ALAIN FEYDRI - INTERVIEW (2/2) : "faute de m’être enrichi, globalement, je me suis bien marré ! "

 The Adventures of Alain Feydri 😊 .... deuxième partie !

 Une de tes grandes influences journalistiques est Alain Distel de Rock & Folk, est-ce-que les maintenant  « grands classiques » des écrivains rock tels que Lester Bangs ou Greg Shaw t’ont aussi inspiré ? Qu’est-ce qui définit un bon écrivain musical d’un mauvais à ton avis ?


Oh, je ne sais pas si on peut parler d’influences, mais oui, j’ai longtemps eu une affection particulière pour Alain Dister, directement liée à l’adolescence et à ma lecture du Rock’n’Folk naissant, j’ai vraiment lu ça dès le tout début, 66/67, ça changeait de Salut Les Copains, dont un voisin plus âgé me prêtait parfois des numéros, j’étais trop jeune pour Disco-Revue   - que j’ai découvert à rebours, peu après, chez les uns ou les autres  -  et les papiers voyageurs de Dister m’envoutaient littéralement, ceux sur les USA tout spécialement, et ses photos allant avec…des années plus tard, quand je suis allé à San Francisco, j’en avais encore quelques-unes en tête…je vivais dans un environnement familial plutôt étriqué et ses périples étaient mon mode d’évasion favori du moment ! Concernant Lester Bangs et Greg Shaw, on est dans des registres différents, Greg Shaw, c’est davantage un activiste historien/encyclopédiste quasi généalogiste quand Bangs est plus proche de l’écrivain, du littérateur, capable de dire tout et son contraire, mais avec un sens du verbe et de la formule, c’est un viscéral Bangs….de toute manière, ce sont des gens que j’ai lu plus tardivement, à partir du milieu des années 70, quand on commençait à mettre la main sur des trucs comme Bomp, Creem et tout ça, j’ai dû davantage lire les Anglais, Nick Kent ou Charles Shaar Murray, via le NME, qui était un peu plus simple à trouver par ici, mais en gros, c’est quand même à mon retour à Paris, fin 76, que je me mets à lire régulièrement toute cette tribu, primo, parce qu’à Paris, on trouve ça plus aisément, et deuxio, parce que j’ai alors un peu plus de moyens financiers pour y parvenir. Influencé,  je n’en sais rien, ça n’a pas trop d’importance, je ne suis pas une célébrité, juste un petit amateur gentiment monomaniaque posé sur son coin de table….j’veux déranger personne ! Et pour la distinction entre bon et mauvais, c’est totalement subjectif, comme tout forme d’expression, selon moi, le bon, c’est celui qui m’enchante, le mauvais, c’est celui qui m’emmerde ou m’ennuie, c’est aussi simple que ça. Je ne dirai pas mauvais, d’ailleurs, mais d’un intérêt moindre.   Personnellement j’apprécie beaucoup Peter Guralnick pour la dimension humaine de ses portraits, celui qu’il a fait de Sleepy La Beef, par exemple, est un modèle du genre,  mais je suppose, qu’à bien y regarder, Nick Tosches  est le meilleur de tous !  Hellfire, t’as la mâchoire qui tombe…J’ai aussi une certaine affection pour Byron Coley, découvert via Forced Exposure et quelques notes de pochettes, je l’ai toujours trouvé percutant et drôle, mec assez tordu pour également faire une bio de Chuck Norris… toute l’ambivalence Américaine !

Aux USA en 2012

La plupart des fans français de musique ont une passion pour Philippe Garnier. Il est le « passeur » de bon goût de l’époque. Etait-ce le cas pour toi, ou étais-tu plutôt un autodidacte musical ?

La plupart des fans français de musique ? C’est une vision optimiste , je ne nous vois pas si nombreux….ce qui est certain, c’est qu’il est aimé de toute cette frange qui faisait le lectorat de Nineteen, par exemple, mais aussi de plein d’autres, des gens pour qui la culture Pop/rock ne se limite pas à la musique rock. Sans hype, ni péroraisons inutiles, le mec est nature, ça transpire dans ses écrits. Bien qu’un brin lunatique. Comme on l’est tous un peu.  Et avec son glissement progressif vers le cinéma, je pense qu’il a désormais des lecteurs qui n’ont pas la moindre idée de qui ont pu être les Real Kids, Père Ubu, Willie Alexander ou les Slickee Boys, gens qu’il a largement contribué à faire connaitre par ici…et là encore, le supposé « bon goût », c’est éminemment subjectif, ne perdons pas de vue qu’au moment où ses papiers musicaux envoyés des USA faisaient les délices de certains d’entre nous, les couves de R’n’F disaient bien à quel point il était à contrecourant…et à quel point également son lectorat propre devait être minoritaire chez les acheteurs de la revue. Je pense aujourd’hui que c’est surtout son immersion dans l’histoire d’un certain cinoche US qui lui a donné tout le crédit dont, désormais, il parait disposer. Sans minorer tout ce qu’il a fait pour une certaine littérature, depuis les évidents Bukowski, Fante ou Crumley, jusqu’à des gens comme Joe Brown, Offutt et consorts. Il a un sacré palmarès ! Alors pour ce qui me concerne, oui, je le dévorais, j’ai quasiment tous ses bouquins et il a longtemps été l’unique raison pour laquelle j’achetais R’n’F, et, pire encore, Libé, surtout après le virage July… j’ai été d’ailleurs très heureux de brièvement le rencontrer à la Cinémathèque à Paris en septembre 2022 où il a eu carte blanche plusieurs jours durant…je lui ai même refilé ce jour-là la version imprimée d’un gros papelard que j’avais rédigé pour Groovy Times, un zine en ligne, à propos des méchants du cinémas US des années 50, et qui lui devait certainement beaucoup…il l’a peut-être foutu à la corbeille, sans doute, même,  mais j’étais heureux et un peu intimidé de lui faire passer ça ! Oui, oui, il a beaucoup compté… mais pour répondre à ta question, je reste un autodidacte malgré tout, au sens littéral.  Tout ce que j’ai appris depuis, et ce bien au-delà de la musique, je l’ai appris seul ou au contact des autres, dans le désordre la plus complet, avec les livres, les disques, les films, les voyages, les rencontres et tout ce qui peut contribuer à faire de chacun ce qu’il est ! Je continue d’apprendre, on apprend toujours, dans un monde chaque jour un peu plus déprimant, ça doit faire partie des rares trucs qui donnent du encore sens au fait de se lever tous les matins…

Qu’as-tu ressenti face à l’explosion de la vidéo musicale ? À partir de la création de MTV, as-tu remarqué un changement dans la musique ? As-tu fais de grandes découvertes grâce à cette chaine de TV ?

Rien de particulier, disons qu’au début, c’était l’occase d’apercevoir des groupes qu’on aimait bien s’agiter à la TV ! Mais ça avait un côté poudre aux yeux  tous ces clips rutilants, très nouveaux riches,  c’est souvent vilain à regarder, ça me lasse très vite…et les moyens mis dans la réalisation sont parfois ahurissants, c’est un petit basculement qu’on sentait venir, mais la musique n’est plus, par moment,  qu’un accessoire parmi d’autres. Ça écarte d’emblée tous ceux qui n’ont pas les reins suffisamment solides  ou tout simplement pas envie… de fait ça en invisibilisent pas mal, t’as un creusement des inégalités qui se fait autour de ce moment, la dernière décennie du 20eme siècle, pour aller vite. Et de mon côté, le gros de ce que j’écoute ou vais voir n’est jamais sur MTV, ou très peu, c’est un média dont je me désintéresse très rapidement, mais qui, dans mon esprit, accompagne cette lente agonie du rock ‘n’roll tel que j’ai envie de l’aimer. En matière de rock à la télé, je reste un indécrottable nostalgique de Bouton Rouge, antédiluvienne émission drivée par Pierre Lattes, dans la seconde partie des années soixante, en noir & blanc, il me semble. Je regardais ça religieusement tant que mon père n’était pas dans les parages ! Il détestait viscéralement tout ce qui touchait à la musique rock, cheveux et dégaines bien davantage que la musique elle-même, et je me suis partiellement construit sur cette opposition…Et pour répondre à ta dernière question, non, je n’ai jamais rien découvert via MTV, tout ce que j’ai pu découvrir à ce moment-là, c’était dans les fanzines/magazines que je lisais alors en nombre,  où chez les disquaires, je pense en particulier à l’excellente boutique – bar clandestin à l’occasion  -  de mon copain Didier Bouyer, un temps installé à Périgueux, et qui était du genre pointue…ou directement aux concerts en découvrant des gens que je ne connaissais pas auparavant. Aucun écran de télé ne remplacera jamais les sensations d’un concert vécu en direct….

