ZINE O'RAMA - LARSEN : le fanzine était une super vitrine pour le label

Larsen fut un fanzine assez particulier. Il a tout d'abord eu plusieurs formats : pages photocopiées, format CD puis celui d'un 45 tours. Larsen n'est également pas qu'un fanzine, c'est aussi un label. Nous avons posé quelques questions à Benny, son créateur afin d'en apprendre plus.


Larsen est né en 1986. As-tu réalisé d'autres fanzines avant lui, ou participé à certains ?

Ben non, on a tout appris sur le tas, sans aucune experience, sauf celle d'avoir devoré les fanzines déjà existants comme Nineteen, Combo, le légume du jour, Violence, Abus dangereux, Sunight, New Wave, Rock Hardi (toujours en activité!!) et tant d'autres ephemeres

Quel est ton parcours en tant que musicien ?

j'ai commencé à jouer de la basse au début des 80's avec des potes, puis monté le groupe Cargo Culte en 84 au chant et à la guitare rythmique (2 singles et un mini LP). En 89, on change le nom du groupe pour les Slow Slushy Boys, et on sort notre premier album Get Crazy en 90 sur notre tout nouveau label Larsen. Depuis, j'ai aussi joué dans les Splinters, Stompin' Harvey & the Fast Wreckers, les Sweet Things et le B-Soul All Stars. Aujourd'hui il n'y a plus que les Slow Slushy Boys en activité (ralentie, il faut le dire...) et on a un album (Time for love & boogie) et un maxi (D-Funk) qui sont sortis cette année.

Peux-tu nous décrire la scène Rock de Chambéry à l'époque ?


La scène rock dans les années 80 et 90 par ici, c'était Chambery mais aussi Ugine, avec pas mal de groupes issus de la scène punk et garage, Vindicators, Juanitos, Lolipopers, Flan System, Preachers, Godzillas, Maybes, Santa Cassine Kids, Bees & B-Mice... Des concerts réguliers qu'on organisait ici à Chambery, mais aussi ceux organisés à Ugine au Perroquet (tous les groupes Crypt en tournée européenne passaient par là) Bref c'était bien excitant toute cette ébullition et energie, et ces rencontres avec plein de groupes d'un peu partout qui venaient jouer dans nos contrées!

Au départ, Larsen était photocopié en format A5, puis après 4-5 années d’existence il est passé à un autre format accompagnéd’un disque. Pourquoi, ce changement et repartir du numéro un ?Il y a t-il quelque-chose qui ne te convenait plus dans la formule précédente ?

On a commencé un fanzine gratuit photocopié 1 page, surtout pour promouvoir les concerts. puis on s'est pris au jeu avec des chroniques, interviews, histoire de faire connaitre les groupes qui nous plaisaient... pour arriver à une dizaine de pages. En 1990; on a eu 2 objecteurs de conscience dans l'asso qui étaient graphistes, d'où l'idée de profiter de leur savoir et leur talent pour lancer un fanzine plus "pro", à l'image de Nineteen qui proposait un 45t gratuit aux abonnés (à leurs début, un flexi) ou Combo qui, lui, offrait un mini CD avec leur fanzine qui avait plus l'allure d'un bouquin.

Est-ce-que l’équipe est restée la même ?


Au départ, le noyau c'était le groupe, enfin Alain, Djan et moi même avec quelques proches amis, puis l'équipe s'est étoffée au fur et à mesure avec de nouveaux chroniqueurs et de nouveaux illustrateurs (on était bien une douzaine), mais après une dizaine d'années de parutions, les collaborateurs ont lâché peu à peu l'affaire, et je me retrouvais quasiment seul à faire le truc, articles, mise en page, distribution... et puis j'avais l'impression de parler toujours des mêmes groupes (Childish, Mick Collins en particulier), et mes goûts se tournaient de plus en plus vers la soul, le rock steady, la funk... bref, après deux numéros spéciaux (guide B-Soul volume 1 et 2), j'ai arrété pour me consacrer uniquement au label.

Ce nouveau format assez luxueux exigeait-il un plus grand apport financier ? Avais-tu des partenaires ou des sponsors ? Quel était le prix de revient pour un numéro accompagné d’un disque ?

Sûr qu'un fanzine 100 pages avec CD ou 45t gratuit, ça coutait plus cher que des photocopies. mais on tirait à 750/800 exemplaires et celui là, on le vendait, et comme ça partait comme des petits pains, ça s'equilibrait. En plus on en sortait que 2 ou 3 par an... Au niveau tarifs, j'ai pas les chiffres, mais ça devait nous coûter autour de 5 euros (le prix de vente était à 5.50) C'est sûr que les tarifs ont énormément augmenté depuis, et je ne pense pas qu'on pourrait faire la même chose aujourd'hui. Pas de sponsors ou partenaire en tout cas...


