CRYPT RECORDS - INTERVIEW : "BACK FROM THE GRAVE a ouvert de nouvelles portes..."

Début août 1983, Tim Warren fonde le label Crypt Records et sort un premier album, le volume 1 de la compilation Back From The Grave désormais connue de tous les amateurs de Garage Punk 60's. Au Monstres Sacrés, nous sommes tous passionnés par la musique Garage, les bons labels et les disquaires de qualité. Il est rarement possible d'obtenir le tout en un. CRYPT RECORDS fait exception et DIRK, qui est en partie responsable du label et du magasin de Hambourg, a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à toutes nos questions lors d'un entretien sur place. 

HAPPY BIRTHDAY





Comment as-tu découvert la musique rock ?

En fait, ça a commencé par les Rolling Stones et leur album Around And Around. C’est au travers de la musique des années 60 que je suis arrivé à des choses plus obscures. J'écoutais aussi de l'indie à l'adolescence : Sonic Youth et des trucs dans ce genre. Avec un pote qui s'intéressait aussi à la musique, nous commandions ensemble pas mal de choses dans des catalogues de vente par correspondance et allions aussi dans des magasins de disques. Il y en avait un par exemple à Mölln (ndr : une ville de la région Schleswig-Holstein), on pouvait déjà y trouver pas mal de choses, ils te commandaient aussi des disques quand tu leur demandais. Tu pouvais ainsi trouver des trucs rares et inconnus. Il y avait aussi un disquaire très cool à Lübeck ; j’y ai trouvé les Back From The Grave.


Ce disque a-t-il été un choc pour toi ?


Un choc… oui, probablement. C'était vraiment quelque chose de très spécial à cette époque. Il a ouvert de nouvelles portes, parce que c'était beaucoup plus sauvage que tout ce qu'on avait entendu auparavant. J'étais aussi un très grand fan des Cramps. À travers les albums qui compilaient les originaux des morceaux repris par les Cramps, on découvrait beaucoup de bizarreries : de l'exotica, des étrangetés 50s et 60s en passant par des trucs franchement trash. C’était en quelque sorte un passionnant voyage dans le temps.

Tu as ensuite découvert en 1993 le magasin Crypt de Tim Warren à Hambourg...

Exactement. Il se trouvait dans la Seilerstraße, c'est une rue parallèle à la Reeperbahn. Je crois que c'est un ami qui m'en a parlé. Il y avait dans ce magasin tout ce que je trouvais génial, et j'étais excité comme un gamin dans une confiserie. Tim a toujours été un passionné de musique. Quand on entrait, il nous faisait écouter des nouveautés ; c'était unique et particulièrement cool. Après ça, je ne suis plus beaucoup retourné voir d'autres disquaires, hormis naturellement quand je voyage.

Une fois, Tim me dit que Lux et Ivy des Cramps voulaient le lendemain passer à la boutique. Évidemment je suis venu, et je n'ai pas osé dire un mot, bien trop timide. Mais j'ai trouvé ça hyper excitant.

Tim a toujours été comme ça. Il est toujours impliqué et essaie d'enthousiasmer les gens pour tout ce qu'il aime. Il aime partager et ne veut pas être le seul au courant. Comme par exemple en partageant sa collection de 45t de punk garage !

Dirk par Daniel Clowes

À ton avis, quelle est la différence entre son magasin de l’époque et le magasin Crypt que tu tiens ?


Il avait beaucoup de bandes dessinées et de livres de subculture américains qu'on n'avait pas ici, comme par exemple les BD  Hate  de Peter Bage ou Eightball de Daniel Clowes. Daniel Clowes était un pote très cool de Tim. Il a notamment réalisé la pochette d'un Last Vegas Grind (le volume IV plus précisément) et des annonces pour Crypt dans des fanzines et autres magazines spécialisés. On trouvait aussi les livres d'art de Robert Williams, enfin des livres en rapport avec la musique et les subcultures. Ils n'étaient pas encore très répandus au début des années 90. Depuis, nous avons cessé de les proposer car des librairies spécialisées ont commencé à couvrir ce domaine.

Exemple de livres proposés à l'époque par Tim Warren

Depuis que tu travailles dans ce magasin, est-ce que tu écoutes toujours ce genre de musique en privé ?