 Au milieu des années 80 tu retournes en Dordogne. Quels ont été tes occupations musicales fin 70’s au milieu 80’s ?

Oh, c’est resté dans la continuité de ce que j’ai toujours fait, explorer le puit sans fond qu’est le rock au sens large, fin 70’s, début 80’s, dans le sillage de la découverte des Cramps, je me suis intéressé d’un peu près au rockabilly, tu commençais à trouver des rééditions de Jack Scott, du Johnny Burnette Trio, j’ai aussi eu ma phase Everly Bros, ce qui m’amènera à fouiner un peu du côté de la country et faire d’autres belles découvertes, un best-of d’Hank Williams, par exemple, puis tu finis avec Jimmie Rodgers et la Carter Family, les frères Louvin ou les Delmore, d’autres frangins…le blues, aussi, celui des années 50/60, John Lee Hooker  - que j’ai vu live en 69, grand souvenir  -   Wolf, Muddy Waters, S.B. Williamson, Jimmy Reed, Slim Harpo, la musique soul tout aussi bien, Ray Charles entre autres, dont je connaissais mal les premiers disques et qui est une sacré claque. Et à intervalles réguliers, j’écoute du jazz, un gros mot pour beaucoup de rockers, mais je m’en tamponne, j’ai eu la chance de voir des gens comme Archie Shepp, Sun Ra ou l’Art Ensemble of Chicago, Miles Davis également, à Bordeaux, en 73, ça marque ! et Coltrane, Monk, Mingus ou Chet Baker m’accompagnent depuis le tout début des années 70. Comme Pharoah Sanders, dont je viens de récupérer à la Démothèque, une copie du merveilleux Thembi que je n’avais plus entendu depuis le camping de Castro-Urdiales en 72 !  Parallèlement, j’ai les oreilles grande ouvertes sur le rock à guitares du moment, les Droogs, que j’ai découvert via Bam Balam, le zine écossais de Brian Hogg, les Slickee Boys, les Barracudas, les Real Kids, Willie Loco, le Gun Club, le premier Dream Syndicate, Green On Red, Rain Parade, enfin toute cette mouvance, pour laquelle, Bucket Full Of Brain, autre zine, mais Anglais, ce coup-ci,  est un sacré porte-voix, c’est aussi l’époque où nous tombe dessus un certain type de rock australien, Hoodoo Gurus, New Christs, les Celibate Rifles, Died Pretty, etc. Les Scientists aussi, un véritable coup de cœur…tout ça venant à la suite des Saints et de Radio Birdman, dont j’ai le 1er LP Sire depuis sa sortie en 78, et que j’ai vu en 1ere partie des Groovies au Stadium, la même année…c’est une période assez riche, plutôt épaisse musicalement, on ne s’ennuie pas. Et mon retour à Périgueux va s’accompagner d’une implication dans l’organisation de concerts en bars où la passion le dispute au plus complet amateurisme. Ça va durer une paire d’années et déboucher sur quelques jolies rencontres. Une occupation démarrée par le plus grand des hasards,  pour rendre service aux Flamingos, groupe Nantais ayant un day off en remontant de Toulouse. Ils venaient de signer chez Surfin’ Bird, le label de mon déjà mentionné coloc’ Grégoire Saillard, et c’est lui qui m’a appelé pour voir si on ne pouvait pas leur organiser un truc au débotté le lendemain. J’ai proposé le coup à un vieux copain qui tenait un bar, le Petit Sucrier, ça s’est bien passé et en un rien de temps, on avait des appels de Fixed Up, Thugs, City Kids, il n’y avait pas de réseaux sociaux, mais les nouvelles circulaient quand même drôlement vite…j’ai même été contacté par le tourneur de Dr Feelgood qui ne semblait pas avoir la moindre idée des conditions extrêmement précaires dans lequel tout ça se faisait ! Ce n’était compatible avec leur stature.  De toutes façons, le Feelgood de cette époque-là n’avait plus aucun intérêt ! Peu après, un autre bar, le Must, prendra le relais, partiellement géré par Jean-Louis, l’opiniâtre ex-bassiste de Byzance, où,  beaucoup grâce à José Ruiz, autre collaborateur de Nineteen, on a  pu faire jouer Willie Alexander…une petite fierté personnelle ! C’est aussi à ce moment-là que je croise la route de Jean Jacques Didier, dit Jean Jean qui lance conjointement les Thompson Rollets et l’asso Some Produkt, un collectif autrement mieux structuré que ce que je fabriquais en loucedé, plus ou moins seul. Mais ça me convenait bien, je ne suis pas excessivement collectif…Quoi qu’il en soit, Some Produkt existe toujours près de 40 ans après, animé aujourd’hui par Virginie et Marc Roumagne aidés d’une patrouille de bénévoles, dont Jean-Jean et sa compagne Kinou, qui sont toujours  là…autant de gens à qui, c’est peu de le dire, on doit énormément ! Qui ont réellement mis Périgueux en gras sur l’imaginaire carte du rock…Je faisais aussi de la radio, une locale, avec mon complice Gérard Maxheim, on écrivait beaucoup aux groupes et aux petits labels pour avoir des disques ou des simplement des infos. En 2018, de passage à Sydney, chez Paul Berwick, de Happy Hate Me Nots, il m’a montré un courrier de ce temps-là, où je ne sais plus lequel de leur single était dans notre playlist. J’étais sidéré qu’il ait gardé ça !  j’écrivais déjà pour Nineteen, mais également partout où je pouvais, je n’avais pas le temps de m’ennuyer ! Alors tous ceux qui racontent aujourd’hui que les années 80, c’était, musicalement parlant, un désastre, c’est qu’ils n’étaient pas là…ou avaient des goûts croisant très peu les miens !  Impliqué comme je l’étais, ça a sans doute été ma décennie préférée….

Paris 1980

 À leurs débuts, tu as demandé au fanzine Nineteen si tu pouvais écrire pour eux. Raconte-nous ta collaboration avec Tatane et les autres piliers du légendaire fanzine. As-tu quelques anecdotes concernant cette époque ?

