ALAIN FEYDRI - INTERVIEW (1/2) : "nous avons eu la grande chance, 3 soirs de suite, de voir les Real Kids partageant l’affiche avec DMZ"

Si vous nous lisez, vous connaissez notre passion pour les fanzines. C'est dans ces parutions de passionnés que nous avons appris (et continuons à le faire) l'existence de nombreux groupe dont les disques tirés à 300 exemplaires sont ignorés par la presse musicale officielle. Des fanzines tels que Nineteen, Dig It!, Abus Dangereux et tant d'autres ont nourri notre soif de connaissances en ces temps où internet en était encore à ses balbutiements. Philippe Garnier fut un passeur pour la presse mainstream, Alain Feydri continue à l'être pour son pendant amateur. Il a participé à tellement de fanzines (dont ceux cités auparavant) qu'il serait l'auteur idéal d'un livre sur le fanzinat rock en France (qui signerait une pétition pour celà avec moi ?). Son actualité est la sortie du livre The Troggs Wild Thing, c'était un bon prétexte pour s'entretenir avec lui ...

DESSIN DE JACQUES-OLIVIER LEROY POUR AZERTY BLUES



 Tu es né en 1952, la même année que Joe Strummer et d’une bonne partie des Ramones, seul le lieu est différent. Où as-tu passé ton enfance ? À part l’année de naissance, y a-t-il eu d’autres voix communes à ces artistes qui t’ont amené à la musique rock ?

Oh, je crois qu’il n’y a qu’un seul Ramones né en 52, mais tu as aussi le totémique Johnny Thunders, Peter Laughner de Père Ubu, également, né en Août, comme moi.  Ou encore Jerry Shirley, le batteur d’Humble Pie qui a joué sur le deuxième LP de Syd Barrett, ce qui n’est pas rien dans ma mythologie personnelle ! Ou bien Andy Fraser, le bassiste de Free. Que j’ai vu deux fois à l’automne 69, au Golf Drouot et à l’Olympia, réalisant peu après que nous avions quasiment le même age, ce qui m’avait alors sérieusement épaté.  Et il doit y en avoir plusieurs autres. Les fameux baby-boomers.  

Je suis moi-même né à Périgueux dans le vieux quartier historique jouxtant la cathédrale,  où j’ai vécu jusqu’en septembre 56, date à laquelle mes parents, passant du statut de locataires à celui de propriétaires,  se sont installés dans une modeste maison du quartier des Maurilloux, dans la proche banlieue Est. Sorte de gros village à l’époque, où tout le monde se connait plus ou moins.  J’y ai passé l’essentiel de mon enfance et début d’adolescence. Coin que j’ai quitté au début de l’été 69, j’allais avoir 17 ans ! 

Je ne me figure pas particulièrement de voies communes avec Strummer, ou Marky Ramone   - le seul faux-frère de 52 !  - nos environnements étant si différents, je pense que c’est tout simplement  l’air du temps, on a grandi parallèlement à cette musique, c’est presque normal que cela nous soit tombé dessus. Même si, de mon côté, petit bouseux mal dégrossi du Périgord, rien ne semblait sociologiquement m’y prédisposer, mais l’après-guerre, années 50, début des années 60, c’est aussi, la télé aidant, un déferlement culturel anglo-saxon, US essentiellement . Via la musique et le cinoche en premier lieu. Je le dis souvent, mais je suis quand même un peu le produit de tout ça ! Et loin d’être le seul dans ce cas. J’ajoute que, sur le moment,  je n’en ai absolument pas conscience, bien entendu !

 

Ton groupe révélateur a été les Kinks, on aime beaucoup mettre en avant les grands noms de la musique. Pour toi les groupes « formateurs » sont les Kinks, les Stones  et les Who. Quels sont tes péchés musicaux de cette époque, les 45t que tu t’efforces de cacher lors des visites ?

Oui, Kinks et Who, via deux EPs, Mr Pleasant & Pictures Of Lily, furent mes premiers disques achetés, c’est la pure vérité, comme mon 1er 33t fut la version Française du Face To Face des Kinks, plus prudemment rebaptisé ici Sunny Afternoon !   Après, il faut remettre les choses dans leur contexte,  Stones,  Kinks,  Who, entre 65 et 67, quand je commence à m’intéresser à tout ça, je n’ai pas grand mérite, ça n’a rien d’extravagant, c’est simplement dans l’air du temps, ce sont des groupes qui ont du succès, qui sont très populaires, que tu entends à la radio, dans les juke-boxes, tu vois leurs disques dans les boums où tu peux être invité, chez tes copains, ou chez les copains de tes copains, et je ne te parle même pas des Beatles qui sont omniprésents…aujourd’hui, il est de bon ton de les dénigrer, mon camarade Patrick Foulhoux adore faire ça,  le consensus autour d’eux l’encourage, mais ils ont eu un rôle déterminant dans l’évolution et la maturation de cette musique. 

