peu revivre tout ça.

J’ai toujours aimé partager mes passions et mettre en relation amateurs et professionnels, donc sans trop me poser de questions sur la faisabilité ou la rentabilité : créer une revue, aider des nouveaux talents au Tremplin Blues sur Seine, organiser des soirées Chaîne du Blues, enregistrer des émissions de radio, créer des sites internet et ouvrir mes archives…

Pour revenir à ta question, j’ai fourni des docs et des infos à Jean-William Thoury pour 40 ANS DE MUSIQUES AU GIBUS, à Christian-Louis Eclimont pour ROCK’O’RICO, 25 ANS DE CULTURE ROCK EN FRANCE, etc, et enfin à Grégory VIEAU pour UNE HISTOIRE DE LA PRESSE ROCK EN FRANCE (2021, éditions Le Mot Et Le Reste) que je conseille vivement… et j’y ai appris plein de choses !

Même si je n’y ai pas participé je conseille aussi GENERATION ROCK & FOLK de Christophe Quillien et GOLF DROUOT, 25 ANS DE ROCK EN FRANCE de Bertand Dicale. Et il y en a plein d’autres intéressants pour tous les goûts et tous les styles !

 

INTERNET

 

ROCK'N'ROLL MUSIQUE 8 D'OCTOBRE 77

Qu’est-ce-que le site Bleu Blanc Blues ? Peux-tu nous expliquer le principe de « La Chaîne du Blues » et comment tu as regroupé les sites francophones de blues ?

En 1997 je découvre un logiciel qui permet de créer assez facilement son site "perso", un samedi matin je m’installe devant mon Mac pour suivre le tutoriel et l’après-midi je me dis "bon ben maintenant qu’est-ce que j’en fais ?" et c’est comme ça qu’est né mon premier site BLEU BLANC BLUES sur lequel j’ai commencé à répertorier les disques ou les morceaux d’artistes français pouvant s’apparenter au style blues, ensuite j’ai commencé des e-nterviews, puis des chroniques de disques, etc… le site existe toujours mais n’est plus mis à jour depuis une dizaine d’années.

Dans la foulée je crée le site WEB 2000 (clin d’oeil à POP 2000) pour mes archives presse.

En 1998 je commence à échanger quelques courriels avec d’autres fans de blues qui eux aussi sont en train de créer leur site perso. Par hasard je découvre sur internet une petite webring sur des sites branchés punk. Je contacte le webmaster pour qu’il me duplique son système. LA CHAINE DU BLUES naît ainsi fin 1998. J’espérais atteindre 50 membres en un an mais c’est arrivé en un mois ! Très vite le système originel a "explosé" et c’est un collègue de chez Hachette qui m’a créé une nouvelle version plus viable. On avait aussi une mailing list très dynamique qui a permis des contacts entre musiciens et tourneurs, entre festivals, et en Belgique, suisse et Québec. Les réseaux sociaux n’existaient pas encore. La encore l’évolution a fait que cette chaîne n’est pratiquement plus utilisée mais je peux dire que pendant une dizaine d’années ce fut le principal outil d’échanges entre fans de blues et ça m’a permis de renouer le contact avec des amis et des musiciens que j’avais perdu de vue. C’était génial. Et il y a eu aussi des soirées Chaîne du Blues avec plein de rencontres et de jams entre anciens jeunes, entre amateurs et pros.

J’ai créé aussi un site pour les Tremplins Blues sur Seine, un site pour le label Bluesiac, un site pour mes émissions de radios… et j’ai tout regroupé sous le nom blues.fr pour simplifier les recherches des internautes.

En 2012, je suis invité à l’International Blues Challenge de Memphis (Etats-Unis) pour faire partie du jury et recevoir un Award "Keeping the blues alive" remis par la Blues Foundation pour mes actions envers la promotion du blues en France.

Avec le succès grandissant des réseaux sociaux (j’ai horreur de ce terme) et à la demande de nombreux membres de la chaîne je crée le groupe facebook LCDB en 2014 mais ce n’est plus pareil.