Oui, j'en écoute aussi à la maison. J'aime ce que j'estime être de la bonne musique, et je vends d'ailleurs quasiment exclusivement ce que j'aime ! J’ai aussi d’autres passions comme par exemple le vélo, mais la musique continue grandement à m'enthousiasmer.

Peux-tu nous dire d’où vient le nom de ton magasin Cool & Crazy ?

« Cool & Crazy » est un film de série B des années 50 dont Tim pensait juste que le nom cool était cool (cf. photo ci-dessous).

Dirk et l'affiche de The Cool And Crazy

Peux-tu présenter le magasin ?


Sa surface est d’à peu près 110 m², le côté label prend la plupart de la place : l'entrepôt est prépondérant. Ensuite, nous avons encore une grande partie de nos produits chez notre distributeur américain. Tim qui habite à Berlin n’a rien. Enfin, je veux dire qu'il a naturellement une énorme quantité de disques, mais ce sont les siens.

Tim a aussi vécu à Paris. Il y a eu une adresse Crypt à Paris, mais pas de magasin. Tim est ensuite parti vivre dans divers endroits, notamment ici en Allemagne. Il y a ouvert le fameux magasin de la Seilerstraße à Hambourg. En 1998 nous avons fermé le magasin, car le loyer était devenu trop important. Nous sommes allés à l’Eimsbütteler Chaussee (ndr : autre rue de Hambourg), où nous ne faisions plus que du stockage et de la vente par correspondance puisque nous n'avions plus de magasin.

C'est à cette époque que Tim est retourné aux USA, tandis que j'ai continué à m'occuper de l'Europe depuis Hambourg. Il y a eu plusieurs adresses aux États-Unis ; la dernière adresse avec boutique – à Brooklyn - a fermé en 2008.

En 2005, cet endroit s'est libéré (les locaux actuels dans la Julius-Leber-Straße 20, toujours à Hambourg) et on nous l'a proposé pas trop cher. Nous avions besoin d'espace et il y en avait. Il suffit de sonner à la porte afin de pouvoir entrer. Il m'est arrivé sporadiquement d'avoir de l'aide. Je m’en occupe seul désormais, alors c’est fermé quand je ne suis pas à Hambourg. La boutique est vraiment pour le plaisir ; c'est quelque chose de très spécial. Certes, quotidiennement, on ne compte par un nombre infini de clients. Ce sont plutôt des visiteurs réguliers, des groupes (bands) et des gens de passage – par exemple dans le cadre des festivals « Garageville » et « Get Lost ». La vente par correspondance et la distribution internationale sont nos principales activités. La boutique est une sorte de violon d'Ingres, une marotte.

Publicité de 2003 par Andreas Michalke

Comment te tiens-tu au courant des nouveautés ?


On a différents contacts et on reçoit bien sûr aussi des newsletters. C'est comme ça qu'on est au courant. Je ne suis plus sur les médias sociaux parce que c'est une machine à tuer le temps. En fait, nous avons une page Crypt sur Facebook, mais elle est plus ou moins inactive. Il n'est tout simplement pas possible de s'occuper de tout cela et si c’est juste pour recevoir des likes. Je ne peux pas tout lire non plus ; il y a certainement des nouveautés que nous avons laissé passer. Mais si quelqu'un nous demande un truc que l’on ne connaît pas, je le commande vite.

Les disques américains qui ne sortent qu'aux USA deviennent tellement chers qu'on réfléchit un peu avant de les inclure. Parce que... nous ne sommes pas d’accord de vendre des disques à 30 ou 40 euros. Il y a certes quelques clients qui les achèteraient, mais ce n'est pas ce que nous recherchons. Cela devient extrêmement difficile de maintenir les disques à un prix raisonnable, parce que les coûts de pressage sont de plus en plus élevés. Et surtout, le port devient de plus en plus cher. Nous parvenons néanmoins à conserver des prix bas.

Tu as plus de LP que de CD ?


C'est ce qu'on me demande très clairement, donc on a nettement plus de vinyles. Je propose aussi des CD et en intègre aussi de nouveaux quand je peux les obtenir facilement.