Avec Patrick Foulhoux, 2021- Photo A. Bossut

Avant eux, y’a eu Presley, mais ça s’est gâté assez vite et, depuis, je ne connais pas d’autres exemples d’artistes aussi populaires tout en étant porteurs d’une musique à la fois digne et novatrice. Qui aidait à envisager l’existence d’un autre œil ! Bon, ça exclut des crétineries comme Yellow SubmarineObladi-Oblada, ou le fadasse Let It Be,  mais c’est peu au regard du reste ! Alors, je n’ai pas de péchés musicaux particuliers liés à cette époque, sauf à considérer Antoine comme l’un d’eux. Je l’ai découvert en 4eme, au lycée où j’étais alors  - on ne disait pas encore collège  -  via un copain de classe qui me parlait de ce chanteur supposé beatnik, j’ai adoré ses premiers EPs  et son album, j’avais treize, quatorze ans, c’était fascinant, cette opposition aux parents, ce positionnement générationnel, la route, l’auto-stop, les filles et les rencontres, t’es gamin, t’y crois à fond, ça a largement contribué, peu après, à me faire lire Kerouac, Burroughs et toute la clique  …sa mutation en mauvais chanteur de variété sera d’autant plus dure à avaler, comme pour les Problèmes devenus Charlots, dont les pitreries me paraissaient navrantes…du coup, je n’ai rien à cacher réellement de cette époque, pas de passions secrètes pour Stone & Charden, France Gall ou qui tu voudras…j’aimais bien Dutronc, Nino Ferrer ou Polnareff au début, je trouvais ça sympa, mais sur mon échelle de Richter,  ça n’avait rien à voir avec les déflagrations laissées par les Kinks ou les Who, ce n’était pas du même niveau… j’ai quand même eu la chance de grandir à un moment où, entre soul et beat-boom,  une bonne partie de la musique dite commerciale était d’excellente qualité, tu regardes les hit-parades de ces années-là, ça laisser rêveur ! Et puis, je n’avais pas tant de disques que ça, perdus pour la plupart…non, le seul mystère, c’est pourquoi en l’espace de quelques titres, les Kinks m’ont subjugué à ce point, compte tenu du contexte dans lequel je baignais alors, ça continue à me sembler irrationnel…par ailleurs, les gens qui nous visitent aujourd’hui sont souvent les mêmes, et je suis également moins démonstratif, moins empressé à faire écouter ceci ou cela comme il y a 30 ou 40 ans, chacun écoute ce qu’il veut, même des cochonneries, tant que je n’ai pas à les subir….je suis davantage dans le plaisir solitaire désormais…bien moins prosélyte !  

En 1972, tu as écrit ton premier article dans le fanzine « Acidulé ». Tu as déclaré qu’il était inspiré d’un article publié sur le Velvet Underground dans le magazine « Actuel ». Quels ont été tes autres lectures  musicales françaises à l’époque ? Etais-tu du genre à découper les articles, ou plutôt conserver ces magazines ? D’ailleurs es-tu collectionneur ?

Ah, ah, plus qu’inspiré, littéralement pompé oui….pour la découverte du Velvet, mon cheminement a été un peu à contre-sens, j’ai d’abord entendu le troisième album, début 70,  le premier sans John Cale, c’était à Paris, du côté d’Art & Métiers, dans l’appart’ d’un couple assez mystérieux chez qui j’étais allé avec un lointain cousin alors aux Beaux-Arts, qui, par la suite est devenu secrétaire/garde du corps de Denny Laine, l’ex-Moody Blues, a fait de la prison aux Baumettes avant de mourir prématurément, en considérable surpoids, dans une misère noire, un roman à lui seul…

Vers 72 époque l'Acidulé
Le Velvet,  j’avais lu plusieurs entrefilets à propos de leur zic apocalyptique, et ce que j’entends ce soir-là  - ça commence par Candy Says -   est plutôt apaisé, je ne comprenais plus trop…puis l’année suivante, en 71, pas découragé pour autant, je mets la main sur le double album Coca/Lèvres emballé par Warhol,  et là, woah….je suis littéralement fasciné ! Et aujourd’hui encore, je ne peux pas entendre la plupart des ces titres sans être transporté, incluant d’ailleurs des extraits de ce fameux 3eme album que j’ai fini par affectionner à l’égal des deux premiers…là, au même moment, par connexion locale, on me propose d’écrire quelques lignes dans l’Acidulé, un zine lycéen, ce que je ne suis plus moi-même depuis longtemps et je ponds ce truc sur le Velvet en puisant largement dans un papelard d’Actuel lu peu auparavant. Sur le Velvet, on ne savait pas grand-chose, pour ne pas dire rien…  on en a davantage parlé ensuite que sur le moment…fut un temps, toute la chanson française aphone semblait  les aimer, c’était du dernier chic ! Pas trop le cas sur l’instant, l’adulation du Velvet, pour certains, m’a toujours étonné, comme s’ils ne savaient pas bien de quoi il retournait. Conduisant indirectement  à la détestable reformation de la Fondation Cartier, toute cette douteuse honorabilité de façade relayée par certains notables ou cadors politiques, manière de mourir une seconde fois…

Bernard Delgoulet qui tient la Démothèque, incontournable boutique Périgourdine, était également impliqué dans le Zine. Côté lecture, à l’époque, je fais comme tout le monde, je lis Best et R’n’FExtra aussi, sans doute, mais c’est plus poussif, niveau écriture…je dévore aussi régulièrement Actuel ou Le Parapluie, la publication de Henri-Jean Henu, où l’on parle cinéma expérimental, peinture, littérature ou poésie. Et musique, également, ça allait de soi…je suis alors assez sensible, c’est un euphémisme, à ce que l’on appelle la contre-culture…mais je ne collectionne pas du tout, mon mode de vie un peu nomade m’interdit de trop accumuler…je le vais le faire plus tard, vers 76/77, où quelques années durant, j’ai gardé des Best et R’n’F, essentiellement à cause des papiers de Philippe Garnier, pour le second nommé !  Et avec le recul, je regrette n’avoir pas conservé mes exemplaires du Parapluie, témoignages, pour moi, d’une époque riche en découvertes.  Jonas Mekas, Michaux, Keneth Anger, etc….c’était un formidable ascenseur pour autre chose !

