ALAIN FEYDRI - INTERVIEW (1/2) : "nous avons eu la grande chance, 3 soirs de suite, de voir les Real Kids partageant l’affiche avec DMZ"
DESSIN DE JACQUES-OLIVIER LEROY POUR AZERTY BLUES |
Oh, je crois qu’il n’y a qu’un seul Ramones né en 52, mais tu as aussi le totémique Johnny Thunders, Peter Laughner de Père Ubu, également, né en Août, comme moi. Ou encore Jerry Shirley, le batteur d’Humble Pie qui a joué sur le deuxième LP de Syd Barrett, ce qui n’est pas rien dans ma mythologie personnelle ! Ou bien Andy Fraser, le bassiste de Free. Que j’ai vu deux fois à l’automne 69, au Golf Drouot et à l’Olympia, réalisant peu après que nous avions quasiment le même age, ce qui m’avait alors sérieusement épaté. Et il doit y en avoir plusieurs autres. Les fameux baby-boomers.
Je suis moi-même né à Périgueux dans le vieux quartier historique jouxtant la cathédrale, où j’ai vécu jusqu’en septembre 56, date à laquelle mes parents, passant du statut de locataires à celui de propriétaires, se sont installés dans une modeste maison du quartier des Maurilloux, dans la proche banlieue Est. Sorte de gros village à l’époque, où tout le monde se connait plus ou moins. J’y ai passé l’essentiel de mon enfance et début d’adolescence. Coin que j’ai quitté au début de l’été 69, j’allais avoir 17 ans !
Je ne me figure pas particulièrement de voies communes avec Strummer, ou Marky Ramone - le seul faux-frère de 52 ! - nos environnements étant si différents, je pense que c’est tout simplement l’air du temps, on a grandi parallèlement à cette musique, c’est presque normal que cela nous soit tombé dessus. Même si, de mon côté, petit bouseux mal dégrossi du Périgord, rien ne semblait sociologiquement m’y prédisposer, mais l’après-guerre, années 50, début des années 60, c’est aussi, la télé aidant, un déferlement culturel anglo-saxon, US essentiellement . Via la musique et le cinoche en premier lieu. Je le dis souvent, mais je suis quand même un peu le produit de tout ça ! Et loin d’être le seul dans ce cas. J’ajoute que, sur le moment, je n’en ai absolument pas conscience, bien entendu !
Ton groupe révélateur a été les Kinks, on aime beaucoup mettre en avant les grands noms de la musique. Pour toi les groupes « formateurs » sont les Kinks, les Stones et les Who. Quels sont tes péchés musicaux de cette époque, les 45t que tu t’efforces de cacher lors des visites ?
Oui, Kinks et Who, via deux EPs, Mr Pleasant & Pictures Of Lily, furent mes premiers disques achetés, c’est la pure vérité, comme mon 1er 33t fut la version Française du Face To Face des Kinks, plus prudemment rebaptisé ici Sunny Afternoon ! Après, il faut remettre les choses dans leur contexte, Stones, Kinks, Who, entre 65 et 67, quand je commence à m’intéresser à tout ça, je n’ai pas grand mérite, ça n’a rien d’extravagant, c’est simplement dans l’air du temps, ce sont des groupes qui ont du succès, qui sont très populaires, que tu entends à la radio, dans les juke-boxes, tu vois leurs disques dans les boums où tu peux être invité, chez tes copains, ou chez les copains de tes copains, et je ne te parle même pas des Beatles qui sont omniprésents…aujourd’hui, il est de bon ton de les dénigrer, mon camarade Patrick Foulhoux adore faire ça, le consensus autour d’eux l’encourage, mais ils ont eu un rôle déterminant dans l’évolution et la maturation de cette musique.
Avec Patrick Foulhoux, 2021- Photo A. Bossut |
En 1972, tu as écrit ton premier article dans le fanzine « Acidulé ». Tu as déclaré qu’il était inspiré d’un article publié sur le Velvet Underground dans le magazine « Actuel ». Quels ont été tes autres lectures musicales françaises à l’époque ? Etais-tu du genre à découper les articles, ou plutôt conserver ces magazines ? D’ailleurs es-tu collectionneur ?