J’ai aussi créé un second groupe facebook sur la "Presse, BD, Livres (et Films) sur la Musique".

 

ROCK'N'ROLL MUSIQUE 3 DE MARS 77
Tu as également travaillé pour des webradios  (W3 Bluesradio, RCDB (La radio de La Chaîne Du Blues), Blues Café Radio), quelles furent les grands moments dont tu te rappelles ?

Mes premières expériences radiophoniques se déroulent à la grande époque des radios "libres" vers 1982 : en region parisienne avec Activ’FM et surtout près de Boulogne-sur-Mer avec Radio Equinoxe. Après avoir assuré la première semaine d’antenne sur place, j’envoyais ensuite chaque semaine une bande magnétique avec mon émission "Dites 33" (où je présentais deux nouveautés et un ancien 33-tours). Encore un temps préhistorique qui ne connaissait pas les serveurs internet ni les fichiers mp3 mais j’adorais ça, malheureusement après un an d’existence les locaux ont été cambriolés et tout le matériel envolé. Fin de la radio !

En 2004, je fais la connaissance du musicien Phil Bonin qui veut créer la web radio W3 BLUESRADIO. Je ne laisse pas passer l’occasion et mon émission Blues Fr (le blues de France, Québec, Suisse et Belgique) va durer 8 ans, sans oublier la première diffusion de Rock & Presse en 8 émissions avec Jean-Louis Lamaison et Jean-William Thoury pour les premiers épisodes.

A la disparition de cette radio je crée RCDB (La radio de La Chaîne Du Blues) en 2016, hébergé par Radionomy. Mais le taux d’audience est très faible et tout seul je commence à me lasser. Au moment où je décide d’arrêter, Cédric Vernet et Francis Rateau qui animent le Blues Café Live à l’Ile d’Abeau (émission mensuelle en public) me proposent de mettre nos passions en commun. BLUES CAFE RADIO est lancée en 2018 avec un site internet et un nouveau groupe facebook piloté par Cédric. Moi je m’occupe de la grille des programmes et de mes deux émissions Blues Covers et Blues Fr plus des petites séquences Cool (jazz-blues à minuit) et Sixties. Il y a de plus en plus d’auditeurs et d’émissions pour un spectre musical très large (mais toujours avec une base blues). Jetez une oreille sur www.bluescaferadio.com.

 

En 2007-08, tu as créé l’émission « Rock & Presse », comment t’en est-il venu l’idée et pourquoi cette passion pour la presse musicale ?

Quand Jean-William Thoury est venu voir mes archives dans l’Essonne (pour le livre sur les 40 ans du Gibus), on a parlé de Bijou et de Jean-Louis Lamaison qui habitaient à l’époque dans le coin. C’est comme ça que j’ai eu envie d’enregistrer la série "Rock & Presse" avec eux deux et merci à Paul Semama de nous avoir enregistrés dans son studio pour les premiers épisodes.

 

MAXIPOP 24 DE FÉVRIER 73
Tu as pu assister à l’évolution des techniques d’enregistrement tout au long de ta carrière, tu es aussi très intéressé par la technique. Pourrais-tu nous dire ton point de vue sur son évolution ou régression ? 

Ca m’intéresse mais pour des questions de facilité : je trouvais cela bien pratique d’acheter un magnéto 2 pistes puis 4 pistes pour enregistrer mes maquettes et de pouvoir les retoucher, recommencer, bidouiller.

Ensuite l’arrivée du Mac a bouleversé les métiers de la presse et de l’édition (que j’ai bien connu mais malheureusement c’était après mes revues) et de la musique en permettant l’enregistrement sur disque dur et d’une qualité suffisante pour les auto-productions. Certains musiciens ne veulent pas en entendre parler, la technique les barbe mais je n’aurais jamais pu enregistrer de nouveaux disques si le home-studio n’avait pas existé. C’est du boulot mais je trouvais cela passionnant, tout en n’étant pas du un pro de la technique, mais on n’a pas les contraintes du studio professionnel qui voit l’horloge tourner. Chez moi je disposais de mon temps comme je voulais, bon des fois j’en "chiais" un peu mais j’arrivais toujours à un résultat correct même si ça ne vaut pas le son d’un "vrai" studio, surtout les micros.

