THEME SONGS – part 2 – LE RACISME
Encore un
sujet pas très réjouissant (understatement), mais toujours d’actualité, même s’il
ne touche pas que les blacks. Encore une fois, ce sont les êtres de couleur
noire qui font l’objet de l’essentiel des chansons, et je ne mentionnerai ici
que les morceaux que j’apprécie musicalement.
Strange Fruit
par Billy Holiday
(1939) n’est pas la première protest song de l’histoire mais c’est la première
à parler explicitement du lynchage des noirs. Le morceau a été repris notamment
par Nina Simone.
Originaire
du Mississippi, Roebuck Pops Staples est parti s’installer avec
sa femme à Chicago après la naissance de leur première fille. Les trois frères
et sœur, dont Mavis, sont nés à Chicago. Lors d’une tournée dans le sud des
USA, les Staple Singers se voient refuser l’accès aux toilettes dans une
station-service, accès réservé aux blancs… Cette déconvenue inspire à Pops la
chanson Why? (Am I Treated So Bad) – pourquoi suis-je si maltraité ?,
dont le sujet principal est la Little Rock Central High School, une fac jusqu’alors
réservée aux blancs qui a accueilli (le mot est mal choisi) neuf étudiants
noirs. Il a fallu que le Président des USA envoie des troupes fédérales pour
escorter les étudiants. Le morceau, qui été joué lors des meetings de Martin
Luther King, a été un relatif succès par les Staple Singers (1965). La version
des Sweet Inspirations en rencontra davantage.
On reste
chez les Staples avec Mavis, qui, dans son album primé, We’ll Never
Turn Back (2007) se révolte sur au moins deux des chansons : nous nous
battons pour notre liberté, noirs et blancs ensemble, on ne nous divisera pas…
dit-elle dans We Shall Not Be Moved. Et celle que je trouve encore plus
belle et plus forte, qui me tire les larmes à chaque écoute, c’est With My
Own Eyes, une chanson inspirée par l’ouragan Katrina qui avait ravagé
notamment la Nouvelle Orléans, peuplée d’une minorité de blancs et assez pauvre.
Le gouvernement Bush fut fortement critiqué à cause de sa lenteur de réaction
face à cette catastrophe naturelle. Les sinistrés attendirent plus de 48 heures
pour être secourus. La chanson écrite par Mavis dit notamment : quand j’étais
petite fille, je voyageais avec mon papa (jeu de mots avec Pops, son père), des
flics racistes (pléonasme ? Non je déconne) du sud nous ont emprisonnés
pour rien, pourquoi sommes-nous toujours si mal traités, combien de temps cela
va-t-il durer ? De mes propres yeux, je connais la vérité, je ne vous mens pas,
je laisse ça aux politiciens, j’écrirais même un livre là-dessus, j’ai vu les
gens laissés pour morts à la Nouvelle-Orléans. J’ai entendu les mensonges des
politiciens. Seigneur dis-nous combien de temps cela va encore durer.
Je continue
avec d’autres chouchous, en commençant par Dan Penn et sa chanson Skin
(single de 1969 puis sur l'album ci-dessous de 1973, dont j’ai déjà parlé) dans laquelle il dit, dépité par l’assassinat de
Martin Luther King et l’ambiance qui s’en est suivie : c’est quoi cette
histoire de peau ? On est tous des cochons, des cochons blancs, des
cochons jaunes, des cochons noirs (ces derniers étant mes préférés, perso,
il y a une ferme près de chez moi) …
Phil Ochs était anti peine de mort et aussi
anti raciste, c’est tout à son honneur. Je me demande quand ce chanteur sera
davantage reconnu. Remarquez, il s’en fout, il est mort. Dans sa chanson Here’s
To The State Of Mississippi, gros bastion du Ku Klux Klan. Au passage, je
me demande si The KKK Took My Baby Away… pendant qu’elle était partie
en vacances, des Ramones peut être considéré comme une chanson anti
raciste. Si, en fait, c’est Joey qui a écrit les paroles, pas Johnny (RamoNe).
Dans une
autre rubrique, j’ai déjà parlé de None Of Us Are Free, un morceau d’abord
interprété par Ray Charles (1993) – comme la rubrique s’y prête, j’adore
cette réponse de Ray Charles à un journaliste qui lui demandait si ce n’était
pas trop dur d’être aveugle (Ray a perdu la vue vers l’âge de 6 ans après avoir
vu son frère se noyer) : non, ça aurait pu être pire, j’aurais pu être
noir – avant d’être popularisé par Solomon Burke en 2002. La chanson
dit qu’aucun de nous ne sera libre tant qu’il y aura des gens oppressés ou
enchaînés.
Les Neville
Brothers, dans Sister Rosa (album Yellow Moon, 1989), raconte l’histoire
de Rosa Park, qui si elle n’a pas été la première à refuser de laisser sa place
dans le bus à un blanc, a été celle qui a initié le mouvement de révolte porté
par Martin Luther King en 1955.
Sam Cooke espère aussi qu’un changement va
arriver, dans A Change Is Gonna Come (1964), un morceau qui parle de
ségrégation que le morceau de Bob Dylan Blowin’ In The Wind lui a
inspiré. Dylan, qui a bien entendu d’autre morceaux anti raciste à son
répertoire, comme Hurricane (Cf. part 1) ou Death Of Emmett Till.
Autre
monstre sacré, Elvis Presley dénonce dans In The Ghetto (1969)
les difficultés d’être un jeune black quand on habite Chicago.
Dans Don’t
Call Me Niger, Whitey (1969, whitey, comme disait aussi Chuck Berry, étant
l’inverse de nègre, vous l’aurez compris), Sly & The Family Stone
scandent ces paroles durant presque toute la chanson.
Dans Say
It Loud, I’m Black And I’m Proud (1968) James Brown dit notamment qu’il
préfère mourir debout que de continuer à vivre à genoux.
J’aurai pu
aussi parler des Impressions (People Get Ready), de Neil Young
(Southern Man, Alabama), de Bob Marley (Redemption Song) ou de Clash ((White
Man) In Hammersmith Palais), oui mais non. Et de plein d’autres.
Dans je ne
sais plus quel bouquin sur Memphis ou Nashville ou Muscle Shoals (j’ai trop de
bouquins sur le sujet pour retrouver), il y a l’anecdote d’un groupe black, qui
pour arriver à se nourrir en tournant dans le sud des USA, envoyait leur
chauffeur blanc pour faire les commissions. Les membres du groupe ont failli
plusieurs fois être lynchés quand les commerçants et certains clients s’apercevaient
du subterfuge. Ça me rappelle ce film Green Book – Sur Les Routes Du Sud
(2018) dans lequel un chauffeur blanc conduit un pianiste noir lors d’une
tournée dans le sud en 1962.
Cet article
est dédié à tous ceux qui subissent du racisme (dans tous les sens), de la
xénophobie ou de l’homophobie.
Patrick
Bainée
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