 Une année plus tard, tu te lances dans la musique. Ne maitrisant aucun instrument (est-ce toujours le cas ?), tu deviens chanteur. Peux-tu nous parler du groupe Bysance et de ta tournée en Espagne ?

Me lancer dans la musique, ce n’est pas exactement la bonne formule…j’ai plutôt fait ça en trottinant ! En fait, je fréquentais alors une bande de copains plus ou moins musiciens ou aspirant à l’être, un seul, d’ailleurs, en a fait son métier,  l’idée d’un groupe a germé, je ne sais plus d’où, et ne jouant de rien, j’ai été bombardé chanteur puisqu’il en fallait bien un. Byzance, avec un Z, c’était plus une idée, un concept qu’une réalité tangible…, une bande de potes très désorganisée, on a assez peu joué. 

1974 - époque Byzance
Durant l’été 74, on a effectivement passé deux mois en Espagne, mais parler d’une tournée est assez loin de la vérité. En fait, nous avions fait la connaissance, à Périgueux, de quelqu’un ayant le contact direct d’un club à Cadaquès, en Catalogne, tout près de Port Lligat où vivait Dali, le dit club nous engageant pour deux, trois soirées, je ne me souviens plus vraiment. Et nous sommes partis là-bas sur cette seule base, persuadés qu’une fois sur place, nous n’aurions qu’à nous présenter ici ou là pour être engagés…de vrais Pieds Nickelés ! Evidemment, ça ne s’est absolument passé comme ça et nous avons vite abandonné la déjà affreuse Costa Brava et ses HLM à touristes pour le pays Basque et la Cantabrie, où j’avais déjà quelques contacts pour y avoir, comme D.J., fait de longs séjours les années précédentes. Là, on a pris un tourneur / Manager qui nous a trouvé quelques dates dans des clubs autour de Bilbao en insistant lourdement pour que l’on apprenne Tubular Bells, grande scie du moment suite au succès de l’Exorciste. Ce  afin d’expurger ces reprises des Kinks, Troggs, Stones qui faisaient l’épine dorsale de notre set et que lui trouvait totalement has-been. IL avait sans doute raison. Nous, on se débrouillait avec. Sauf dans les lieux plus permissifs où alors, c’était impro totale, façon Can de troisième zone, ce que je détestais. Je ne me sentais pas l’âme de Damo Suzuki, je manquais d’assise, de confiance, et sans doute de talent, faut bien l’avouer…improviser au chant, ça ne s’improvise pas, si j’ose dire….enfin, ce séjour Espagnol a été un flamboyant fiasco avec beaucoup de rigolades, éclats de voix et quelques drames épiques, également.  Dont une nuit en prison à Castro-Urdiales, en Cantabrie, où sur les sept que nous étions ( nous avions deux copains roadies/accompagnateurs ) cinq furent enfermés, il y a eu un Guardia Civil flingué par l’ETA à quelques mètres de l’endroit où nous jouions peu auparavant,  un accident de van aussi avec des dégâts conséquents et de récurrents problèmes de famine, on crevait littéralement la dalle, pour tout dire, une misère noire…nous n’étions pas très épais en partant, nous l’étions encore moins au retour. Traversé par des soucis autant fonctionnels que relationnels, le groupe a splitté quelques mois plus tard. Sans doute dommage, y’avait un certain potentiel  - là, je ne parle pas de moi ! – mais le bassiste, Jean-Louis, était une forte tête qui détestait répéter et il n’y avait pas vraiment de visées communes, nos goûts et aspirations étaient sans doute trop éloignées. Par ailleurs, je ne joue toujours d’aucun instrument, à part du clavier, maladroitement, passé de celui de la machine à écrire à celui de l’ordinateur que je martyrise avec seulement deux, trois doigts, un peu comme un guitariste éternellement débutant ne connaissant qu’une paire d’accords !  Mais comme disait Lou Reed, dont on sait le sens de la mesure, trois accords, c’est déjà du jazz !

Tes frères ont eu plus de succès dans cette veine-là, qu’est-ce-qui t’a manqué à ton avis pour ne pas réussir une carrière musicale ? (Si tu réponds le talent, on aimerait juger ;) … Je suis certain qu’un enregistrement doit trainer chez toi !)

D’abord, mes frères Philippe et Didier sont musiciens, ce que je ne suis pas et ils ont eu l’opportunité de s’exprimer dans des contextes musicaux où tout le monde était à peu près d’accord sur la direction musicale à suivre, que ce soient les Pretty Boys, les Scuba Drivers, Plain Raw, peut-être plus difficilement  Noisy Neighbors, jusqu’à Gun Egg Fryer aujourd’hui, dont j’aime beaucoup la démarche et l’originalité, et où ils sont largement impliqués dans l’écriture et la couleur générale…et quand Philippe, sans Didier, passe des Thompson Rollets aux Real Cool Killers à Clermont, je pense qu’il est nettement plus à l’aise avec la musique des seconds…chez mes frères, y’a une constante, depuis le garage de mes parents, il y a longtemps, jusqu’à aujourd’hui, ils n’ont jamais vraiment arrêtés. Ils répètent, composent, donnent vie à un projet quasiment à chaque fois. 