Ah, ah, plus qu’inspiré, littéralement pompé oui….pour la découverte du Velvet, mon cheminement a été un peu à contre-sens, j’ai d’abord entendu le troisième album, début 70, le premier sans John Cale, c’était à Paris, du côté d’Art & Métiers, dans l’appart’ d’un couple assez mystérieux chez qui j’étais allé avec un lointain cousin alors aux Beaux-Arts, qui, par la suite est devenu secrétaire/garde du corps de Denny Laine, l’ex-Moody Blues, a fait de la prison aux Baumettes avant de mourir prématurément, en considérable surpoids, dans une misère noire, un roman à lui seul…
Vers 72 époque l'Acidulé |
Bernard Delgoulet qui tient la Démothèque, incontournable boutique Périgourdine, était également impliqué dans le Zine. Côté lecture, à l’époque, je fais comme tout le monde, je lis Best et R’n’F, Extra aussi, sans doute, mais c’est plus poussif, niveau écriture…je dévore aussi régulièrement Actuel ou Le Parapluie, la publication de Henri-Jean Henu, où l’on parle cinéma expérimental, peinture, littérature ou poésie. Et musique, également, ça allait de soi…je suis alors assez sensible, c’est un euphémisme, à ce que l’on appelle la contre-culture…mais je ne collectionne pas du tout, mon mode de vie un peu nomade m’interdit de trop accumuler…je le vais le faire plus tard, vers 76/77, où quelques années durant, j’ai gardé des Best et R’n’F, essentiellement à cause des papiers de Philippe Garnier, pour le second nommé ! Et avec le recul, je regrette n’avoir pas conservé mes exemplaires du Parapluie, témoignages, pour moi, d’une époque riche en découvertes. Jonas Mekas, Michaux, Keneth Anger, etc….c’était un formidable ascenseur pour autre chose !
Une année plus tard, tu te lances dans la musique. Ne maitrisant aucun instrument (est-ce toujours le cas ?), tu deviens chanteur. Peux-tu nous parler du groupe Bysance et de ta tournée en Espagne ?
Me lancer dans la musique, ce n’est pas exactement la bonne formule…j’ai plutôt fait ça en trottinant ! En fait, je fréquentais alors une bande de copains plus ou moins musiciens ou aspirant à l’être, un seul, d’ailleurs, en a fait son métier, l’idée d’un groupe a germé, je ne sais plus d’où, et ne jouant de rien, j’ai été bombardé chanteur puisqu’il en fallait bien un. Byzance, avec un Z, c’était plus une idée, un concept qu’une réalité tangible…, une bande de potes très désorganisée, on a assez peu joué.
1974 - époque Byzance |
Tes frères ont eu plus de succès dans cette veine-là, qu’est-ce-qui t’a manqué à ton avis pour ne pas réussir une carrière musicale ? (Si tu réponds le talent, on aimerait juger ;) … Je suis certain qu’un enregistrement doit trainer chez toi !)
D’abord, mes frères Philippe et Didier sont musiciens, ce que je ne suis pas et ils ont eu l’opportunité de s’exprimer dans des contextes musicaux où tout le monde était à peu près d’accord sur la direction musicale à suivre, que ce soient les Pretty Boys, les Scuba Drivers, Plain Raw, peut-être plus difficilement Noisy Neighbors, jusqu’à Gun Egg Fryer aujourd’hui, dont j’aime beaucoup la démarche et l’originalité, et où ils sont largement impliqués dans l’écriture et la couleur générale…et quand Philippe, sans Didier, passe des Thompson Rollets aux Real Cool Killers à Clermont, je pense qu’il est nettement plus à l’aise avec la musique des seconds…chez mes frères, y’a une constante, depuis le garage de mes parents, il y a longtemps, jusqu’à aujourd’hui, ils n’ont jamais vraiment arrêtés. Ils répètent, composent, donnent vie à un projet quasiment à chaque fois.