Oui, je lisais Nineteen depuis le 1er n°, avec les Dogs en couve, zine trouvé chez New Rose, à ce moment-là, je vivais encore à Paris… le contenu me plaisait beaucoup, et ça semblait à ma portée, on va dire…alors je leur ai envoyé un petit mot pour offrir mes services, en arguant du fait de mon passage à Rocks, ou une vantardise du genre….je ne me souviens plus bien, il ont dû me proposer de leur faire passer un texte, un topo comme ça, et c’était parti ! Mon premier papelard, c’est Teenage Head, le groupe Canadien, ça doit être sur le n° 5. Après, nos contacts sont essentiellement téléphoniques ou épistolaires, on ne se voyait pas tant que ça, en fait, entre les concerts, la radio, Pretty Boys et puis Scuba dont je commençais à m’occuper, j’étais pas mal pris, comme je disais, plus haut. Sans compter que Toulouse, c’est 250 bornes, on y allait beaucoup moins qu’à Bordeaux, je pense que ce manque d’implication de leur point de vue, et pour lequel je plaide coupable (  mais je n’étais sans doute pas le seul concerné ) a hâté la fin du zine, ça et mille autres raisons…en fait, de cette petite bande, c’est sans doute Jérôme Estèbe que l’on a le plus vu à l’époque, on garde d’excellents souvenirs de son appart’ rue de la Concorde, il donnait un coup de main à Nineteen, puis il a lancé les Shifters que l’on a croisé plusieurs fois, et dont nous étions très fans, surtout la version quatuor avec Alain Perrier à la basse…c’était rudement bien !  à dire vrai, je n’ai pas trop d’anecdotes à raconter, nous vivions un peu dans deux univers parallèles avec chacun ses préoccupations… Armadillo, j’ai dû y aller deux fois maximum ! Au moment de l’édition des deux volumes Nineteen compilés aux Fondeurs de Briques, j’ai eu Tatane deux, trois fois au téléphone, essentiellement pour me demander mon accord quant à la reproduction de mes articles, enfin, ceux utilisés. Une élégance dont tout le monde ne semble pas avoir bénéficiée, à l’instar de Monique Sabatier, croisée un peu par hasard à Gaillac, dans le Tarn, il y a une paire d’années et qui me disait n’avoir même pas été contactée, ce qui est un peu fort de café compte tenu de sa place dans l’histoire du zine, rôle nettement plus prééminent que le mien. Et l’on peut aussi regretter que sa sœur, Dominique, dite Dodo, n’ait pas été discrètement remerciée, elle qui se tapait nombre de corrections, les miennes en particulier, tâche ingrate s’il en est ! Sur le coup, les filles n’étaient pas à la fête ! Deux embarrassantes maladresses qui, ajoutées aux déplaisantes  postfaces du volume deux, trop inégalement centrées sur l’alterno Parisien, m’ont laissé un petit goût amer… ceci posé, je leur dois gros, ma rachitique renommée s’est beaucoup bâtie là-dessus. Si j’ai pu collaborer avec Abus, Dig It ou même Rock Sound, par exemple, c’est beaucoup parce que Nineteen m’a servi de passeport…je m’y suis un peu fait les dents, j’y ai pas mal appris en terme d’écriture, je partais de loin, je leur suis reconnaissant de ne m’avoir jamais emmerdé. Et je suis toujours éberlué quand on me parle de cette publication quarante ans après…faut dire, que ça avait de la gueule et que de ce point de vue-là, Monique, Tatane et Benoit ont abattu un sacré taf ! Respect, comme on dit !!

Australie en 2018

 Tu participes ensuite à de nombreuses revues professionnelles ou amateur de musique. Le nombre de fanzine auxquels tu as collaboré est impressionnant. Tu as beaucoup écrit d’articles sur le rock garage mais je crois qu’à cette époque tu aimais aussi beaucoup le Hardcore. N’as-tu pas ressenti une frustration d’écrire principalement sur le même sujet ? As-tu peut-être des «  jardins secrets » d’écriture qui nous sont ignorés ?

Oh, je n’ai pas le sentiment d’avoir tant écrit que ça sur le rock garage, sauf à le considérer au sens très large et y ranger des gens comme Mudhoney, les Scientists, Willie Alexander, New Christs, Buffalo Tom ou Railroad Jerk, exemples parmi d’autres…si j’ai beaucoup aimé le garage revival autour de Bomp/Voxx, genre Lyres, Miracle Workers, Crawdaddys, Unclaimed et Cie, j’ai nettement moins adhéré aux répliques successives où t’as parfois l’impression que le look et les bonnes bottines comptent davantage que les morceaux eux-mêmes. Particulièrement en Europe, où l’habit parait parfois suffisant pour faire le moine…pour le hardcore, c’est vrai que j’ai eu une certaine indulgence pour la tendance, dans le sillage d’Hüsker Dü, que j’ai pas mal écouté à partir de Zen Arcade, et pour certains groupes de cette mouvance, les Cateran, Mega City Four ou les Doughboys dont Closer avait sorti ici le 1er album, les Californiens aussi, la bande Big Drill Car, M.I.A. , Fugazi également, un peu à part, mais énorme groupe de scène ! J’appréciais aussi beaucoup les francs-tireurs inclassables genre Meat Puppets, Leaving Trains, les Flaming Lips 1ere époque, longtemps avant la hype Inrockuptibles, les Butthole Surfers, des mecs tous un peu cinglés, comme une survivance des freaks U.S. défoncés des années 60/70, mais pour le hardcore stricto sensu, ça s’est vite éteint, suite à la découverte des groupes Crypt ou Amphetamine Reptile, Oblivians, Jon Spencer, Chrome Cranks, mes chouchous, Laughing Hyenas, Speedball Baby ou les terribles Jesus Lizard, je revenais chez moi, sur mes vraies terres….et j’ai également essayé de défendre les quelques groupes Français qui me semblaient digne d’intérêt, parmi lesquels beaucoup n’avaient pas grand-chose à voir avec du rock-garage, j’en compte un petit nombre….alors des frustrations , non, pas du tout,  j’ai quand même eu la chance de tomber sur des gens assez permissifs pour me laisser déblatérer tout mon saoul plusieurs décennies durant et je ne parle évidemment pas là de la presse professionnelle où j‘étais essentiellement cantonné à la critique disques, et comme je n’ai jamais fait montre d’ambition particulière, je m’en suis tenu à ça et c’est très bien comme ça ! D’ailleurs, le premier chèque touché, aussi modeste a-t-il été, m’a paru totalement irréel, je n’en revenais pas qu’on me file du fric pour débiter mes salades…quant à mon jardin secret, si on peut appeler ça comme ça, c’est la fiction et une poignée de nouvelles que j’ai sous le coude, hors musique, et dont je ne détesterai pas faire quelque chose…j’ai déjà publié une grosse demi-douzaine d’histoires, dans divers ouvrages collectifs rendant hommage à des groupes ou musiciens, certaines sont inévitablement meilleures que d’autres, mais pour moi, être publié aux côtés de gens comme Jean-Bernard Pouy, Marc Villard, Jean-Hughes Oppel ou Romain Slocombe, parmi plein d’autres, c’était comme une sorte de rêve accompli ! Minuscule revanche au regard des quelques désobligeants enseignants/enseignantes croisés des années plus tôt, ceux tendant à te faire croire que tu ne seras jamais bon à rien…ou plutôt mauvais à tout, comme disait Charpin !   


Pourrais-tu nous faire un box-office des fanzines et magazines auxquels tu as collaboré et nous préciser pour chacun d’eux quel est l’article le plus marquant (positivement ou non) que tu leur as écrit ?