Je suis très admiratif de ce qu’ils font. Ils sont réellement talentueux et n’en ont jamais fait des tonnes.  Moi, je n’ai pas connu d’équivalence, Byzance ayant été ma seule expérience, c’était plutôt fantomatique…au retour d’Espagne, je n’ai pas souvenir d’une seule répétition, et je n’ai aucun enregistrement  - à mon grand soulagement, je dois confesser – à l’époque, s’enregistrer n’était pas aussi facile que ça l’est aujourd’hui et chez nous, c’est rien de le dire, les occasions  étaient plutôt rares….Je connais quelqu’un qui a un enregistrement d’un concert donné à l’automne 74, me semble-t-il, dans un Lycée Agricole en banlieue de Périgueux, mais on n’entend pas le chant, le batteur du groupe avec qui on partageait l’affiche avait inversé le micro chant avec un de ceux utilisés pour ses cymbales, une embrouille de ce genre, et mon chant ne passait pas ou extrêmement mal. Et je reste intimement persuadé que le monde ne s’en porte pas plus mal, ce n’est pas comme si j’avais été un nouveau Roy Orbison….

C’est à la même époque que tu découvres le Nuggets de Lenny Kaye, ou est-ce-que cela s’est passé en 76 lors de sa réédition ? As-tu déjà écrit un article dessus, peux-tu nous parler ce que cette compilation a représenté pour toi ?

Ah non, Nuggets, c’est 72, je le découvre à sa sortie, quasiment, grâce à un garçon, disparu aujourd’hui, Claude Gindre, qui a beaucoup œuvré pour faire vivre la ville au début des années 70, c’est par son intermédiaire que j’avais écrit ce papelard dans l’Acidulé, le zine susmentionné et c’est lui qui me prête ce double-album peu de temps après sa parution, je ne sais pas où il l’avait choppé, mais c’était l’import Elektra, au carton rigide, et pour moi, c’est une sorte d’extase, c’est pile ce que j’aime !  Avec des groupes que je connais déjà, je ne tombe pas totalement des nues, non plus… Shadows Of Knight, Electric Prunes, Amboy Dukes, Nazz, je connais, j’ai déjà écouté, les Standells, les Blues Magoos, pareil…mais la mise en perspective, la variété de tout ça, kaléidoscope fascinant, c’est un choc, ça permet de mesurer toute la richesse d’une époque révolue et pourtant relativement proche. À ce moment-là, on est à peine cinq, six ans après, c’est rien… donc à partir de là, je vais lentement me focaliser sur ce petit monde, trouver les originaux ou les repress quand il y en a, me documenter, approfondir la question, en quelque sorte, c’est vraiment un disque qui m’a permis de mieux situer mes goûts réels, pas ceux parfois imposés par la fréquentation des autres…


Pour autant, je n’ai jamais rien écrit dessus, où je ne m’en souviens pas, mais ça a été un disque essentiel, j’aime bien le réécouter de temps en temps. Et puis, c’est aussi la découverte de Lenny Kaye, rock-critic dont j’ignore tout à l’époque, que l’on va voir réapparaitre avec Patti Smith, à peine trois ans plus tard. Avec les frères Saillard, mes futurs colocs Parisiens, nous sommes allés la voir en 2CV – 1000 bornes aller-retour   -  lors de son passage à l’Elysée Montmartre, au printemps 76, avec Bijou en ouverture. Et Lenny Kaye est bien sûr de la partie ! Que l’on a sans doute pas mal importuné, avec Christophe, l’un des deux frères évoqués, après l’avoir reconnu dans le public du Marquee à Londres en fin d’été 78, où, comme nous, il était venu applaudir les Pirates de Mick Green. Passablement imbibés, nous étions aller le voir en insistant lourdement sur notre souhait impératif d’un Nuggets Vol 2, il était resté d’un stoïcisme et d’une courtoisie à toute épreuve, tout en nous faisant poliment comprendre qu’il avait, à ce moment-là, bien d’autres chats à fouetter. J’ai un peu honte quand j’y repense…Oh Demon Alcohol !  

En 1977, tu es aux Etats-Unis, tu y découvres les Sonics et arrive à interviewer Miriam Linna des Cramps. Comment t’es-tu retrouvé dans ce pays. Quelles ont été tes autres grands moments musicaux là-bas ? N’était-ce peut-être pas plutôt l’année où se retrouver à Londres aurait été mieux ? D’ailleurs es-tu plus musique Américaine ou Anglaise ?

Ce n’est pas tout à fait ça…. en 77, je vis à Paris, mais je passe effectivement un mois aux Etats-Unis, en Octobre, pour être précis. Je n’ai pas du tout interviewé Miriam Linna à ce moment-là, mais plus tard, lors de la rédaction de ma bio des Cramps, et par mail, tout simplement. Aller aux USA était un vieux rêve qui a fini par prendre forme à ce moment-là, simplement parce que j’avais un peu plus de moyens financiers qu’auparavant. Et aussi parce que j’avais le contact d’une ex-petite amie Bergeracoise vivant alors dans l’Ohio, à Toledo, précisément, où nous avons passé une quinzaine de jours ponctués de virées à Detroit, Chicago ou Ann Arbor, coin très cosy qu’à cause des Stooges, je tenais pour une zone incontrôlable, on a même fait un tour au Canada, en face de Detroit, sorte d’Amérique bis avec les mêmes bagnoles et les mêmes maisons…à Chicago, nous avons dormi chez une vieille dame qui avait connu l’époque Al Capone, c’était assez fascinant, nous sommes aussi allés au marché aux puces vers Maxwell street, avec le bluesman de service jouant dans la rue. Et sacrément bien. Puis après avoir quitté l’Ohio, le double LP Live At The Rat étant notre bible musicale du moment, nous sommes partis passer la semaine suivante à Boston. 