Je suis très admiratif de ce qu’ils font. Ils sont réellement talentueux et n’en ont jamais fait des tonnes. Moi, je n’ai pas connu d’équivalence, Byzance ayant été ma seule expérience, c’était plutôt fantomatique…au retour d’Espagne, je n’ai pas souvenir d’une seule répétition, et je n’ai aucun enregistrement - à mon grand soulagement, je dois confesser – à l’époque, s’enregistrer n’était pas aussi facile que ça l’est aujourd’hui et chez nous, c’est rien de le dire, les occasions étaient plutôt rares….Je connais quelqu’un qui a un enregistrement d’un concert donné à l’automne 74, me semble-t-il, dans un Lycée Agricole en banlieue de Périgueux, mais on n’entend pas le chant, le batteur du groupe avec qui on partageait l’affiche avait inversé le micro chant avec un de ceux utilisés pour ses cymbales, une embrouille de ce genre, et mon chant ne passait pas ou extrêmement mal. Et je reste intimement persuadé que le monde ne s’en porte pas plus mal, ce n’est pas comme si j’avais été un nouveau Roy Orbison….
C’est à la même époque que tu découvres le Nuggets de Lenny Kaye, ou est-ce-que cela s’est passé en 76 lors de sa réédition ? As-tu déjà écrit un article dessus, peux-tu nous parler ce que cette compilation a représenté pour toi ?
Ah non, Nuggets, c’est 72, je le découvre à sa sortie, quasiment, grâce à un garçon, disparu aujourd’hui, Claude Gindre, qui a beaucoup œuvré pour faire vivre la ville au début des années 70, c’est par son intermédiaire que j’avais écrit ce papelard dans l’Acidulé, le zine susmentionné et c’est lui qui me prête ce double-album peu de temps après sa parution, je ne sais pas où il l’avait choppé, mais c’était l’import Elektra, au carton rigide, et pour moi, c’est une sorte d’extase, c’est pile ce que j’aime ! Avec des groupes que je connais déjà, je ne tombe pas totalement des nues, non plus… Shadows Of Knight, Electric Prunes, Amboy Dukes, Nazz, je connais, j’ai déjà écouté, les Standells, les Blues Magoos, pareil…mais la mise en perspective, la variété de tout ça, kaléidoscope fascinant, c’est un choc, ça permet de mesurer toute la richesse d’une époque révolue et pourtant relativement proche. À ce moment-là, on est à peine cinq, six ans après, c’est rien… donc à partir de là, je vais lentement me focaliser sur ce petit monde, trouver les originaux ou les repress quand il y en a, me documenter, approfondir la question, en quelque sorte, c’est vraiment un disque qui m’a permis de mieux situer mes goûts réels, pas ceux parfois imposés par la fréquentation des autres…
En 1977, tu es aux Etats-Unis, tu y découvres les Sonics et arrive à interviewer Miriam Linna des Cramps. Comment t’es-tu retrouvé dans ce pays. Quelles ont été tes autres grands moments musicaux là-bas ? N’était-ce peut-être pas plutôt l’année où se retrouver à Londres aurait été mieux ? D’ailleurs es-tu plus musique Américaine ou Anglaise ?
Ce n’est pas tout à fait ça…. en 77, je vis à Paris, mais je passe effectivement un mois aux Etats-Unis, en Octobre, pour être précis. Je n’ai pas du tout interviewé Miriam Linna à ce moment-là, mais plus tard, lors de la rédaction de ma bio des Cramps, et par mail, tout simplement. Aller aux USA était un vieux rêve qui a fini par prendre forme à ce moment-là, simplement parce que j’avais un peu plus de moyens financiers qu’auparavant. Et aussi parce que j’avais le contact d’une ex-petite amie Bergeracoise vivant alors dans l’Ohio, à Toledo, précisément, où nous avons passé une quinzaine de jours ponctués de virées à Detroit, Chicago ou Ann Arbor, coin très cosy qu’à cause des Stooges, je tenais pour une zone incontrôlable, on a même fait un tour au Canada, en face de Detroit, sorte d’Amérique bis avec les mêmes bagnoles et les mêmes maisons…à Chicago, nous avons dormi chez une vieille dame qui avait connu l’époque Al Capone, c’était assez fascinant, nous sommes aussi allés au marché aux puces vers Maxwell street, avec le bluesman de service jouant dans la rue. Et sacrément bien. Puis après avoir quitté l’Ohio, le double LP Live At The Rat étant notre bible musicale du moment, nous sommes partis passer la semaine suivante à Boston.