Box-office, ça suppose un certain succès public…ce ne sont pas trop les eaux dans lesquelles je nage ! Pour ce qui est des fanzines, je commence logiquement par Nineteen, c’était une sorte d’apprentissage pour moi, mais aussi la partie la plus visible et flatteuse de cette sorte d’iceberg activiste dans lequel nous étions quelques-uns à être immergés, concerts, management des groupes, radio, on se démenait sur plusieurs front…là, s’il ne fallait retenir que deux interventions, je dirais Willie Alexander, que j’admire profondément et les Scientists dont je devais être alors un des premiers à parler, du moins un peu longuement….ensuite, c’est Abus Dangereux, ma collaboration la plus consistante sur la longueur, plus de trente ans….alors difficile de choisir un truc précis…je dirai quand même cette interview avec Chris Kirkwood, le bassiste des Meat Puppets, le groupe jouait le soir au Doremi, à Bordeaux, et une partie de l’après-midi était consacrée à la presse, c’était peu après la mort de Kurt Cobain, et le trio ayant été auparavant invité par Nirvana pour l’Unplugged de MTV, tous les busards de la presse officielle défilaient pour leur demander ce qu’ils pensaient du drame …surtout intéressé par leur musique propre, mélange improbable de country, punk et psychédélisme bancal, moi, je m’étais bien gardé d’aborder la question Cobain pour davantage évoquer leurs possibles influences, la musique soul, par exemple, qui ne sautait pas aux yeux, mais la pertinence, à ses yeux, de la question avait ravi Kirkwood, qui ne voulait plus me lâcher…l’intw avait démarré au dernier étage du Virgin Mégastore, aujourd’hui disparu, et s’était poursuivie dans les loges du Doremi, où extrêmement volubile, le mec alternait joints et dessins compulsifs… comme il y avait une photocopieuse dernier cri dans un bureau tout à côté, il imprimait tout ce qu’il dessinait, agrandissant tout ce qui pouvait l’être. Ce jour-là, à lui seul, il a dû contribué à la déforestation de plusieurs hectares…je suis d’ailleurs reparti, en guise de cadeau, avec une belle poignée de photocopies, que j’ai toujours, glissées dans mon exemplaire de No Strings Attached, leur double album SST ! Et avant de se quitter, il m’a même présenté sa maman, caricature de vieille dame américaine un peu rigide, qu’on imagine votant Républicains, enfin ceux d’alors, bien avant Trump, et dont le look très soigné dénotait notablement avec celui de ses deux fils, freaks chevelus généreusement défoncés dont elle semblait pourtant très fière de la notoriété…c’était une belle rencontre ! Cochons aussi le papier en deux épisodes sur une virée New Orleans/Memphis et retour via la Highway 61, le long du Mississippi sorte de reportage de terrain que j’ai adoré faire…Je pourrais aussi parler de Staccato, zine auquel j’ai beaucoup aimé participer, des gens du Nord, et une publication qui mêlait musique, littérature, boxe et d’autres trucs, j’aimais beaucoup l’esprit…j’y avais fait, entre autres,  un papelard sur les Magnolias, groupe très méritant de Minneapolis, qui avait le chic d’écrire des titres souvent marquants…un topo sur les Maniacs, aussi, la deuxième formule après que Jérôme Estèbe ait rejoint Alain Croubalian, ils avaient eu la très bonne idée d’aller enregistrer à Memphis sous le patronage du producteur Jim Dickinson, dont je commençais  à mesurer toute l’importance dans le développement d’une certaine scène locale, Alex Chilton n’étant jamais loin…Wake Up aussi, plutôt local à l’origine avant un départ vers Angers, aveuglément aimanté par la galaxie Thugs,  ça avait débuté humblement avant de sérieusement s’étoffer et d’avoir une réelle épaisseur rédactionnelle. Ça n’a pas duré, dommage… Après il y a Dig It, bien sûr, et la très enrichissante rencontre avec Gildas, dont, comme tous ceux qui l’ont connu de près ou d’un peu loin, je continue à regretter la disparition prématurée, c’était un sacré personnage ! Qui a aussi contribué à me faire connaitre des gens comme Patrick Bainée ou Jacques Ball, que j’ai toujours grand plaisir à croiser. Et si je ne devais retenir qu’un papier fait pour lui et Dig It, peut-être Eddie Hinton, grande figure du soul-rock sudiste, papier à propos duquel j’ai eu plusieurs retours de gens particulièrement heureux d’avoir découvert ça par mon biais…quand on n’est pas payé, c’est une forme de salaire ! y’en a pas mal d’autres, j’en oublie…j’ai écrit pour la Herencia de Los Munster, le fanzine de Inigo et Gorka Pastor, les deux frères qui ont ensuite fondé Munster et Bang ! , Gorka ayant aussi été le chanteur de La Secta ! J’ai aussi collaboré avec un zine Australien, un truc d’Adelaïde, avec qui on faisait, en plus,  des échange de shows radio, on passait ses émissions et lui diffusait les nôtres…et puis, il y a aussi eu Rock Sound, X-Rock, Rolling Stone et toutes les déclinaisons tournant autour de la même boite de publications…essentiellement des chroniques, c’était amusant, mais je n’en garde pas un souvenir impérissable…les premiers numéros étaient top, avant que ça ne s’infantilise en surfant sur le NIrvanisme et le jeunisme bêta tout  en déménageant à Paris, façon de rappeler à quel point ce pays est centralisé et à quelle hauteur, culturellement, la capitale semble occulter tout le reste, mais c’est une autre problématique…enfin, comme je dis toujours, faute de m’être enrichi, globalement, je me suis bien marré !  

avec mes frères Phlippe et Didier, 2022

 Tu as été aussi manageur et parolier pour certains groupes, peux-tu nous parler de cette époque ?

En fait, il s’agit quasiment du même groupe, les Pretty Boys, à l’origine, qui ont muté en Scuba Drivers, avec l’arrivée de François Berry, un chanteur-guitariste venu de Limoges. Et je leur ai effectivement écrit quelques textes dans la foulée. Rien, pour autant, risquant de finir à la Pléiade ! Je me suis un peu occupé des Pretty Boys sur la fin, période qui correspondait à mon départ de Paris…ils ont édité un mini-LP que, personnellement, je déteste, un truc mal fait, mal abouti et bien trop prématuré au regard du manque d’épaisseur du groupe au moment de l’enregistrement. Ils étaient supposés faire un simple, ce qui aurait été un parfait marchepied pour progresser, mais les 45 tours étant alors commercialement en perte de vitesse, Greg à Surfin’ Bird a décidé de pousser jusqu’au mini-LP, plus facile à distribuer, ce, avec l’aide de Kick de Strychnine, récemment lancé dans une carrière solo, à la production. Et même si je doute que qui que se soit d’autre ait pu faire beaucoup mieux, ce n’était sans doute pas la personne la mieux indiquée pour tirer vers le haut un groupe encore trop inconsistant. Je me souviens parfaitement leur avoir fermement conseillé  de ne pas laisser sortir ça après avoir écouté les bandes, mais le chanteur  - un peu le talon d’Achille de l’aventure  -  étant aussi le jeune frère de Greg, ça compliquait les choses et, à mon grand désappointement, le disque est paru en l’état…suite à ça, ils ont un peu joué avant que l’alchimie interne plutôt brinquebalante et la motivation clairement trop molle de certains ne conduise à un changement de line-up, de nom et même d’optique musicale, les Scuba Drivers étant nettement moins garage-rock que les Pretty Boys, nettement moins dans le look Groovies /Standells…ce look-là, je n’ai rien contre, mais faut que musique et implication suivent ! Alors les Scuba, c’est une aventure de trois ans environs, avec pas mal de dates en France,  mais aussi en Espagne, en Suisse ou en Belgique…de beaux moments, de belles rencontres, comme Buck à Spliff, la boutique de Clermont-Ferrand devenue label, que mon frère Philippe ira ensuite rejoindre dans les Real Cool Killers….quelqu’un qui me manque toujours beaucoup et à qui je pense régulièrement, soit en écoutant un disque, soit en lisant un livre ou , plus encore, en s’arrêtant  à Clermont, évidemment, passer rue de la Treille, aujourd’hui, c’est un peu comme un pèlerinage, surtout depuis la disparition de Gilbert, l’autre grande figure de Spliff, ça laisse un sacré vide…pour le reste, l’histoire appartient surtout au groupe, et à ceux qui l’ont composé, même brièvement comme Christian Bacelli, l’ex-Flying Badgers…moi j’ai juste essayé de les accompagner au mieux et je reste persuadé, au vu de leur puissance scénique alors grandissante, qu’ils pouvaient faire bien mieux et que s’ils avaient été originaires d’une plus grande ville, style Bordeaux, on aurait bien davantage parlé d’eux…mais on ne refait pas l’histoire ! Et à titre personnel, ça m’a permis de mesurer pleinement, aux premières loges, l’effervescence du rock indé des années 80, loin de se limiter au seul alterno parigot comme certains ont tendance à croire. D’ailleurs, dans leur fonctionnement, les Scuba Drivers étaient largement aussi alterno que ceux supposés tels, totale autarcie sans jamais un centime d’argent public et offrant, de fait, une réelle alternative musicale face au courant dominant…

 En quoi le fait de se marier a changé ta vie musicale ? As-tu dû changer beaucoup de tes habitudes musicales 😉 ?