S’il n’y avait rien de particulier au Rat, nous avons eu la grande chance, 3 soirs de suite,  de voir les Real Kids partageant l’affiche avec DMZ, dans un endroit nommé le Club à Cambridge, de l’autre côté de la rivière Charles, la fameuse Dirty Water des Standells. Souvenir marquant, j’ai revu les Real Kids depuis, mais ils n’ont jamais été aussi bons que ces trois soirs…la dope ne les avaient pas encore trop attaqué, enfin surtout Felice et Alpo ! Nous avons aussi passé une soirée au mythique Cantone’s , le rade évoqué par Garnier dans un de ses papelards, il y avait le Shane Champagne Band au programme, avec Ricky Rothschild, le futur batteur des Confessions de Willie Loco, et hormis les serveuses,  un dealer de coke et nous deux, y’avait pas un rat….ça dégonflait un peu le mythe ! Ensuite, ayant sympathisé avec les Real Kids  - surtout avec Alpo le bassiste  - on les a à nouveau rencontrés à New York la semaine suivante. Accompagnant le même Alpo, nous avons même eu l’heureuse surprise de nous retrouver dans le petit appart’ de Marty Thau, le boss de Red Star, leur label,  où le groupe au complet écoutait les mixes du 1er album, allant jusqu’à nous demander notre avis à propos de Reggae- Reggae, entre autres. Nous n’avions pas trop d’opinions, surtout que circulaient en permanence des joints gros comme des cigares cubains, ce qui n’aidait pas à la réflexion posée ! Puis nous avons  filé dans un college où se produisaient les Modern Lovers de Jonathan Richman, qui était dans sa phase petit dinosaure en jouant le plus doucement possible…il demandait régulièrement à Leroy Radcliffe de se baisser, alors qu’on l’entendait à peine, c’était un peu déconcertant. Après le concert, nous avons  tous été backstage où Felice nous a présenté à Jonathan, lui précisant, bien entendu, que nous étions Français, nous avons alors eu droit à une chanson de Maurice Chevalier, t’imagines notre embarras…j’aurais dû lui raconter venir d’une ville où, à la libération, le même Chevalier, soupçonné de grande tiédeur sous l’occupation, et arrêté par des maquisards du genre zélé, avait bien failli passer à la casserole…à l’instigation, disaient les mauvaises langues, de Joséphine Baker, déjà dans le coin, et qui aurait peu appréciée, avant-guerre, le dédain de Prosper Yop La Boom à son encontre ! Nous, ce jour-là, grosse cerise sur le petit gâteau, avons fini notre soirée au CBGB, toujours avec Thau et le groupe, invités à aller voir Suicide qui ouvrait pour les Ramones. Comme le label Red Star, également celui de Suicide, était dans le coup, j’aurais pu effectivement croiser Miriam Linna à ce moment-là, qui travaillait alors pour la boite de Marty Thau. Et si nous avions déjà vu les Ramones à Paris au printemps précédent, lors de la tournée avec Talking Heads, la découverte de Suicide live, a été un autre choc, pas que leur musique, en soi, déjà fascinante/effrayante et totalement neuve,  mais aussi leur public, ou celui venu ce soir-là, quelques travelos, plus des mecs ou filles avec des têtes à ne pas croire, vrais freaks urbains dont certains s’écrasaient des clopes sur les avant-bras…manière assez radicale d’arrêter de fumer ! Et nous-mêmes, avions découvert le CBGB deux, trois jours plus tôt en venant voir les Fleshtones, alors totalement inconnus, encouragé par un flyer trouvé chez Bleecker Bob, le disquaire du Village, qui évoquait un mix entre Yardbirds et Pretty Things, on s’était dit qu’on ne risquait pas grand-chose…et si on connaissait l’existence de l’endroit de réputation, nous étions de fervents lecteurs de Rock News, la publication d’Esteban et de la clique Harry Cover, aux Halles,  nous n’imaginions pas un rade aussi crade…et surtout pas que ça deviendrait, dans la tête de certains,  une sorte de mausolée punk quelques décennies plus tard. Tout comme l’hôtel Chelsea et sa petite piaule sous les toits où nous logions pour des raisons essentiellement économiques, totalement ignorants du mythe en train de se bâtir, même si on savait pertinemment, sur l’instant, que l’endroit avait été fréquenté par des musico, des poètes ou écrivains plus ou moins célèbres…c’était New York, ça nous semblait normal !  Alors, j’ai aussi été à Londres en 77, voir en particulier les Kinks au Rainbow en fin d’année, où, d’ailleurs, j’en ai été témoin, les Ramones étaient venus les saluer. 