Pour ce qui est d’une préférence supposée entre zic anglaise ou ricaine à cette époque, je dirai peut-être américaine, pour la variété de ce qui proposé, le punk-rock Anglais est plus uniforme, aux USA, ça part dans tous les sens, ça vrille, c’est bien…Devo, Père Ubu, Television, Suicide, les groupes de Boston, plus rock’n’roll que punk sans doute - Loretta des Nervous Eaters est le meilleur morceau que Lou Reed a oublié d’écrire - les Slickee Boys, Mink De Ville, j’en oublie plein…Richard Hell ou les Heartbreakers, par exemple, sans doute le tout meilleur groupe dit punk vu dans ces années-là, les Sneakers, pré-DB ’s ou Alex Chilton que je découvre un peu à ce moment-là, c’est riche, vraiment…après, la nationalité importe peu, I’m Stranded des Saints est une des plus belles déflagrations de ces mois-là, et eux débarquent d’Australie en faisant presque du punk-rock sans le savoir, c’est une période vraiment excitante, t’as de nouveaux simples chaque semaine, ça vibre de partout et Paris n’est pas le pire endroit à ce moment-là pour s’en rendre compte, entre le Gibus, la Boule Noire, le Palais des Glaces ou le Bataclan, beaucoup de ces jeunes groupes – ou parfois moins jeunes, genre les Stranglers - viennent y jouer, et je suis régulièrement aux premières loges !
En 2022 |
Le photographe Youri Lenquette est une des personnes qui t’a fait ensuite venir à Londres. Racontes nous ton Londres.
Alors, non, Youri ne m’a pas fait venir à Londres, il a simplement été un court temps question, avec son appui, que je reprenne son poste d’envoyé spécial pour Best là-bas, on a même diné un soir à Paris avec Christian Lebrun, le rédac’- chef du canard, pour évoquer vaguement la question, mais ça a vite fait long feu…j’étais quand même hésitant, et Lebrun lui-même, plutôt dubitatif, n’avait pas l’air particulièrement emballé… c’était mal payé, la vie à Londres était déjà chère et Youri arrondissait ses revenus en faisant également des photos, ce qui n’entrait pas dans mes maigres compétences. La fonction a été supprimée peu après, me confortant dans l’idée que j’avais bien fait d’hésiter.
Youri, j’avais fait sa connaissance à Paris, par le biais d’amis communs, il arrivait de Nice, si je me souviens bien, et nous avions rapidement sympathisé. On avait pas mal de goûts similaires en musique et comme il était extrêmement chaleureux et drôle, il était facile à aimer. De fait, quand il est parti s’installer à Londres, j’allais régulièrement le voir et je lui dois quelques beaux moments, comme ce repas dans un resto Grec en compagnie du Stranglers Jean-Jacques Burnel, venu le saluer pour lui montrer sa dernière bécane, c’étaient tous les deux des fous de motos… un concert des Flying Padovanis, aussi, dans un pub de je ne sais plus quel coin, ou outre Henri Padovani, on m’a présenté, ce soir-là, à Glen Matlock, qui a toujours été mon Pistols préféré, et comme j’aimais également beaucoup les Rich Kids, son groupe d’après, dont j’avais vu un concert au Gibus que j’avais adoré…j’étais aux anges ! Je me souviens d’une autre concert où nous avions été ensemble, lui et moi, dans le Sud de Londres, de mémoire, voir les Gorillas fêter la sortie de leur dernier simple du moment, Move It, la reprise de Cliff Richards, le tout produit par Rat Scabies, le batteur des Damned. D’ailleurs présent ce soir-là, même si, honnêtement, y’avait pas grand monde. Jesse Hector, pourtant personnage immense, tout le monde s’en foutait ! Ce qui ne l’avait pas empêché de faire le show et de longues prêches à genoux - Message To The World, il appelait ça - comme si lui et les deux autres se produisaient devant des milliers de personnes. Un mec habité. J’avais déjà vu les Gorillas dans les arènes de Mt De Marsan