En rien ! Tu sais, ma vie musicale consistait surtout à ramener ma fraise à propos de disques donnés à chroniquer, à faire un peu de radio et taper à la machine des papelards sur des artistes mal connus dont 99, 99%  de la population n’a jamais entendu parler, ça relativise. Aujourd’hui encore, je croise pas mal de gens qui ne savent absolument pas ce que je fabrique, ou fabriquais,  à mes heures perdues. Ou même que j’ai écrit une demi-douzaine de bouquins sur le sujet. Vivre seul ou en couple, pour ce type d’occupation, ça ne fait pas grande différence. La décision de nous marier, sur l’instant,  tenait beaucoup de la commodité administrative, ça simplifiait des choses, mais vivre avec quelqu’un, même sur le long cours, ce n’est pas une prison et s’il y a une incontournable part de concession à faire ou d’inévitables remous à traverser,  ça ne va pas jusqu’à changer quoi que cela soit, pour l’un comme pour l’autre d’ailleurs, en particulier sur les rapports à la musique, au cinoche, aux bouquins ou tous les pans essentiels de nos existences, si tu abdiques à ce niveau-là, c’est sans doute que ça ne vaut pas la peine de vivre en couple. Ou que tu n’es pas avec la bonne personne. Il parait que ça arrive ! Ça aurait peut-être été plus compliqué, niveau emploi du temps, si l’expérience Scuba s’était prolongée, comme mon implication dans les concerts locaux, mais c’est à peu près tout. Et puis, j’ai la chance de vivre en compagnie de quelqu’un à qui je dois énormément et avec qui je partage une certaine vision des choses. Cimentant, de fait, beaucoup de goûts communs…en réalité, on fait énormément de choses ensemble, nos seuls vrais différents, ce sont les cartes et les itinéraires.  Le GPS et les différences de trajets éventuels sont les véritables ennemis de notre couple !

Photo François Poulain livre Scènes de rock en France - 1992

Tu es aussi devenu papa, y a-t-il une transmission de tes goûts musicaux à ta descendance ou les as-tu laissé libre de choisir ? As-tu un souvenir dur pour toi sur ce sujet-là ? Est-ce-que « papa Alain » s’est retrouvé à passer des disques ou chanter des chansons contre son gré ?

Je vais le faire à la normand…mes copains Havrais ne m’en voudront pas…je dirai oui et non !  Non, parce que ça n’a jamais été délibéré, je n’ai jamais cherché à transmettre quoi que ce soit,  mais oui, évidemment, dans le sens où, enfant, ma fille a été plus souvent qu’à son tour exposée aux musiques que nous écoutions, moi, en particulier qui en bâfre pas mal, forcément, ça laisse des traces…sans compter que dans le cercle familial, avec une tante et trois oncles impliqués dans cet univers-là, ça ne se limitait pas à notre unique foyer. Mais si ma fille est fan des Beatles ou d’Aretha Franklin, par exemple, elle a aussi ses goûts propres, qui n’ont pas grand-chose à voir avec les nôtres, et son compagnon est féru de rap genre Cypress Hill, Eminem, NWA, ce style-là, pour lequel j’ai par ailleurs  beaucoup de sympathie…je ne partage absolument pas le mépris quasi haineux de beaucoup de rockers vis-à-vis du rap, et si j’admets volontiers que le truc, virant caricatural, a sérieusement dérapé depuis un bon bout de temps, je fais remarquer que le rock lui-même n’est pas exempt de gros reproches et de comportements débilitants…passer des disques ou chanter contre mon gré, non, ça n’arrive pas, je ne l’ai jamais fait… même chantonner Joyeux Anniversaire, j’ai du mal, ce n’est pas mon registre, on va dire ! Je ne suis pas trop papa poule…et j’avoue volontiers avoir parfois manqué de diplomatie et patience, quand, encore enfant, ma fille regardait le Club Dorothée, Hélène & les Garçons et toutes ces âneries, les niaiseries m’ont toujours hérissé le poil…avec le recul, je regrette un peu, d’autant qu’enfant, je regardais moi-même avidement Rin-Tin-Tin & Rusty, par exemple, qui, côté inanités, n’avait sans doute pas grand-chose à envier à Jacky, Cordier et la bande…l’emballage western n’excuse pas tout !


Toi qui as vécu de nombreuses décennies de musique rock. Tu as certainement entendu ou lu souvent que le « rock était mort » ou que le rock a décliné à partir des années 90 ou que les Stones n’ont plus rien fait de bon depuis les années 70 (…). Que penses-tu des clichés du rock et des formules telles que celles-ci ?