Tu as également créé le label
Larsen Records à la même époque. Etait-ce en premier lieu pour sortir les disques de ton groupe ou ceux du fanzine ?


Oui, le premier album Larsen c'est le premier album des Slow Slushy Boys. On a tenté notre chance après une experience malheureuse avec un label et notre groupe précédent. Et ça a plutot bien marché, on a vendu les 1000 copies. on s'est dit qu'on continuait l'aventure, d'autant plus que pas mal de groupes proches comme le Flan System, les Juanitos ou les Lolipopers étaient chauds pour enregistrer et cherchaient un label. Ensuite ça s'est enchainé avec des groupes français, Universal vagrants, Splash Four, Jekylls, Mescaleros... puis des groupes internationaux, Dukes, Fortune & Maltese, Crusaders, Waistcoats, Hentchmen, Thanes...

Est-ce-que cela a facilité l’apport de titres inédit pour le fanzine ? Comment es-tu arrivé à obtenir les chansons proposées sur les CD et EP offerts avec Larsen ? Au niveau des droits comment cela se passait-il ?


A vrai dire, c'est plutot le fanzine qui était une super vitrine pour le label; souvent les groupes me filaient d'abord un titre pour une compil du fanzine, avant que je leur propose de sortir un disque sur le label ; et ça marchait. Pour toutes mes sorties disques label ou zine, j'ai toujours payé les droits sdrm/sacem, mais j'ai rarement filé de l'argent aux groupes, le deal étant de leur donner des copies gratos (10% des tirages pour le label). Je n'ai jamais signé aucun contrat avec les groupes, ça a toujours marché à la confiance et aux liens qui nous unissaient (rares sont les groupes que j'ai édité sur disques et que je n'avais pas rencontrés au moins une fois avant)

Pour quelle raison avoir choisi pour le fanzine le format CD en 1991 ? C'était plus simple que de faire presser des EP ?

Quand on a sorti notre premier album en 90 'en vinyl, notre distributeur nous a fait comprendre qu'on aurait beaucoup mieux vendu en CD. On s'est donc laissé convaincre pour la suite de presser les albums en CD, (en continuant quand même de sortir des 45 tours). Pour le fanzine, l'idée du format carré CD nous bottait vraîment, et on avait aussi la possibilité de mettre plus de chansons que sur un EP vinyl.

Plus tard tu abandonnes ce format pour celui de EP, pour quoi à nouveau ce changement ?


En fait, je n'étais pas du tout convaincu par les cd, autant esthetiquement que pour le son... je voyais plus ça comme un pur objet de consommation, jetable, et en 95 quand j'ai décidé de me passer de distributeur officiel et de m'en occuper moi même, ça a été l'occasion de passer au 100% vinyl. Pour ce qui est du zine en particulier, l'objet livre format CD, s'est révélé très fragile au niveau de la reliure, et techniquement c'était plus solide à un format plus grand. Quoi de mieux alors qu'un format 45tours !!

Que penses-tu du fait que ces disques soient devenus des objets de collection ?

Tu crois ???

Sur une des compilations, il y a un titre des Shoo Chain Brothers, sur une autre de Teen Appeal . Peux-tu nous parler de tes relations avec les gens de Dig It! Et avec Bertrand Tappaz (manageur du deuxième groupe) ?

Je suis toujours en contact avec Bertrand, même si ça fait une paire d'années qu'on ne s'est pas vu, il a toujours suivi de près ce qu'on faisait et nous a toujours soutenus, même ces dernieres années où on est à fond dans la soul. Côté Dig It, j'étais surtout en contact avec Gildas (une pensée émue pour ce super gars trop tôt disparu!) et aussi avec Patrick Foulhoux, deux "journalistes" aux goûts sûrs et à l'ouverture d'esprit indiscutable. Un de mes bons souvenirs de concert des Slow, c'est en accoustique en 90 (ou 91) dans l'antre de Tatane et Benoit (et de Dig It) au sous sol de l'Armadillo à Toulouse.


A partir de
Larsen #6, tu as fais un article fleuve sur DMZ et Lyres sur plusieurs numéros et tu as interviewé Jeff « Monoman »Conolly. Comment as-tu fait pour obtenir une interview de Monoman et un titre des Lyres pour la compilation Larsen ?


On etait tous des grands fans des Lyres depuis longtemps. Pour les articles, c'est Alain (Dan Electro ex bassiste des SSB et producteur du nouvel album) qui les avait faits. On a fait jouer les Lyres à Chambéry en 92. On les avait accueillis chez nous et quand Jeff a vu les numeros du zine déjà parus (format CD) il est allé direct dans son sac y soutirer une cassette avec "Baby it's me" et me l'a offert pour notre nouvelle issue.

Peux-tu nous parler des rapports entre Larsen et le monde du dessin ? Tu avais dans ton fanzine beaucoup de participation d’artistes.