Il y a encore beaucoup de gens qui achètent des CD, mais c'est plus difficile. Tu sais, quand tu reçois le nouveau LP des Headcoats, tu sais que tu en vendras un certain nombre en vinyle, j’en commande donc tout de suite. Niveau CD, je suppose que j'en vendrai quelques-uns, mais je ne sais pas combien, trois ou cinq, ce ne sera certainement pas plus. Le label Bear Family a des CD sympas : j'essaie toujours d'en proposer, enfin ce qui me plaît et ce qui nous correspond. Mais je ne les commande qu'en petites quantités, aussi parce que je sais que je peux en recommander rapidement et sans difficulté.

Ta clientèle est-elle constituée de personnes de tout âge ?

On est content quand quelqu'un de moins de 30 ans vient ici, parce qu'on se dit, hé, il y a encore une relève. Ce sont plutôt des gens de notre âge qui achètent. Les très jeunes ne connaissent probablement plus Crypt Records. Pour ainsi dire, nos clients vieillissent avec nous, on le voit au public lors des concerts.

Cela veut dire que tu penses qu'il n’y a plus d’avenir pour les magasins spécialisés rock garage / punk comme le tien ?

Qui peut voir loin dans l'avenir ? Sur un long terme, on ne sait jamais comment les choses vont devenir, un revival est toujours possible. Je pense que l'intérêt pour ces choses obscures va toujours exister, mais qu’à long terme, la demande va quand même diminuer.

Comme dans les années zéro, on a vu qu'un groupe comme les Black Lips a réellement pu faire bouger les choses. Beaucoup de jeunes se remettent alors à fréquenter les concerts. Cependant d'une certaine manière, j'ai l'impression qu'ils ne restent pas longtemps intéressés. Enfin, peut-être influencent-ils un groupe ou un autre.

Quels sont à tes yeux les inconvénients ou les avantages d'avoir un tel magasin ?

Je suis en contact direct avec les gens, et j'aime ça. Personnellement, je préfère toujours acheter chez un disquaire plutôt que de commander des disques. C'est simplement agréable de fouiller dans les bacs à disques et de regarder les pochettes et se laisser inspirer… Je trouve très cool que nous ayons ce magasin, mais je sais aussi qu’il ne fonctionne pas comme il le pourrait. C'est-à-dire que je ne peux pas mettre quelqu'un ici pour s’occuper de la clientèle, parce que ça n’en vaut tout simplement pas la peine : on ne pourrait pas payer son salaire. Comme partout ailleurs, le public underground est plutôt rare. Ce n'est pas vraiment comme si les gens se bousculaient au portillon, mais ça fonctionne déjà très bien de la manière à laquelle nous sommes organisés : la boutique ne prend pas beaucoup de place, et nous avons parallèlement la distro et la VPC qui ont du succès.

Je fais tout de A à Z... Je rédige les descriptions des nouveautés pour les lettres de diffusion VPC et aussi pour la distro : c'est à vrai dire ce que je préfère. Je suis en contact avec beaucoup de labels chez lesquels je passe les commandes. Il y a aussi nos propres productions, sujet devenu brûlant... Et puis je prépare nos commandes, j'emballe les colis et les expédie. Je corresponds avec les clients quant au suivi de leurs commandes. Nous distribuons aussi en Allemagne et à l'étranger ; c'est beaucoup de travail, mais tout ça me plaît parce que j’apprécie ce que je vends. Il y a aussi tout le reste qui ne me vient pas à l'esprit au moment où nous nous parlons. Aïe... je suis aussi responsable de la comptabilité, ce qui me plaît nettement moins. Comme je fais tout ça tout seul, il y a des choses qui restent toujours un peu sur la touche. Par exemple la comptabilité susnommée qui est parfois faite à la dernière minute. Il y a également beaucoup de problèmes avec les services de livraison. Ils sont par moment lents et perdent des colis. C'est définitivement une partie énervante et désagréable du travail, parce qu'on part du principe que cela ne doit pas être si difficile de livrer un paquet. Lorsqu'il y a un tel imprévu, je dois tout retravailler.

Peux-tu me raconter une de tes journées typiques ?