La mort du rock  -  comme son retour, ou celui du vinyle  -   demeure un des grands marronniers de la presse musicale, faut bien distraire le lecteur. Mais une fois dit ceci, on n’a pas dit grand-chose. Le rock a longtemps fait corps avec son époque, ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui. J’ai quand même le sentiment qu’il se conjugue désormais au passé décomposé. L’idiome musical a presque un siècle, si l’on se donne la peine de fouiller un tant soit peu dans le blues, rhythm & blues  ou la country d’avant -guerre, partant de là, pas étonnant qu’il ne soit plus trop en forme. Il a fait son temps, c’est nous qui nous accrochons à ce qu’il en reste. Chez moi, qui vit avec depuis toujours, où c’est tout simplement la B.O. de mon existence,  c’est rien dire que je ne me fais pas facilement à l’idée de sa lente agonie. Qui escorte la mienne. Chacun a ses propres sentiments sur la question. Et c’est très bien comme ça ! Je dirai que le rock se meurt un peu à chaque fois que soi-même on vieillit, à chaque fois que cela s’éloigne de l’idée que l’on pouvait s’en faire au départ. Armé de l’innocence de la jeunesse. C’est quand même une des musiques majeures du 20eme siècle, qui reste mon vrai siècle, mon seul port d’attache, le 21eme siècle me séduit beaucoup moins. Ce n’est plus mon époque. Trop décérébrée et technologique, à mon point de vue.  Même si je fais avec. Bien obligé !   Aujourd’hui, le rock est devenu un concept un peu flou, que chacun habite avec ses propres certitudes, ses propres références et sa propre culture musicale. C’est aussi un mot creux, un peu valise dont les médias se servent parfois à tort et à travers…combien de fois, j’ai entendu des présentateurs ou animateurs dirent, woah, ça va être rock’n’roll, et, bien entendu, à mes yeux, ça ne l’est pas du tout….il y a également cette continuelle interférence, cette contiguïté mal définie  avec la variété française qui ne dédaigne pas se la jouer rock depuis un bail, ça ajoute à la confusion, dans un pays où pas mal de monde pense qu’Indochine ou Feu ! Chatterton sont des groupes de rock….mais le rock lui-même, entité floue au possible, couvre désormais tellement de champs musicaux qu’il est évident que ça ne va pas disparaitre du jour ou lendemain, on l’apprend dans certaines écoles, c’est comme le jazz ou le blues, ça va perdurer pépère….c’est devenu partie prenante de cette escroquerie de musiques amplifiées, les salles et les baltringues qui, bien souvent, vont avec. Bon sang, depuis au moins l’après-guerre, la musique populaire est amplifiée, tous les balochards des années 50/60 se servaient déjà de prises électriques…tu parles d’une trouvaille ! Ce qui change, c’est l’absence de ce grondement, de la colère originelle, cette volonté, souvent, de ne pas trop se plier aux règles, de faire entendre des voix discordantes. Ça disparait, peu à peu, comme le public, s’agissant des artistes que l’on continue à aller voir. Chez ceux qui s’obstinent, la moyenne d’âge fait un peu peur. Et pour beaucoup, faire du rock, c’est devenu une activité distractive, comme on fait du judo ou du jogging, un hobby pour gérer le stress de la vie professionnelle, le rock est très normé, désormais…tu te retrouves avec des troubadours vieillissants chantant du Clash en acoustique, payé par l’argent public,  bonjour la révolte….un peu comme avant,  où tu avais les  artistes rives-gauche qui mutilaient Brassens dans le circuit des MJC, et dont, à nos 15/20 ans,  on adorait se moquer …on ne fait guère mieux aujourd’hui…  c’est triste !    y’aura bientôt des ateliers rock dans les Ephad…il n’y a qu’à regarder le succès de ces publications Anglaises, genre Mojo, Uncut ou Shinding, toutes délibérément tournées vers le passé et la nostalgie d’un âge d’or disparu. C’est quand même le signe d’une décrépitude !  Ceci posé, ce n’est pas la fin du monde, c’est presque normal, les jeunes générations doivent se construire sur autre chose, d’autres schémas que le rock dont la pertinence sociologique  - pour employer des grands mots  - s’étiole depuis la fin du siècle dernier. Ce qui, je le répète, n’empêche pas l’éclosion régulière d’artistes d’excellente valeur, mais le gros de la troupe est plutôt dans le duplicata, les garagistes 5eme génération, les punks qui radotent les mêmes clichés, le rock haute énergie qui bafouille les mêmes motifs…on ne bouscule plus trop, on est dans le clin d’oeil , le rock vit sur ses acquis, sur une mythologie vieillissante, il faudrait un nouveau souffle, de la jeunesse, mais on ne voit pas grand-chose venir. Après, tout ça est la perception d’un quasi vieillard, des tas de gens auront un regard autre. Et auront sans doute raison !  Tu interroges cent personnes sur le sujet, tu auras cent opinions différentes…Moi, de toute façon, j’ai assez de disques pour tenir jusqu’au dernier souffle. Et, effectivement, à mes yeux, à de rares exceptions près, les Stones n’ont plus fait grand-chose valant la peine depuis les seventies…c’est devenu un franchise commerciale, leur truc, une entreprise à glaner du fric, le pochette de leur dernier album est tellement laide que je n’ai même pas eu envie d’écouter un seul titre ! Ce qui ne devrait pas trop nuire à sa réussite marchande…alors le rock n’est pas mort, non, mais, de mon point de vue,  il ne va pas fort ! Comme nous tous, qui en écoutons depuis si longtemps…à ce sujet, on peut lire le très pertinent bouquin de Marc Sastre, La Fin Du Rock, comme celui, passionnant et brillement écrit,  de Didier Balducci, Le Rock’n’roll Est Mort, Mais Son Cadavre Encombre Le Monde ! Deux ouvrages qui disent bien mieux que moi ce que l’on peut penser de cette tragique affaire…parce que la mort, ce n’est jamais drôle !! D’ailleurs, la supposée mort du rock me contrarie beaucoup moins que la mienne propre, ce qui finira pourtant par arriver…


 
Est-ce que « le look » a une importance pour toi ? Est-ce-que tu as eu des phases particulières sur ce sujet ?

Répondre non serait mentir ! Même si, avec l’âge, j’y attache un petit peu moins d’importance qu’à une époque….de fait, le look, la dégaine, on appelle ça comme on veut, c’est quand même inhérent à la musique rock, ça a longtemps été un marqueur de tes goûts musicaux, de ton appartenance tribale, si on peut dire, bien que, temps aidant, le phénomène s’estompe…mais chez moi, ça vient de loin, jeune ado, je me souviens avoir acheté une sorte de caban cintré avec deux gros boutons dans le dos, niveau reins, pour stylistiquement me rapprocher des vestes portées par les Kinks sur la version Française du LP Well Respected  Man, j’étais loin du compte, mais il y avait l’intention…c’est aussi le moment des premières boots, comme une façon de choisir son camp, des vestes col Mao  et j’ai encore en mémoire une boutique locale, les 100 000 Chemises, ça s’appelait, qui proposait en devanture des liquettes satinées à grands cols comme en portaient les Small Faces sur le EP My Mind ’s Eyes…un peu hors de portée financièrement…après, j’ai eu ma période freak à longs cheveux, virant peu discrètement glitter- glam à l’arrivée de Roxy Music ou les Dolls, que l’on rêvait d’imiter…enfin, pas tous, certains d’entre nous seulement…j’ai eu le t-shirt moulant Gueule de Tigre/Wild Thing, une veste à carreau multicolore du meilleur effet et des platform-boots d’un vert assassin…mais, je n’avais que rarement les moyens de mes ambitions ! Plus tard, pas punk pour un sou, même si j’en aimais beaucoup la musique, j’ai privilégié une allure dont le summum est sans doute la pochette du 1er Barracudas, coupes frangées, chemises Paisley et Beatles boots, s’approcher de ça, c’était notre graal….on avait même fini par dégotter l’adresse Londonienne de la Boutique Anello & Davide, s’alimentant directement à la source, où je me souviens encore de l’escalier à gauche de l’entrée, avec toutes les photos noir & blanc des groupes s’étant chaussés là-bas à un moment donné, Beatles, Stones, Kinks, Hendrix et des tas d’autres…on avait le sentiment d’accéder à un bout de légende…un peu idiot et fétichiste, mais ça faisait aussi partie de mes petits travers…passée cette période, je me suis un peu calmé avec tout ça, et comme mes cheveux m’ont, en partie, abandonné en cours de route, ça contribue aussi à plus d’ordinaire…il m’arrive également,  par grand froid, d’entasser deux, trois pulls et d’être vestimentairement bien plus proche de Paul Léautaud ou de Céline à Meudon que des Groovies période Sire, mêmes si ça ne sort pas d’un cadre strictement domestique. De toute manière, aujourd’hui, le non-look règne parmi le gros du public s’obstinant à aller entendre du rock, c’est le triomphe du passe-partout, loin du temps où, à simplement croiser un mec dans la rue, tu pouvais presque deviner ce qu’il écoutait, il n’en reste plus beaucoup aujourd’hui ! Mais c’est une chose à laquelle je reste sensible, j’aime être, au moins à mes yeux, relativement bien nippé…peu probable que l’on me voit un jour en pantacourt, tongs ou Doc Martens !


Tu as écrit des livres consacrés à tes groupes favoris (Kinks, Cramps, Flamin’ Groovies), puis un livre sur Buddy Holly. Pourquoi Buddy Holly ? Tu désires écrire sur des artistes qui n’ont pas eu droit à des livres en français et ce n’est pas son cas.

Oui, qu’il n’existe rien ou pas grand-chose en Français, c’est quand même un préalable,  je n’ai nulle envie d’aller répéter, comme certains font, les mêmes poncifs sur les Beatles, les Stones, Dylan, Hendrix, Bowie ou cet increvable Jim Morrison à propos de qui tout le monde semble avoir encore quelque chose à dire…on suppose que c’est vendeur ! Buddy Holly, que j’aime beaucoup, par ailleurs, et que j’ai découvert à l’adolescence, c’est suite à la suggestion d’un copain, Roland Ranoux, un de ses plus grands fans sur l’hexagone et détenteur d’une impressionnante documentation. Ça faisait un moment qu’il me tannait avec ça, faire un bouquin sur Buddy Holly. Et franchement, quand j’ai vu tout ce qu’il avait sous la main, je me suis dit qu’il y avait indéniablement quelque chose à faire. Parce qu’au-delà de son rôle extrêmement novateur, c’était aussi l’occasion d’évoquer cette période charnière, suite à l’irruption d’Elvis, où le rock ‘n’roll se construit sur le blues, le rhythm & blues, la country, le western swing, etc.,  melting-pot passionnant  où l’industrie musicale freine des quatre fers avant de s’adapter, où les artistes sont souvent pressurés par des gens de peu de morale…Buddy Holly est partiellement mort de ça…c’est un panorama captivant à observer, et c’est vraiment ce qui m’a guidé, superposé au relatif mystère du héros, qui, en à peine trois ans de carrière, à donné au rock’n’roll une impulsion pop ayant laissé de sacrées traces, c’est le moins qu’on puisse dire ! C’est en tout cas, ce que j’ai essayé d’approcher…et c’est aussi, via une connaissance commune, la rencontre avec Xavier Belrose au Boulon, immédiatement enthousiaste et encourageant, ça aide à s’impliquer !






