BILLET D'HUMEUR: CD contre vinyle, le grand débat stérile

 

Né à la fin des années 60, j'ai grandi avec la musique sur disque vinyle et sur bande magnétique (la "musicassette").

Dans le milieu des années 80 est arrivé le CD que l'industrie du disque nous a vendu comme le support ultime pour mélomanes. Petit, facile à ranger, à transporter et surtout, beaucoup plus élaboré que le vinyle. Le son était, paraît-il, nettement meilleur, beaucoup plus pur, grâce à de nouveaux procédés de fabrication et de nouvelles technologies d'enregistrement. Arguments accompagnés de publicités toutes plus alléchantes les unes que les autres.

A partir de là, on a vu certains se débarrasser de leurs 33 et 45 tours et de leur "vieille" platine pour s'équiper entièrement en CD. Lecteur 'laser', comme on disait à l'époque, et disque compacte qui coûtait deux à trois fois le prix d'un vinyle. 

N'ayant pas eu les moyens ni l'envie, à ce moment-là, de payer 180 francs pour un CD alors que je pouvais acheter "presque" le même album en vinyle pour 60 francs, je n'ai pas suivi le mouvement et suis devenu, peu à peu, un loser aux yeux des copains du lycée. "Presque" parce que, là aussi, l'industrie a tout articulé pour nous éloigner du vinyle. Non seulement, nous disait-elle, le son était extraordinairement meilleur, mais il y avait aussi plus de place sur un CD, donc elle n'hésitait pas à ajouter 1 ou 2 titres bonus pour nous appâter. Face à cela, les derniers vinyles neufs disponibles étaient de très mauvaise qualité. Epais comme des feuilles à cigarette, ils craquaient rapidement, certains, même, finissaient par s’abîmer et sauter. L'industrie avait tranché, c'était le CD ou rien, avec un prix allant de 100 à 200% de plus qu'un LP.

Et les 90's ont terminé le travail. Fini le vinyle, basta ! Contraint et forcé de passer au compact-disc, et donc de subir cette hausse difficilement acceptable, le vinyl-addict que j'étais allait de marché aux puces en salon du disque afin d'essayer de dénicher des 33 et 45 tours à des prix raisonnables. Le choix était parfois limité et l'arrivée de CD bootlegs dans des proportions incroyables et à des prix discount permettait peu à peu de s'accommoder de ce nouveau support esthétiquement détestable.

Puis l'industrie a mis sur le marché le CDR qui allait permettre de graver des albums comme avec les cassettes audio 20 ans plus tôt. Et là où elle s'est pris les pieds dans le tapis c'est qu'elle n'a pas vu venir que le CDR allait court-circuiter le CD via le téléchargement sauvage sur internet. C'était l'apparition de Pirate Bay et autre Bitcomet, cela permettait d'échapper au racket du CD de commerce dont le prix n'avait fait qu'augmenter y compris pour des albums largement rentabilisés depuis des décennies. 

Et au bout de toutes ces années, il fallait avoir l'oreille bien affutée pour être convaincu que le son du CD de commerce était vraiment meilleur que celui d'un LP. 

Ma chaîne hi-fi, en tous cas, ne m'a jamais rien démontré. Platine vinyle Marantz récupérée d'occasion auprès d'une station de radio, ampli Akai des années 70, lecteur CD Sony et enceinte Jamo, pas ce qu'il y a de plus haut de gamme. Non, plutôt du matériel standard, celui de "monsieur tout le monde", qui m'a amené à penser qu'on s'était peut-être un peu fait enfler quand, dans les 80's, Sony et Philips nous ont racontés la belle histoire, celle de ce nouveau support au son incroyablement meilleur que le vinyle. Ce que ces industriels s'étaient bien gardé de nous dire c'est qu'ils faisaient surtout cela dans leur intérêt. En effet, vendu plus cher que le LP le prix de revient industriel du CD était également beaucoup plus économique. Par conséquent, la marge du fabricant était nettement meilleure et notre porte-monnaie s'en trouvait tout à coup allégé...