Pour ce qui est d’une préférence supposée entre zic anglaise ou ricaine à cette époque, je dirai peut-être américaine, pour la variété de ce qui proposé, le punk-rock Anglais est plus uniforme, aux USA, ça part dans tous les sens, ça vrille, c’est bien…Devo, Père Ubu, Television, Suicide, les groupes de Boston, plus rock’n’roll que punk sans doute   - Loretta des Nervous Eaters est le meilleur morceau que Lou Reed a oublié d’écrire   -  les Slickee Boys, Mink De Ville, j’en oublie plein…Richard Hell ou les Heartbreakers, par exemple, sans doute le tout meilleur groupe dit punk vu dans ces années-là, les Sneakers, pré-DB ’s ou Alex Chilton que je découvre un peu à ce moment-là, c’est riche, vraiment…après, la nationalité importe peu, I’m Stranded des Saints est une des plus belles déflagrations de ces mois-là, et eux débarquent d’Australie en faisant presque du punk-rock sans le savoir, c’est une période vraiment excitante, t’as de nouveaux simples chaque semaine, ça vibre de partout et Paris n’est pas le pire endroit à ce moment-là pour s’en rendre compte, entre le Gibus, la Boule Noire, le Palais des Glaces ou le Bataclan, beaucoup de ces jeunes groupes – ou parfois moins jeunes, genre les Stranglers  - viennent y jouer, et je suis régulièrement aux premières loges ! 

En 2022
Quant aux Sonics, je ne les ai pas découverts là-bas, je connaissais déjà leur existence – via Garnier, une fois encore ! – mais je les ai enfin entendu, ce qui est quand même essentiel. C’était à Boston, chez Peter Greenberg, alors guitariste de DMZ, où nous avaient trainé des connaissances à lui, le son, c’était par le truchement d’une simple K7, échangée avec un de ses correspondants, tant trouver leurs disques étaient alors extrêmement compliqué…et d’étonnante manière, j’ai revu Peter à plusieurs reprises avec les Savages de Barrence Whitfield. D’ailleurs, Sabine et moi avons même été le visiter il y a quelques années, chez lui, à côté de Taos au Nouveau-Mexique, quand avec sa femme, tous deux vivaient encore là-bas.  Nous l’avons également revu à Tulle, à Bordeaux, et même ici dans la campagne locale, ainsi qu’à Périgueux même,  ou Barrence et les Savages sont venus jouer il y a plusieurs mois, c’est toujours un réel plaisir d’échanger quelques mots avec lui. De le voir en bonne forme. Et constater que l’influence des Sonics est toujours aussi prégnante dans sa musique !

Le photographe Youri Lenquette est une des personnes qui  t’a fait ensuite venir à Londres. Racontes nous ton Londres.

Alors, non, Youri ne m’a pas fait venir à Londres,  il a simplement été un court temps question, avec son appui, que je reprenne son poste d’envoyé spécial pour Best là-bas, on a même diné un soir à Paris avec Christian Lebrun, le rédac’- chef du canard, pour évoquer vaguement la question, mais ça a vite fait long feu…j’étais quand même hésitant, et Lebrun lui-même, plutôt dubitatif, n’avait pas l’air particulièrement emballé… c’était mal payé, la vie à Londres était déjà chère et Youri arrondissait ses revenus en faisant également des photos, ce qui n’entrait pas dans mes maigres compétences. La fonction a été supprimée peu après, me confortant dans l’idée que j’avais bien fait d’hésiter. 