 
Ton livre Azerty Blues était-il pour toi l’occasion de faire un bilan ? Comment s’est passé le choix des articles ? D’ailleurs, es-tu (comme l’était Gainsbourg pour lui-même) un collectionneur de ton œuvre ?

Non, pas du tout ! Aucun bilan…à mon modeste niveau, faire un bilan serait un peu présomptueux, je suis très conscient de ne pas représenter grand-chose…ça reste d’ailleurs mon livre le moins vendu, ça te remet vite les idées en place si d’aventure, tu te prenais pour ce que tu n’es pas . Non, en fait, c’est en relisant mes papelards retenus pour les deux volumes de Nineteen, qu’est réellement venue l’idée, je ne trouvais pas ça super bien écrit, et je me suis dit qu’une compilation d’articles divers comme l’est Azerty Blues pourrait proposer un tableau sans doute plus conforme  et actualisé à mon maigre talent. Il m’a semblé avoir fait quelques progrès depuis.  Jean-Noel Levavasseur et l’ami Jean-Luc Manet venaient de faire ça au même endroit   - le Camion Blanc  -  ça m’a également motivé, je me suis dit, pourquoi pas moi ? j’ai donc proposé le coup à Dom Franceschi, mon seul interlocuteur dans la boite,  il m’a dit OK, bonne idée. Aussi simple que ça. Le choix, comme je l’explique en préface, c’est un panachage voulu équilibré entre papelards auxquels je suis attaché et artistes dont j’ai été heureux de parler, plus quelques bricoles inédites comme des trucs faits pour Doghouse & Bones, niche justement des excellentes Séries La Noire et uniquement destinés à la promo autour de la distribution. S’y ajoute – celle de couverture en premier lieu  - quelques brillantes illustrations de mon camarade Jacques-Olivier Leroy dont le talent mériterait d’être mieux reconnu. Tout ça donne un livre plutôt épais dont je suis, somme toute, raisonnablement satisfait. Un truc qui me ressemble. Même si un peu trop cher comme tous les Camion Blanc ! et si je garde effectivement l’essentiel de ce que j’ai écrit, je n’ai pas la sensation de collectionner et, faut rester modéré,  je n’aurai pas la prétention de comparer mes minuscules activités avec celles de  Gainsbourg, idolâtré par la moitié du pays.  Et dont je suis par ailleurs un admirateur à l’enthousiasme raisonné….il a quand même dit et écrit pas mal de conneries, Poupée de Cire, Poupée de SonSea, Sex & Sun ou L’ami Caouette, par exemple, je laisse ça à d’autres…. 


 
Il t’est parfois reproché ton goût du détail, d’autres l’apprécient également. Il y a parfois une concentration incroyable d’informations sur les pages de tes livres. D’où vient ce choix, ton style d’écriture et combien de temps consacres-tu à te documenter pour tes livres ?

Les reproches autour de mon sens supposé du détail, ça vient surtout de la salonarde de Rock & Folk, qui a l’air totalement allergique à ma façon de faire, et elle en a parfaitement le droit…c’est la règle du jeu, même si ça ne fait pas trop plaisir sur le coup, surtout pour le Buddy, pour lequel je n’ai pas eu quantité de presse et ou je me serais volontiers passer de ce tacle critique, elle a bien dû me faire rater deux, trois ventes, la méchante…d’amusante manière, peu après, j’ai croisé ou communiqué avec deux autres collaborateurs de la revue, qui m’ont dit chacun dit leur total désaccord avec son point de vue et tout le bien qu’eux pensaient de mon boulot…et, autre exemple, pas longtemps après sa piquante chronique à propos du Groovies, où elle me traitait d’adolescent attardé, magnifique compliment à mes yeux, j’avais reçu un message de Patrick Mathé de New Rose, qui disait, lui, l’exact contraire et me complimentait grandement à propos du livre…ne le connaissant absolument pas et compte tenu de son épaisseur, ça avait, de mon point de vue, autrement plus de valeur que l’opinion de la Mme Colombo de Rock & Folk… je dis ça par qu’il parait qu’à la rédaction, personne ne la voit jamais, si ça se trouve, elle n’existe pas, c’est peut-être une machine…après, question choix, disons que je fais des bouquins tentant de ressembler à ceux que j’aime ou aimerai lire, je raffole des détails, des subdivisions, tout ce qui concoure à contextualiser le mieux possible le travail de l’artiste ou du groupe, j’aime bien quand ça s’éparpille…pour ce qui est de mon style, si jamais j’en ai un, et de sa provenance, je ne sais pas vraiment, de mes lectures, c’est une évidence, enfin, certaines d’entre elles, tout ça recraché à ma façon, je me suis façonné sans grand soutien, en complète autonomie,  je ne suis ni lettré, ni  bac + 5, encore moins journaleux professionnel… ce sont souvent les mêmes d’ailleurs, et il n’y a pas de raisons particulière qu’eux seuls puissent continuellement la ramener et assener des opinions. Dans une société très pyramidale et faussement méritocratique, je me vois, humblement, comme un sans-grade s’autorisant à l’ouvrir à l’occasion  ! Et fort heureusement, nous sommes encore quelques-uns dans ce cas, même si notre auditoire demeure extrêmement restreint, faut également l’admettre !  


 
Quelle est ta façon de travailler un article ou un livre, as-tu la même façon d’aborder les deux ?

D’une certaine manière, oui ! J’essaye de me renseigner au mieux, de lire et écouter beaucoup, d’ensuite recouper, comparer pour me faire une certaine opinion, viser à l’objective subjectivité, si j’ose dire…ce qui, pour un bouquin peut prendre un certain temps, le Buddy Holly, c’est quasiment deux ans…après, ça dépend des sujets, les Kinks ou les Groovies, par exemple, dont j’ai suivi les péripéties depuis longtemps, c’est assez fluide, ça coule un peu de source, j’ai l’épine dorsale…pareil pour les Cramps, que j’ai pris à la source, entendant parler d’eux, via Garnier, une fois de plus, avant même de les avoir écoutés…et j’avais acheté leurs deux premiers simples dès leurs sorties  - le day-glo de mon Human Fly brille toujours un peu dans le noir ! -  j’étais en terrain connu,  la difficulté avec eux, c’est les innombrables ramifications allant du cinoche série Z aux tueurs en série, tu tires un fil, la pelote suit…un peu comme pour Buddy Holly, dont je connaissais bien sûr les grandes lignes de l’existence, mais pour lequel j’avais à cœur de faire une sorte de panoramique, passant du contexte musical au contexte familial ou géographique, qui a aussi son importance, découvrant quelques angles que je ne soupçonnais pas obligatoirement, la question religieuse, par exemple, que je n’imaginais pas si prégnante …pour un article, et j’en fais de moins en moins, c’est un peu la même chose en miniature, ça dépend de ma connaissance initiale du sujet avant de commencer ! Et comme je ne suis pas le roi de la méthodologie et du rangement rationnel, y’a du zig-zag …


Tu es aussi passionné de cinéma, quels sont tes films favoris et pourquoi ? Pourquoi n’écris-tu pas sur ce thème (du moins à ma connaissance) ?