Je travaille ici de 10 à 19 heures, et puis le matin et un peu à la maison le week-end. La journée type est : je suis à la maison, je prépare mon café et je vérifie déjà les e-mails. Je commence à répondre à certains d’entre eux ou bien je traite quelques commandes de Discogs. J’arrive généralement vers 10 heures au magasin. Je veille ensuite à ce que les commandes soient préparées afin qu'elles puissent être expédiées le jour-même.

Tu envoies aussi en Amérique et dans de nombreux d’autres pays…

Oui, mais cela va probablement diminuer un jour, parce que les frais de port sont devenus exorbitants. Donc selon le jour de la semaine, l’emploi du temps change. Le lundi, je prépare les commandes du week-end toute la journée. Le mardi, c'est plus ou moins pareil. Lorsque des nouveautés arrivent, il faut les mettre sur notre site cryptrecords.com, sur la liste de diffusion et sur la page Discogs. Étrangement, je vends beaucoup via Discogs alors que ce serait beaucoup plus avantageux pour les clients s'ils commandaient directement sur cryptrecords.com. À partir du mercredi, j’essaie de trouver un peu de temps l'après-midi pour écrire les factures, faire la comptabilité ou rédiger une lettre de diffusion. Toute vente via cryptrecords.com est traitée automatiquement par notre programme alors que pour les ventes Discogs, c'est vraiment beaucoup de travail qui se fait autour. Pourtant jusqu'à présent, on n'a jamais voulu se passer d’eux.

Tu es copropriétaire de Crypt Rds ?

Lycéen puis étudiant, j'ai d’abord été client et ai laissé pas mal de sous dans le magasin. Tim, à un moment donné, a eu besoin d’aide. Il s'est dit que je m'y connaissais, alors j'ai travaillé pour lui. J'ai commencé par m'occuper de la vente en magasin. Par la suite, j'ai participé au catalogue et ai été de plus en plus impliqué dans le travail du label. Quand Tim est retourné aux États-Unis, je me suis occupé du marché européen, de la VPC et de la distribution.

Depuis 2009, Tim et moi sommes pour ainsi dire partenaires égaux. En théorie, nous avons tous les deux le même droit de décision, mais en pratique, je considère que la compétence musicale principale de Crypt Records revient à Tim, parce que c'est son bébé. Jamais je ne sortirais un disque que seul moi apprécie, je ne ferais jamais ça tout seul ; ce ne serait pas correct. Nous n’avons d'ailleurs aucun problème avec cela et n’en avons jamais eu. Cela se fait le plus naturellement du monde. On n’en a tout simplement jamais parlé et nous ne sommes donc jamais disputés à ce sujet.


Mais n’as-tu pas envie qu'il sorte plus souvent des choses, parce qu'il n’est plus très actif actuellement ?


Nous ne sortons effectivement plus beaucoup de nouveautés. Il y a plusieurs raisons que je peux comprendre à cela : d'une part, Tim a son studio dans lequel il mixe beaucoup. D'autre part en ce qui concerne les compilations, il y a eu un nouveau Back From The Grave ainsi que les compilations Last of the Garage Punk Unknowns. Ce qui est vraiment étonnant, c'est qu'on puisse encore trouver autant de matériel. Il se peut qu'il y ait encore quelque chose dans cette direction... Pour les BFTF et les LGPU, Tim a parcouru les USA en long et en large, il enregistrait dans un van toutes les raretés absolues qu'il trouvait. Il y a aussi eu quelques parutions de groupes actuels comme par exemple Atomic Suplex, des inédits et démos des Real Kids avec un booklet géant ou aussi un live des Lyres. Néanmoins concernant les groupes actuels en général, je pense qu'il est très probable que nous ne serons plus très actifs dans ce domaine. Dans les années 90 nous avons vraiment poussé des groupes. À l'époque, nous avions même engagé notre propre tourneur / promoteur au sein de Crypt. Chaque groupe que nous avons sorti est venu en Europe, et nous avons organisé leurs tournées. Cela leur a donné un énorme coup de pouce.

Maintenant, nous n'avons plus la main d'œuvre, nous ne pouvons plus du tout faire ça, et tu vois aussi aux ventes que l'effort n'en vaudrait pas la peine. On ne pourrait pas le financer. En tout cas pas si on ne veut pas seulement perdre de l'argent, mais aussi en gagner un peu. Je ne saurais pas comment faire pour que cela ait du sens, pour que cela soit rentable par la suite.