L'arrivée des deux objecteurs J.B. et Jean-Seb dans la création du fanzine nouvelle formule, et de leur pote Pierre Jean (un temps batteur dans les SSB) mais aussi longtemps "coordonnateur" des illustrations et Bd parues, fait que le fanzine, c'était aussi ça. Et puis avant ça, il y avait déjà un lien très fort avec un dessinateur d'Ugine, Ness... et puis aussi quelques artistes d'ailleurs comme Pedro, Merinuk, Marcel Bontempi, Grrr... Plutot profane en la matière jusque là, tous ces gens m'ont ouvert les yeux sur tout cet univers graphique, j'espère qu'il en était de même pour nos lecteurs.

À la lecture du numéro 19, on s’est rendu compte que les bootlegs étaient souvent évoqués. Pourquoi cet intérêt pour ces disques ?


Disons que quand tu cherchais à découvrir des groupes et des morceaux obscures (enfin en ces temps pré-Youtube), la mine, c'était les compilations qui sont bien souvent pirates (ce n'est pas toujours le cas, voir les Back From The Grave, ou moultes compils Kent ou Charly), mais souvent très chères... Sinon, les bootlegs de groupes, ça ne m'interesse pas, c'est le plus souvent inutile et nul au niveau du son.

Dans le même numéro, tu déclares « N’ayant pas envie de faire comme tout le monde, c’est à dire garder jalousement mes 45tours ou sortir des bootlegs aux tarifs pas toujours raisonnables, j’ai commencé à compiler mes singles Rhythm’n’blues Soul, funky & Boogaloo comme des albums virtuels (...) ».

J'ai commencé de mettre sur mon ordi tous les singles soul, funk que j'avais et que j'achetais pour en faire des compilations CDR (mais pas en MP3). L'idée avec ces compils, c'était que les gars interessés m'envoient des CDR que je leur gravais gratos, ils n'avaient qu'à payer le port. Bon, j'ai fait ça pour les 20 premiers volumes, après j'ai lâché l'affaire par flemme. Mais je continue à mettre mes singles et maxis sur CD, je viens de graver le 148e volume.


Le fanzine a vers la fin plus parler de sixties soul/rhythm’n’blues/
boogaloo/ funk. D’où vient ce changement ?


Comme je le disais plus tôt, une certaine lassitude du garage et du punk, mais surtout la découverte de l'immensité de l'Univers de la musique afroaméricaine... et j'en suis toujours là, à explorer tous ses courants, son évolution, de la soul sixties au disco funk, en passant par la Nu Soul ou le P-Funk.

Sur le site internet Larsen (qui n’est malheureusement plus actif), tu as mis en ligne certains articles. Est-ce-que ce sont ceux dont tu es le plus fier ? Pourquoi ne pas proposer les fanzines en téléchargement comme Lindsay Hutton le fait sur son site The Next Big Thing ?

En fait, on avait commencé à mettre en ligne quelques articles dans l'idée de continuer, mais pour des raisons techniques qui m'échappent (peut etre le logiciel utilisé pour faire le site), on ne peut plus y toucher, ni enlever, ni rajouter. Faudrait sans doute refaire un site consacré au zine ou un blog (à vrai dire je suis vraîment une bille en informatique...) Mais je vais aller aller voir le site de Lindsay.



Pourquoi as-tu arrêté le fanzine ? Quelles sont depuis tes occupations et tes projets en rapport avec la musique ?


Depuis 5 ans, je fais une emission le "Be Soul Radio Show" tous les mois pour 5 radios associatives, consacrée bien sûr au monde de la soul. Ce sont des emissions à thèmes, la plupart du temps sur un état des Etats Unis, mais aussi sur un arrangeur, un guitariste ou une danse... Ca prend du temps aussi, mais pas autant que pour le fanzine, et sans tout ce côté chiant (envois, dépots, comptes, relances, colis...) A part ça, je fais regulierement le DJ pour des fêtes de potes ou le café associatif du coin. Et comme dit plus tôt, je chante toujours dans les Slow Slushy Boys, et on a un nouvel album qui est sorti ce printemps, sur Larsen et Catapulte Rds

Nous avons une dernière question Scoubidou, peux-tu tomber le masque ? Quels pseudonymes as-tu utilisé dans ta carrière musicale et dans le monde du fanzine ?

Benny Gordini, the old badern, thee slushy ruin, Shelrock, je crois que c'est tout...

Merci Benny Gordini, the old badern, thee slushy ruin, Shelrock 😀

slow slushy boys: https://www.ssb.larsen.asso.fr/
Be Soul Radio Show: https://www.mixcloud.com/BennyGordini/
Youtube: https://www.youtube.com/channel/UCqfZGOWl4uZkBEABWmNYueg
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