Aux yeux de certains, le vinyl-addict restait donc une sorte de loser réfractaire incapable de franchir le pas vers ce nouveau support, compact, adapté à tout (y compris aux ballades à pied ou en voiture, comme la musicassette) et tellement mieux au niveau du son.. Mais cela n'allait pas durer...

Début 2000, le marché proposait à nouveau du vinyle. Peu à peu, les "centres culturels" (rires) possédaient leurs rayons 33 et 45 tours. Certaines nouveautés étaient alors disponibles en CD et en LP jusqu'à ce que le tendance s'inverse en faveur du vinyle. 

Pourquoi?  

Tout d'abord parce que certains acheteurs, comme moi, n'ont jamais voulu lâcher le vinyle, par passion, par "fétichisme visuel et affectif" (oh, c'est joliment écrit !) ou pour toute autre raison et peu importe qu'il sonne mieux ou moins bien qu'un CD, c'est finalement un détail dont on se moque et auquel on n'a jamais vraiment cru. Parce que lorsqu'on écoute un live des Stones de 69, en CD ou LP, la bête sonne pareil. Ensuite, et surtout, parce qu'un même album en CD américain et européen sonne différemment, question de master. Il faut deja commencer par là, avant de comparer vinyles et compact-discs, et à partir de ça, il n'y a plus de débat car tout devient tres compliqué. Un même album en CD US et UK sonne différemment, tout comme un LP japonais sonne différemment du même album en CD ou LP européen, etc. Amusez-vous alors à comparer CD et LP US, UK, Europe, Japon, etc. je vous souhaite une bonne écoute, personnellement, j'ai d'autres choses à faire...

La deuxième raison, parait-il, c'est que certains néo vinyl-addicts trouveraient que le son du LP est plus "chaud", plus "pur" que celui du CD. Etonnant, on se croirait dans les 80's avec le combat inverse, le LP sonnerait donc mieux que le CD. Rire... Et du statut de loser réfractaire, le fan de vinyle serait désormais une sorte de  bobo happy few. Allez savoir pourquoi cela soulève autant de débats...Peut-être parce que ceux qui se sont laissés pigeonner par les sirènes du Compact Disc en croyant dur comme fer que le son était nettement meilleur qu'un LP ont du mal à accepter de s'être fait berner? Sans doute, oui, c'est même certain, alors ils taxent les adeptes de galettes noires de bobos happy fews, de snobs.... Grand bien leur fasse, de toutes façons, cela ne fera pas changer le comportement d'achat de ces gens-là. 

On peut également ajouter qu'il est assez mal vu par certains, aujourd'hui, d'acheter du vinyle car plus cher que le CD. Oui et non. Plus cher dans certains cas et pas dans d'autres. Il faut alors savoir choisir ce que l'on veut acheter. Si les vrais bobos happy fews acceptent sans broncher de payer 40€ un 33 tours, c'est leur droit, de même que ceux qui payaient 180 francs un CD en 1985 avaient aussi le droit de le faire. Libre à chacun de se laisser pigeonner, mais ces tarifs prohibitifs ne sont pas le reflet de l'ensemble du marché. Mon disquaire de quartier propose encore des galettes neuves à 20€. 

Et puis, admettons que quelques snobs fassent les malins avec des vinyles, et bien, je les en remercie car ils permettent à ce support d'exister et à moi d'en acheter. Et demain, s'il cessent de le faire et que le vinyle disparaît, les consommateurs que nous sommes nous adapterons comme nous l'avons fait contraints et forcés dans les 90's après que le vinyle ait été retiré du marché. 

En conclusion, je laisse les "pro" et les "anti" à leur guerre intestine, convaincu de la stérilité de ce débat et termine avec une petite anecdote. Lors d'une soirée DJ, une gloire locale sourde à 80% essaya de me convaincre que le 45 tours a "une putain de dynamique" que le CD n'aura jamais... Peut-être valait-il mieux être sourd que d'entendre cela de la part d'un sourd car finalement, la seule chose qui compte, c'est juste d'entendre correctement ce qu'on écoute, en LP, en CD, en cassette ou en cire, who cares?...

Fernand Naudin

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