As-tu une opinion sur les téléchargements et le streaming ?

Je n'écoute pas vraiment de musique en streaming. Je préfère écouter un disque, mais ce n'est pas parce que je me méfie des techniques modernes. Je trouve ça normal, je suis absolument ouvert. Je peux comprendre qu'on se fasse une playlist pour des raisons de confort, et aussi qu'on découvre des choses grâce à ça. En tant que label, c'est aussi positif. Les groupes et le label en profitent un peu. Je préfère toutefois les disques. De façon générale, je préfère tout simplement le format. Mais j'ai quand même aussi pas mal de CD.

Affiche de 1990

Pourquoi ne proposes-tu pas de l'occasion ?


J’en propose de temps en temps. Si quelqu'un m’apporte une collection qui pourrait s'intégrer ici, je suis bien sûr intéressé. Mais la plupart du temps ce sont des trucs horribles, des disques de rock classique ou de variété, on ne peut pas être certain qu’il y ait quelque chose d’intéressant dedans. Je n’ai tout simplement pas le temps de me débarrasser des affaires des autres si cela n'a rien à voir avec notre genre qui est il faut bien le dire une niche.

Penses-tu qu’Hambourg soit le bon endroit pour un tel magasin ?

Il y a beaucoup de gens qui viennent à Hambourg pour acheter des disques. Je ne pense donc pas que ce soit le mauvais endroit. Notre emplacement est assez central. Nous sommes tout près de la gare d’Altona, mais nous ne sommes pas dans le quartier des disquaires, même si ce n'est pas très loin non plus. Hambourg est la seconde plus grande ville d'Allemagne, et une ville très cool. Il existe d'ailleurs un beau livre sur les magasins de disques de Hambourg. Revenons au fait que nous avons besoin d'espace. Cela ne serait pas rentable ailleurs. Le loyer ici est tellement acceptable que je ne vois pas où on pourrait s’installer autrement, à part dans des quartiers où personne ne viendrait pour acheter des disques.

Il y a une scène musicale vivante à Hambourg, des bars comme le Gun Club et le Komet où des soirées et des concerts de notre type de musique sont proposés. Il y a aussi les festivals « Garageville » et « Get Lost », le public international qui y va se déplace ensuite vers le magasin, les groupes aussi. Quand ils entrent, ils en ont souvent les yeux qui brillent tant ils sont contents. Hambourg a toujours eu une grande scène musicale, pour ne pas citer les groupes qui l'ont rendue légendaire au début des années 60. Beaucoup de groupes sont originaires de Hambourg et de nombreux autres viennent y jouer. Ensuite, nous avons ici un bon réseau de contacts qui nous facilitent la vie. Cela fonctionne donc plutôt bien.

Est-ce que tu es en contact avec des labels français ?

BORN BAD, DANGERHOUSE, TOTAL HEAVEN, GIBERT par exemple. Ce sont aussi bien eux qui commandent chez moi que moi chez la plupart d'entre eux. Beaucoup aussi achètent nos disques par l'intermédiaire de distributeurs.

Et en Amérique ?

Quand nous avons commencé à être distribués par Slovenly aux USA, ils m'ont dit qu'ils voulaient le faire en exclusivité. C'est pourquoi je ne vends plus de disques à des disquaires ou distributeurs installés aux États-Unis.


Peux-tu raconter la différence entre les compilations
Back From The Grave et les Garage Punk Unknowns ? Elles se ressemblent un peu non ?


Non, pas vraiment, parce que les Back From the Grave sont plutôt vraiment punk, vraiment snotty punky. Les groupes sur les Last of the Garage Punk Unknowns n'auraient pas pu figurer sur les Back From the Grave, mais ils sont tellement bons qu'ils devaient être publiés. Ils n'ont pas les mêmes standards : ils ne sont pas aussi sauvages, c'est la différence.

En quoi sont-elles différentes des compilations Teenage Shutdown ?

C'est une bonne question, c'est similaire tu sais, il y a d'ailleurs des choses sur les Teenage Shutdown qui sont déjà parus - dans d'autres formats, et en moins bonne qualité.