Youri, j’avais fait sa connaissance à Paris, par le biais d’amis communs, il arrivait de Nice, si je me souviens bien, et nous avions rapidement sympathisé. On avait pas mal de goûts similaires en musique et comme il était extrêmement chaleureux et drôle, il était facile à aimer. De fait, quand il est parti s’installer  à Londres, j’allais régulièrement le voir et je lui dois quelques beaux moments, comme ce repas dans un resto Grec en compagnie du Stranglers Jean-Jacques Burnel, venu le saluer pour lui montrer sa dernière bécane, c’étaient tous les deux des fous de motos… un concert des Flying Padovanis, aussi,  dans un pub de je ne sais plus quel coin, ou outre Henri Padovani, on m’a présenté, ce soir-là, à Glen Matlock, qui a toujours été mon Pistols préféré, et comme j’aimais également beaucoup les  Rich Kids, son groupe d’après, dont j’avais vu un concert au Gibus que j’avais adoré…j’étais aux anges ! Je me souviens d’une autre concert où nous avions été ensemble, lui et moi, dans le Sud de Londres, de mémoire, voir les Gorillas fêter la sortie de leur dernier simple du moment, Move It, la reprise de Cliff Richards, le tout produit par Rat Scabies, le batteur des Damned. D’ailleurs présent ce soir-là, même si, honnêtement, y’avait pas grand monde. Jesse Hector, pourtant personnage immense, tout le monde s’en foutait ! Ce qui ne l’avait pas empêché de faire le show et de longues prêches à genoux  - Message To The World, il appelait ça  -  comme si lui et les deux autres se produisaient devant des milliers de personnes. Un mec habité. J’avais déjà vu les Gorillas dans les arènes de Mt De Marsan en 76, nous avions même discuté un moment avec eux et j’ai toujours été fasciné par ce type réellement taillé dans un autre bois, il aurait dû être mieux connu et célébré, mais il y en a tellement comme ça…j’ai un autre souvenir Londonien amusant avec Youri, nous étions aller voir une fille bossant pour  IRS, manière de récupérer en avant-première le maxi EP des Cramps  The Crusher, qui était sur le point de paraitre. La fille se faisait appeler Vermillon Sands, comme la nouvelle de J.G. Ballard, et s’était occupée du design. Personnage volubile et particulièrement sympathique, mais bon, elle avait clairement du vécu et ça se devinait facilement à ses traits un rien fatigués. Quand même un peu surpris de l’empressement de Youri à vouloir quitter les lieux malgré l’accueil plus que cordial, une fois dehors, je lui avais posé la question du pourquoi, et lui m’avait expliqué que la dame trainait la réputation de beaucoup aimer la jeunesse et qu’il la trouvait un peu trop défraichie pour se résoudre à passer à la casserole ! Moi, dans ma grande naïveté, vrai nigaud, je ne m’étais rendu compte de rien !  Mais j’allais aussi pas mal à Londres de mon côté, sans obligatoirement voir Youri qui n’était pas toujours là, et j’y allais aussi avant qu’il y soit…nous avions un Bed & Breakfast à tarif encore raisonnable dans le secteur de Pimlinco, au sud de Victoria Station, à l’époque, le programme là-bas était assez simple, on écumait les boutiques de disques  Vinyl Solution, Rock On, les Tape & Exchange, Rough Trade à Portobello, etc., y’avait de quoi faire… les pubs entre deux pour limiter le stress hydrique, et le soir, concert quand on pouvait, Nashville, 100 Club, l’Hope & Anchor, l’UFO, the Venue, en face de la gare Victoria où il m’est arrivé de voir deux, trois trucs, dont un benefit pour Zermati, alors en prison, avec une affiche assez joyeuse, Ducks de Luxe, reformé pour l’occasion, Rockpile et les Damned pour finir…j’ai aussi en mémoire un concert des Dogs à l’Hope & Anchor, ceux de Detroit, pas ceux de Rouen. Ce soir-là dans le petite file d’attente, un mec commence à me parler, très sympathique, me dit être lui-même membre des Radiators From Space, groupe un peu connu de la période, dont un guitariste finira chez les Pogues mais au bout d’un moment, je comprends vite qu’il pense être venu voir les Dogs Rouennais, je lui explique qu’il y a confusion, que ceux-là viennent des USA et qu’ils sont dans un registre un peu plus heavy, Detroit quoi…y’a une filiation…là, il rentre dans une rage folle, râlant contre l’imprécision de l’affiche, l’amateurisme des promoteurs et je crois même qu’il est parti aussi sec…enfin, on s’amusait bien ! mais je n’ai jamais habité là-bas, juste souvent séjourné….

DESSIN DE JACQUES-OLIVIER LEROY POUR LES CRAMPS POUR L'AMOUR D'IVY

Là-bas, tu rencontres aussi Lindsay Hutton, responsable du fan club des Cramps. Tu aurais d’ailleurs dû le remplacer à ce poste ou est-ce une fausse information ?  Des USA à Londres, les Cramps sont très présents pour toi à cette époque. Que représentaient-ils à tes yeux ?

Alors non, ça n’est pas tout à fait ça…j’ai effectivement rencontré Lindsay Hutton, mais à Leeds, pas à Londres et il a juste été envisagé un temps, que je sois le responsable de la branche Française du fan-club des Cramps dont il s’occupait depuis l’Ecosse, avant qu’un léger différent ne l’oppose au couple  - une péripétie que je survole rapidement dans ma bio du groupe  - et que l’activité de son fan-club cesse. Là encore, je crois que l’idée de ma candidature devait beaucoup à Youri, même si j’étais moi-même déjà en contact épistolaire avec Lindsay via son zine Next Big Thing et Legion Of The Cramped, bulletin du fan-club, dont j’étais membre. 

Lui-même m’a présenté à Lux & Ivy suite au concert de Leeds, mais je n’ai su qu’après coup qu’il y avait également cette fille de Rouen sur l’affaire, petite amie de Dominique des Dogs, à ce qu’il me semble, et qui était également pressentie…elle a d’ailleurs poussée le bouchon bien plus loin que moi en éditant un zine, Who’s Behind The Mask, une chose que je n’ai pas faite ! Mais j’ai fini par écrire un bouquin, ce qui est sans doute le mieux pour clore ce petit chapitre de mon existence….et malgré tout, cette escapade à Leeds m’a permis de croiser Matt, un des mecs du zine The Story So Far, où écrivait parfois Nikki Sudden, Matt pigeait également pour le NME, j’ai aussi fait la connaissance de  l’illustrateur Chris Guido, mort depuis,  ou encore Nina Antonia, sa compagne d’alors, qui a ensuite biographé Johnny Thunders, les Dolls ou Peter Perrett et les Only Ones, elle pleurait beaucoup, cette nuit-là, n’avait pas l’air dans son assiette….puis, comme je disais, la complicité du couple Lux/Ivy avec Lindsay s’est rapidement éteinte, le fan-club avec, et l’idée pour moi d’en assumer la branche française s’est envolée à ce moment-là ! N’empêche que  les Cramps à cette période précise, c’est magique, des gens qui magnifient le passé pour en faire quelque chose de totalement moderne, j’ai eu la chance de les voir avec Brian Gregory, puis avec Kid Congo, et de mon point de vue, live, ils n’ont jamais fait mieux. Y’a du mystère, un vrai brin de folie, ils sont réellement uniques, les Cramps, en ces instants, plus grands que nature, ça n’est pas que de la musique, c’est tout un univers…ils sont magnifiques, sexy, terriblement originaux et  resplendissants de noirceur équivoque, ils nous donnent entièrement raison de les aimer et d’être ce que l’on est…à côté, beaucoup de trucs semblent fades. Pour moi, quelques années durant, c’est un groupe essentiel…et c’est plus qu’un groupe, même, c’est un certain rapport à l’existence !  