en 76, nous avions même discuté un moment avec eux et j’ai toujours été fasciné par ce type réellement taillé dans un autre bois, il aurait dû être mieux connu et célébré, mais il y en a tellement comme ça…j’ai un autre souvenir Londonien amusant avec Youri, nous étions aller voir une fille bossant pour IRS, manière de récupérer en avant-première le maxi EP des Cramps The Crusher, qui était sur le point de paraitre. La fille se faisait appeler Vermillon Sands, comme la nouvelle de J.G. Ballard, et s’était occupée du design. Personnage volubile et particulièrement sympathique, mais bon, elle avait clairement du vécu et ça se devinait facilement à ses traits un rien fatigués. Quand même un peu surpris de l’empressement de Youri à vouloir quitter les lieux malgré l’accueil plus que cordial, une fois dehors, je lui avais posé la question du pourquoi, et lui m’avait expliqué que la dame trainait la réputation de beaucoup aimer la jeunesse et qu’il la trouvait un peu trop défraichie pour se résoudre à passer à la casserole ! Moi, dans ma grande naïveté, vrai nigaud, je ne m’étais rendu compte de rien ! Mais j’allais aussi pas mal à Londres de mon côté, sans obligatoirement voir Youri qui n’était pas toujours là, et j’y allais aussi avant qu’il y soit…nous avions un Bed & Breakfast à tarif encore raisonnable dans le secteur de Pimlinco, au sud de Victoria Station, à l’époque, le programme là-bas était assez simple, on écumait les boutiques de disques Vinyl Solution, Rock On, les Tape & Exchange, Rough Trade à Portobello, etc., y’avait de quoi faire… les pubs entre deux pour limiter le stress hydrique, et le soir, concert quand on pouvait, Nashville, 100 Club, l’Hope & Anchor, l’UFO, the Venue, en face de la gare Victoria où il m’est arrivé de voir deux, trois trucs, dont un benefit pour Zermati, alors en prison, avec une affiche assez joyeuse, Ducks de Luxe, reformé pour l’occasion, Rockpile et les Damned pour finir…j’ai aussi en mémoire un concert des Dogs à l’Hope & Anchor, ceux de Detroit, pas ceux de Rouen. Ce soir-là dans le petite file d’attente, un mec commence à me parler, très sympathique, me dit être lui-même membre des Radiators From Space, groupe un peu connu de la période, dont un guitariste finira chez les Pogues mais au bout d’un moment, je comprends vite qu’il pense être venu voir les Dogs Rouennais, je lui explique qu’il y a confusion, que ceux-là viennent des USA et qu’ils sont dans un registre un peu plus heavy, Detroit quoi…y’a une filiation…là, il rentre dans une rage folle, râlant contre l’imprécision de l’affiche, l’amateurisme des promoteurs et je crois même qu’il est parti aussi sec…enfin, on s’amusait bien ! mais je n’ai jamais habité là-bas, juste souvent séjourné….
DESSIN DE JACQUES-OLIVIER LEROY POUR LES CRAMPS POUR L'AMOUR D'IVY |
Là-bas, tu rencontres aussi Lindsay Hutton, responsable du fan club des Cramps. Tu aurais d’ailleurs dû le remplacer à ce poste ou est-ce une fausse information ? Des USA à Londres, les Cramps sont très présents pour toi à cette époque. Que représentaient-ils à tes yeux ?
Alors non, ça n’est pas tout à fait ça…j’ai effectivement rencontré Lindsay Hutton, mais à Leeds, pas à Londres et il a juste été envisagé un temps, que je sois le responsable de la branche Française du fan-club des Cramps dont il s’occupait depuis l’Ecosse, avant qu’un léger différent ne l’oppose au couple - une péripétie que je survole rapidement dans ma bio du groupe - et que l’activité de son fan-club cesse. Là encore, je crois que l’idée de ma candidature devait beaucoup à Youri, même si j’étais moi-même déjà en contact épistolaire avec Lindsay via son zine Next Big Thing et Legion Of The Cramped, bulletin du fan-club, dont j’étais membre.