Ce fut une nouvelle révolution car je pense que la moitié (et peut-être plus) des auto-productions n’aurait jamais vu le jour s’il n’y avait pas les home-studios. Les mauvaises langues diront que la profusion de CD n’est pas une si bonne chose, peut-être, mais c’est bien compréhensif pour un musicien d’avoir envie d’enregistrer son propre disque, même si les ventes sont faibles c’est sa carte de visite surtout pour trouver des concerts.

Quelques mots également sur Daniel Lesueur et sa collection de disques bootlegs... Quel est ton rapport à ce type de disques ?

Ah Daniel, je le connais depuis le milieu des années 1970, on était toute une bande à se retrouver chez lui pour écouter et parler musique (c’est d’ailleurs chez lui que j’ai rencontré ma future femme). Il a été le premier à importer des disques pirates en France. Sur ses 20 000 disques il n’en a gardé qu’une centaine. Il y a un moment où il "faut" faire du rangement. Je fais d’ailleurs de même avec mes archives.

J’ai quelques bootlegs mais pas plus que ça car c’étaient souvent des concerts pas très bien enregistrés, genre mini-cassettes, mais ça peut être intéressant pour le côté historique.

Je lui envoie un mail pendant que je réponds à l’interview et voici sa réponse :

"j'ai été le premier Français à faire ça sans me cacher car je considérais que c'était d'un intérêt artistique qui dépassait les risques que je prenais. J'ai arrêté après ma première convocation chez les flics ! Je pensais ma "carrière" (!) teminée lorsqu'un certain Mike Lécuyer m'a dit "Bin pourquoi tu fais pas les disques rares mais PAS pirates ?". Franchement j'y croyais pas au début… mais il avait raison."

Comment penses-tu que le monde de la musique va évoluer ?

Je vais me baser sur la radio pour répondre : il paraît que c’est le rap la première "musique" en France maintenant, c’est devenu une nouvelle variété française en quelque sorte, ca ne m’intéresse pas vraiment mais je n’ai rien contre, à part une chose : l’auto tune, ça je ne supporte pas, à tel point que je coupe la radio quand j’en entend ! Et malheureusement il n’y en a pas que sur le rap maintenant.

Et sinon je trouve extraordinaire de continuer à entendre encore de temps en temps une "petite" chanson de 3 minutes qui me touche par son originalité ou son texte ou la voix.

As-tu des liens ou des trouvailles musicales à nous faire partager ?

En vieillerie : je me suis payé une compilation des Birds (premier groupe de Ron Wood, à ne pas confondre avec les américains The Byrds).

En pop-rock : Feu! Chatterton. J’aime beaucoup ce groupe avec la voix parlé-chanté, les textes et de bonnes musiques. Ca ne fait pas du tout l’unanimité autour de moi !

En blues : Roland Tchakounté qui chante en bamiléké (franco-camerounais) avec une voix extraordinaire qui vous touche au plus profond de vous et Fred Chapellier, très grand guitariste-chanteur (qui accompagne Jacques Dutronc parallèlement à sa propre carrière) et qui serait le grand successeur de Bill Deraime ou Paul Personne s’il se décidait à rechanter en français comme sur ses premiers disques, mais super bien quand même en anglais comme son dernier disque chez dixiefrog ;-)

Pour les liens je vous invite à aller sur mon portail www.bluesfr.net qui regroupes les liens vers tous mes sites (chaine du blues, archives presse, groupes facebook, etc) et Blues Café Radio… Prenez une semaine de vacances pour visiter tout ça, ah ah !

Je termine avec la signature de mes mails d’il y a 20 ans : "Ne dites pas à ma mère que je travaille dans le multimédia, elle me croit chanteur de blues" (clin d’oeil à un bouquin de Jacques Séguéla).

Je te remercie Mike

Interview effectuée en mars 2022

(Merci d'avance pour vos commentaires !)

 

Commentaires