Et puis les Teenage Shutdown sont thématiques : il y a le volume moody pubère (dépression adolescente avec « I'm down today »), le volume snotty (« The world ain't round, it's square! »), le volume punk « I'm a no-count »), etc.


Quels sont tes disques préférés de Crypt Rds ?


Les Back From The Grave parce qu'ils sont très bons et qu'ils ont débuté le label. Parmi les groupes, j'aime beaucoup les Gories, les Oblivians, aussi les New Bomb Turks parce qu’à mon avis leur Destroy-Oh-Boy a toujours une puissance absolue ! Il y a vraiment très peu de choses que je n'adore pas à 100% ou que je n'aurais pas achetées si elles n'avaient pas été sur Crypt. Je trouve aussi The Beguiled totalement génial. Leur disque aurait dû être beaucoup plus connu qu'il ne l'est. J'ai trouvé les Fireworks super. C'est toujours bon, mais ils m'ont plus parlé dans les années 90 qu'ils ne le font maintenant. Parmi les groupes inconnus, je mettrais en tout cas absolument en avant The Beguiled. J'ai également toujours apprécié les Chrome Cranks.


Quels sont tes meilleurs souvenirs du magasin ?


Il y en a pas mal...

Billy Childish m'a par exemple donné son vieux pull marin élimé. Il s'en était procuré un nouveau à Hambourg, et il m'a donné l'ancien. Je l'ai toujours chez moi.

Une autre fois, le légendaire présentateur emblématique de la BBC - John Peel - est venu dans le magasin et... je ne l'ai pas reconnu. Je ne savais pas à quoi il ressemblait. Nous avons un peu discuté et il n'a bien sûr pas dit qui il était. J'ai commencé à lui recommander des choses en fonction de ce qu'il avait choisi. Par exemple DM Bob & The Deficits: Bob l'américain avec son groupe de Hambourg. Il a trouvé super que je lui conseille des choses. Nous nous sommes vraiment bien entendus et il a fait un énorme achat. Le soir je parle à Tim de ce client particulier. D'après ma description du personnage, il m'a tout de suite demandé si ce n'était pas John Peel ? Tim a vraiment une mémoire photographique. Il m’a dit d’ouvrir un bouquin à une certaine page où il savait qu’il y avait une photo de Peel, et c’était bien lui ! C'était totalement stupide parce que j'aurais pu lui donner quelques promos. Néanmoins, il a probablement apprécié de ne pas être traité comme John Peel, mais comme un client lambda. Plus tard, il a même invité DM Bob à faire une « Peel Session » ! Probablement que si j'avais su qui il était, je n'aurais jamais osé lui montrer tant de choses.

Que penses-tu du caractère culte de Crypt et de celui de ton magasin ?

C'est bien sûr agréable. Je trouve ça vraiment bien que tant de gens aiment Crypt. Oui, c'est en fait un grand compliment, parce que nous avons un peu gagné ce statut culte grâce à tout le travail qui y a été investi. Cela n’a pas été imposé aux gens par les médias.

Tous les groupes que nous avons publiés dans les années 90 sont aussi venus en tournée ici. On a apporté la musique à beaucoup de gens, parce que ces groupes n'ont pas joué qu'à Hambourg, Berlin et Cologne, mais ils sont aussi allés dans de petites villes. Les gens parlent encore des concerts auxquels ils ont assisté. Pas seulement de ceux des Oblivians, mais également des autres groupes.

On a énormément investi pour faire connaître leur musique, on avait également un catalogue qui était vraiment gros et complet. Si on trouvait qu'un disque pourtant prisé n'était pas renversant, on n'hésitait pas non plus à l'écrire. On prenait le temps d'écouter tout et de l'évaluer. Je pense que ce catalogue a aussi beaucoup contribué à ce que nous soyons encore connus en Europe, parce que des gens racontent encore les avoir conservés chez eux. Ils étaient anecdotiques, ils étaient presque un magazine.

Tim est venu en Europe, et il a définitivement apporté de la musique que l’on ne connaissait pas - ici comme ailleurs.



Nous te remercions Dirk, c’est un vrai plaisir de discuter avec toi.
(interview de juin 2023)




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