Lui-même m’a présenté à Lux & Ivy suite au concert de Leeds, mais je n’ai su qu’après coup qu’il y avait également cette fille de Rouen sur l’affaire, petite amie de Dominique des Dogs, à ce qu’il me semble, et qui était également pressentie…elle a d’ailleurs poussée le bouchon bien plus loin que moi en éditant un zine, Who’s Behind The Mask, une chose que je n’ai pas faite ! Mais j’ai fini par écrire un bouquin, ce qui est sans doute le mieux pour clore ce petit chapitre de mon existence….et malgré tout, cette escapade à Leeds m’a permis de croiser Matt, un des mecs du zine The Story So Far, où écrivait parfois Nikki Sudden, Matt pigeait également pour le NME, j’ai aussi fait la connaissance de l’illustrateur Chris Guido, mort depuis, ou encore Nina Antonia, sa compagne d’alors, qui a ensuite biographé Johnny Thunders, les Dolls ou Peter Perrett et les Only Ones, elle pleurait beaucoup, cette nuit-là, n’avait pas l’air dans son assiette….puis, comme je disais, la complicité du couple Lux/Ivy avec Lindsay s’est rapidement éteinte, le fan-club avec, et l’idée pour moi d’en assumer la branche française s’est envolée à ce moment-là ! N’empêche que les Cramps à cette période précise, c’est magique, des gens qui magnifient le passé pour en faire quelque chose de totalement moderne, j’ai eu la chance de les voir avec Brian Gregory, puis avec Kid Congo, et de mon point de vue, live, ils n’ont jamais fait mieux. Y’a du mystère, un vrai brin de folie, ils sont réellement uniques, les Cramps, en ces instants, plus grands que nature, ça n’est pas que de la musique, c’est tout un univers…ils sont magnifiques, sexy, terriblement originaux et resplendissants de noirceur équivoque, ils nous donnent entièrement raison de les aimer et d’être ce que l’on est…à côté, beaucoup de trucs semblent fades. Pour moi, quelques années durant, c’est un groupe essentiel…et c’est plus qu’un groupe, même, c’est un certain rapport à l’existence !
Tu collabores ensuite au premier (et dernier) numéro du magazine Rocks en 78. Tu y écris des chroniques. N’avais-tu rien écrit sur la musique depuis « Acidulé » ?
Entre l’Acidulé et Rocks, non je ne crois pas avoir écrit…ou peut-être quelques lignes maigrelettes pour I Wanna Be Your Dog, le zine du fan-club des Stooges, à propos de notre passage à Boston, on connaissait un peu le mec via des potes communs, je ne suis pas sûr…c’est vieux ! Je me souviens de sa boutique carrelée, ancienne boucherie/charcuterie, vers le square Trudaine, c’est là où j’ai acheté Wimp des Zeros, un de mes simples préférés de toute cette période. Par contre, ce qui est certain, c’est qu’écrire là-dessus, j’avais ça en tête, à attendre bêtement l’occase…je ne suis pas très entreprenant, j’ai beaucoup de mal à me « vendre », je suis un timide mal camouflé ! Rocks, ça s’est fait par connaissances communes, là encore, le mec derrière ça, c’était Frank Peteers, autant que je me souvienne, proche des Dogs 1ere époque, et nous, à ce moment-là, on croisait souvent la petite bande qui fera paraitre le zine Zooloo But Dandy, qui dans la foulée, éditera aussi le maxi de Marc Minelli, Take Me To America… le trait d’union, c’est sans doute un voisin, Olivier Lalo, qui connaissait pas mal de monde et habitait non loin de chez nous, autour de la place Wagram, à l’extrémité du blvd Malesherbes. Un des coins les plus somnolents de tout Paris.
(À suivre)
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