 
Tu collabores ensuite au premier (et dernier) numéro du magazine Rocks en 78. Tu y écris des chroniques. N’avais-tu rien écrit sur la musique depuis « Acidulé » ?

Entre l’Acidulé et Rocks, non je ne crois pas avoir écrit…ou peut-être quelques lignes maigrelettes pour I Wanna Be Your Dog, le zine du fan-club des Stooges, à propos de notre passage à Boston, on connaissait un peu le mec via des potes communs, je ne suis pas sûr…c’est vieux ! Je me souviens de sa boutique carrelée, ancienne boucherie/charcuterie, vers le square Trudaine, c’est là où j’ai acheté Wimp des Zeros, un de mes simples préférés de toute cette période. Par contre, ce qui est certain, c’est qu’écrire là-dessus, j’avais ça en tête, à attendre bêtement l’occase…je ne suis pas très entreprenant, j’ai beaucoup de mal à me « vendre », je suis un timide mal camouflé !  Rocks, ça s’est fait par connaissances communes, là encore, le mec derrière ça, c’était Frank Peteers, autant que je me souvienne, proche des Dogs 1ere époque, et nous, à ce moment-là, on croisait souvent la petite bande qui fera paraitre le zine Zooloo But Dandy, qui dans la foulée, éditera aussi le maxi de Marc MinelliTake Me To America… le trait d’union, c’est sans doute un voisin, Olivier Lalo, qui connaissait pas mal de monde et habitait non loin de chez nous, autour de la place Wagram, à l’extrémité du blvd Malesherbes. Un des coins les plus somnolents de tout Paris. 

C’est par son entremise que Grégoire Saillard, un de mes colocs, fera cette fameuse photo de Johnny Thunders qui est sur la couve du simple Dead Or Alive, pour laquelle, il ne sera jamais crédité, et encore moins payé. C’était dans l’entrée du Gibus et j’étais à ses côtés quand la photo a été prise. De cette petite bande, je me souviens bien de Nicolas Hilling, bassiste des Go-Go Pigalles, un garçon adorable, dont on m’a dit qu’il était décédé depuis. Il était le dernier fils de l’acteur Jacques Hilling, malheureusement mort lui aussi quelques années plus tôt ! Une filmographie impressionnante,  moi qui raffole des acteurs dits de second plans, j’aurais été ravi de faire sa connaissance…cette même petite bande était également liée au groupe Warm Gun, dont j’ai toujours le EP, autre connexion (  Frank Peteers/ Paul Pechenaert ) avec les Dogs du début, je crois qu’un des frères Lemarchand, futur batteur de Parabellum, est passé là-dedans….en tout cas, Rocks, c’est comme mon histoire de fan-club des Cramps, une histoire très éphémère…le local a brûlé, un truc vasouillard comme ça, je n’ai jamais trop su, et mon rôle était tellement mineur là-dedans que je n’en ai jamais appris davantage…mais alors que nous préparions le second n°, en allant interviewer le Blue Oyster Club suite à son concert au Pavillon de Pantin, d’ailleurs très chiant avec une profusion de lasers à mourir d’ennui, backstage, Olivier et moi avions noté la présence du Sonic’s RDV Band sans Scott Morgan, mais avec Scott Thurston, groupe en compagnie de qui nous avions passé le reste de la nuit à trainer dans Paris, tentant de mettre la main sur un peu de coke, la seule ambition qui semblait les animer sur l’instant….Fred Smith et Scott Asheton ne disaient pas grand-chose, des mutiques grand format, constamment renfrognés,  Thurston, lui,  était plutôt du genre railleur,  par moment à peu près aussi aimable qu’une chaude-pisse, il a fini chez Tom Petty, ce qui, de la part de ses anciens comparses,  lui a valu, à son tour, son lot de railleries. Mais un compte en banque certainement mieux alimenté… seul Gary Rasmussen était vraiment sympa, direct  et chaleureux…en fait, ils étaient là pour prochainement accompagner Iggy ! Qui faisait précisément la une de cet unique numéro de Rocks, comme quoi, tout se recoupe. Et c’est indirectement grâce à ce Rocks mort-né que j’ai un soir croisé le Sonic’s RDV Band, groupe pour lequel j’ai conservé une indéfectible passion. En ce moment, j’écoute pas mal leur Live au Second Chance, sorti chez Easy Action, il y a une paire d’années, un enregistrement de 80, je crois, on sent, là-dessus, que ça s’essouffle un peu, c’est assez touchant …en 78, c’était économiquement compliqué, pour eux, et je ne crois pas que la tournée avec Iggy Pop soit passée par Paris…dommage, j’aurais bien aimé voir ça. En tout cas, des années après, je ne sais toujours pas qui a réglé la copieuse note à la Coupole où nous avions transité en cours de nuit….pas moi, en tout cas, j’y aurais sans doute laissé mon salaire d’alors !!

(À suivre)


Deuxième partie




Commentaires

Bertrand Tappaz a dit…
Je veux bien signer la pétition pour que Monsieur Alain Feydri écrive un livre sur le Fanzinat Rock en France !