Waouh, alors là, vaste question…les films, comme les livres ou les disques, il y en a tellement qui me séduisent que j’ai du mal à trancher…si on m’interroge dans un mois sur le même sujet, j’en aurai sans doute d’autres en tête, mais The Servant de Losey, Au Hasard, Balthazar de Bresson, Le Fanfaron de Dino Risi, La Chevauchée des Bannis d’André de Toth, Aguirre, la Colère de Dieu, de Werner Herzog devraient quand même y figurer, comme La Grande Illusion de Renoir ou Panique de Julien Duvivier. Ou encore La Flèche Brisée de Delmer Daves. The Servant, parce que c’est un chef d’œuvre d’ambiguïté sur les rapports de classe, magistralement mis en scène, le Bresson, parce que c’est un film bouleversant et lumineux sur les vicissitudes de l’âme humaine auxquelles se heurte un âne sidérant d’humanité, Le Fanfaron, à cause de l’universalité du sujet, on croise tous des fanfarons et on l’est sans doute un peu soi-même de temps à autres, ajoutons que Gassman est irrésistible, ça reste un film majeur de la comédie Italienne, genre pour lequel j’ai beaucoup de tendresse, comme pour l’Italie en général, pays superbe. Le De Toth, c’est un western assez inhabituel, dans le froid et la neige, j’adore les westerns, celui-là est à mes yeux un des tout meilleurs. Aguirre, pour la folie de l’entreprise, qui est aussi un regard européen décalé sur un continent alors en passe d’être spolié, pour la folie de Kinski également qui semble littéralement possédé…et quelles images !   Quant à La Flèche Brisée, souvent considéré  - à tort  -  comme le 1er western pro-Indien, ça se double chez moi d’une note sentimentale, c’est le 1er film que j’ai vu sur grand écran, j’avais moins de 10 ans,  et ça m’avait terriblement impressionné, particulièrement les images du début et la rencontre mouvementée entre James Stewart et le jeune Apache, pour autant, ça n’était pas dans une vraie salle de cinéma, juste un grand linge blanc tendu dans le réfectoire de l’école maternelle voisine, où j’avais accompagné mon père, ce qui n’est pas arrivé si souvent ! Du véritable cinéma de quartier. Des années plus tard, nous nous sommes baladés dans le coin du canyon de Chelly, dans le secteur nord de Gallup, entre Arizona et Nouveau-Mexique, où se tournaient beaucoup de westerns à l’époque, et j’étais un peu troublé d’être sur les lieux même d’un film qui m’avait tant marqué…mais je pourrais également citer Los Olvidados, de Buñuel, certains Jarmusch ou Kaurismaki…ou même Jeff Nichols, dont j’aime bien l’originalité des sujets, tout comme Chloe Zhad grâce à The Rider ou Les Chansons Que Mes Frères M’ont Apprises, belles visions sur les reliquats de la culture amérindienne, et façon, quand même,  de ne pas paraitre trop vieux barbon obnubilé par le cinoche d’avant…bien que, comme pour le rock, j’ai tendance à penser, là encore, que c’était plus riche avant…toutefois, j’imagine, je le répète, que c’est un sentiment assez équitablement partagé par tous ceux qui vieillissent et voient leur ancien monde s’évanouir peu à peu ! Et si j’ai effectivement rarement écrit là-dessus, j’ai quand même fait un papelard  - j’en parlais plus haut  - assez long sur les méchants d’Hollywood, période 50/60, qui a fait l’objet d’un numéro spécial du zine en ligne Groovy Times…expérience que je renouvellerai volontiers si une autre occasion se présente ! Et j’aurai aussi pu mentionner Freaks de Tod Browning, ou ses films avec l’immense Lon Chaney, le cinéma dit bis, que je ne connais pas assez, c’est toute une galaxie….Jacques Tourneur tout aussi bien, pas bis du tout, et qui est enterré à Bergerac, pas très loin de chez moi…La Griffe Du Passé, La Féline ou Passage Du Canyon, ce n’est pas rien…c’est un puit sans fond, le cinoche, j’en découvre sans arrêt ! Et le dernier film vu au cinéma il y a quelques jours,  Nuit Noire En Anatolie, du Turc Özcan Alper, m’a fait très forte impression…




Pourquoi est-ce-que le morceau "Wild Thing" est le sujet de ton prochain livre ? Quelle en est ta version du morceau préférée et peut-être celle plus obscure que tu pourrais nous faire découvrir en avant-première ?

Oh, c’est un peu un concours de circonstances, ayant fortuitement contribué à mettre en relation l’auteur Nicolas Sauvage avec le Boulon, la maison d’édition chargée de ma bio Buddy Holly, le responsable, Xavier Belrose, m’a proposé d’également participer à  sa nouvelle collection, Seveninches, pour laquelle Nicolas a récemment écrit sur un titre des Smiths, ‘Hand In Glove’, le principe de la dite collection étant un texte assez court tournant autour d’une chanson emblématique de l’artiste évoqué. J’ai proposé  ‘Wild Thing’ des Troggs assez spontanément, ce que Xavier a accepté tout aussi rapidement. L’occasion pour moi d’un peu papoter sur un groupe que j’aime depuis longtemps et  ayant toujours tenu une position un brin décalée dans le beat-boom des années 60, et si ‘Wild Thing’ est leur titre fétiche, il n’est pas d’eux, comme chacun sait, et leur est arrivé via Larry Page, l’ex-manager des Kinks et personnage central de l’histoire des Troggs dans sa partie ascendante, opportunité de revenir sur une association qui vaut d’être brièvement racontée…Et la version des Troggs demeure sans conteste ma version préférée, même si j’avoue être loin de les connaitre toutes, y’en a un plein wagon…mais de toutes celles entendues, aucune n’arrive à rivaliser avec la leur, que cela soit en terme de sauvagerie rentrée ou de suggestivité , avec cette manière qui leur est propre d’utiliser le silence…j’aurais bien aimé dire X, groupe dont j’appréciais beaucoup les trois, quatre premiers albums, mais leur version est globalement affreuse ….tant pis pour eux !!

Merci Alain !

Première partie


Bibliographie Alain Feydri


  • Les Kinks : Une Histoire AnglaiseEditions Julie – 2007 – réédition Castor Astral 2013

  • Les Cramps : Pour l’amour d’IvyEditions Julie 2009 – réédition Camion Blanc 2012

  • Les Flamin’ Groovies : Le Feu SacréEditions Julie 2011 – Réédition Camion Blanc 2016

  • Azerty Blueséloge d’un rock modeste...Camion Blanc 2018 (recueil d’articles & chroniques)

  • Buddy Holly- Listen to Me- un portraitLe Boulon – 2021

  • Les Troggs- Wild Thing – Seveninches-Le Boulon- 2024



Ouvrages collectifs



Stories of the Dogs : Histoires pour Dominique – éditions Krakoen 2006

Stories of Little Bob : Histoires pour Roberto – éditions Krakoen 2013

Cramps : 24 nouvelles noires – éditions Camion Blanc 2013

Explosions Textiles : Mon 1er T-shirt de Groupe - éditions Kicking 2014

Gun Club : 24 histoires pour Jeffrey Lee Pierce – éditions Camion Blanc 2015

Motorhead : 24 histoires pour Lemmy – éditions Camion Blanc 2015

Nineteen : Anthologie d’un fanzine rock – éditions les Fondeurs de Briques 2016

Nineteen anthologie Vol. 2 : la scène française – Les Fondeurs de Briques 2017

Sandinista : Hommage au Clash – Goater Noir 2017

Parce que ça nous plait : 20 nouvelles autour de OTH – éditions Kicking 2019

Au nom de la loi : Nouvelles autour des Sheriff – éditions Kicking 2019

Welcome To The Club : Nouvelles autour des Thugs – éditions Kicking 2019



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