GRAPHIC WORLD - WILHELM VON DISH - DESSINS, FANZINES ET ROCK N'ROLL

 

En contact avec Wilhelm Von Dish depuis quelques temps déjà, il nous a paru normal de l'interroger sur ses dessins et son rapport à la musique. 

Interview !

Peux-tu nous dire comment tu es venu au dessin ? Tu as appris « sur le tas » ou as-tu pris des cours ?

J’ai appris tout seul depuis tout petit en essayant de redessiner mes personnages de bd préférés comme Astérix et Gaston Lagaffe. J’ai toujours été retors aux cours de dessin et à l’enseignement artistique. Bien mal m’en a pris ! Aujourd’hui, je sue comme un galérien sur une foultitude de choses qui me bloquent carrément ou me font perdre un temps de diiingue ! Autodidacte, mon cul ! Rien ne vaut une formation classique, pauvres mortels !

Aujourd'hui, c'est un métier ou un hobby ?

J’ai un boulot régulier à mi-temps en tant que graphiste/illustrateur et chargé de communication pour une association socio-culturelle qui organise des pièces de théâtre, des conférences, des débats, des concerts à thème et ce genre de choses. J’y ai carte blanche créativement parlant et donc, oui, je gagne ma croûte grâce à mon art.

A côté de ça, je reçois deux ou trois commandes de dessins par mois pour des groupes rock ou des organisateurs. Ça complète mon salaire de graphiste. Et donc je gagne ma vie en dessinant des conneries. J’aurai galéré pendant une trentaine d’années, mais comme on dit, quand tu avances assez longtemps dans la même direction, tu finis bien par arriver quelque part.

Comment es-tu organisé, tu attends les commandes ? Tu proposes tes services ? Tu démarches ?

En fait, je suis en permanence attelé à des projets persos qui sont plutôt des projets à long terme que j’interromps pour me consacrer aux commandes que je reçois de façon régulières (je viens de finaliser quatre commandes durant mes trois semaines de vacances). Je connais énormément de gens un peu partout en Europe et aux States d’une part en raison de ma production artistique et puis parce que j’ai joué dans pas mal de groupe, organisé des concerts/tournées et bossé pour des tour managers pendant trente ans. Du coup, j’ai des potes partout qui ont des potes, etc… Puis les clients deviennent réguliers…

Par exemple, j’ai bossé pour Loran de Astroïd que j’ai connu par mon pote Vincent qui bosse à l’Aéronef à Lille. Loran s’est avéré être un pote à tous mes potes de Lille que je connais depuis les 90’s. Du coup, j’ai eu des commandes de Toxic Waste et des Crazukids dans la foulée.

Puis Loran a bossé sur le dernier album d’Arno Futur qui du coup a fait appel à moi pour sa pochette.

Ici je viens de finir une pochette de cd pour un groupe de rap local, Ambiance Néfaste. C’est des mecs de 20 ans de moins que moi que j’ai connu quand j’étais animateur en MJC.

Pareil pour les groupes ricains.

C’est le networking D.I.Y à la punk qui finit par se professionnaliser.

Du coup, même sans démarcher, je me retrouve avec du boulot par-dessus la frange.

Même le bourgmestre (maire) de Liège qui est fan de bd à une œuvre à moi dans son bureau à l’Hôtel de Ville….

J’ai publié aussi un album de bd, « l’Abîme » en 2017 (48 planche couleurs) tiré à 5000 exemplaires qui est aujourd’hui épuisé et qui était vendu à la fnac (j’ai une photo de mon album entre ceux de Gotlib et de Art Spiegelman). J’ai même eu des interviews double page dans la presse nationale…Là aussi, c’était le même principe. Un ami rocker graphiste qui bosse au service culture de la Province de Liège a montré au chargé de projet des éditions de la Province de Liège des bd que j’avais réalisées et le mec m’a appelé pour me proposer un album.

Te souviens-tu du premier dessin que tu as fait pour le compte d'un groupe ou artiste ?

Ma première pochette, c’était en 1986 pour la cassette de deux amis dont le groupe qui s’appelait « Acrylic Laughter ». C’était un truc à la Cocteau Twins/Echo & The Bunnymen.

La seconde, c’était un 45 tours d’une chorale d’enfants d’un quartier défavorisé de ma ville d’origine, Verviers.

Comment trouves-tu l'inspiration pour dessiner ?

Je peux demander ce que je veux à mon cerveau sauf d’arrêter de pondre des conneries. En fait, je n’ai pas physiquement la capacité de concrétiser tout ce qui me vient à l’esprit.

Je me lève la nuit pour aller pisser et paf ! Ça me tombe sur le coin de la gueule ! Une vraie malédiction ! Malédiction rigolote mais malédiction quand même…

Ton style me rappelle ceux de Chris Cooper et Frank Kozik. Ce sont des influences?

Disons plutôt que nous avons été biberonnés à la même culture. Burlesque, horreur, S-F, humour débile et corrosif, culture dragster et biker, détournement d’images… Tout ça, c’est ce que les dadaïstes faisaient déjà et qui a été, dans une grande mesure, magnifié par la culture punk. Puis nous sommes de la même génération et nous utilisons les mêmes codes rock’n’roll

Je n’ai vraiment connu leur travail en profondeur que quand j’ai connu mon ami John Van Hoose (des groupes Impulse Items et Medication Time) qui a bossé pendant un bon moment pour Kozik.

J’ai collaboré pour un poster d’expo avec les gens de FIREHOUSE, eux aussi de San Francisco.

Sinon, en ce moment, j’adore le boulot de malade de ROCKING JELLYBEAN.

Nous avons interviewé William Stout et Darren Merinuk. Que penses-tu de leur travail ?

Pfiou ! Ces mecs sont des tueurs ! Forcément on navigue dans les mêmes eaux et forcément, ce qu’ils font me plaît énormément et FORCEMENT je te dirai que je ne leur arrive pas à la cheville. J’adore la dynamique de leur travail ! William Stout particulièrement ! Les gens, lorsqu’ils voient ce genre de travail pensent que c’est juste une histoire de "talent", de "don"…ils ne se rendent pas compte, le boulot d’observation, de construction et de recherche que cela représente ni l’étendue de la culture dont cette esthétique est issue.

Si on te commande une affiche de concert ou une pochette de disque, comment ça se passe ? Tu es totalement libre de faire ce que tu veux ou bien y a-t-il une sorte de « cahier des charges » fourni par celui ou celle qui te commande le travail?

Il y a les clients qui ont une idée ultra précise de ce qu’ils veulent. Ils me fournissent un maximum d’infos et de détails. Ce sont les plus faciles. Ils savent ce qu’ils veulent et ils connaissent mon style donc ça fonctionne particulièrement bien.

Il y a ceux qui ont une idée plutôt vague basée plutôt sur un concept que j’essaie d’interpréter à ma façon. En général, cela demande de procéder à des modifications et des ajustements.

Et puis, il y a ceux qu’il faut stimuler en leur proposant des idées et discuter pour définir la direction dans laquelle on va partir.

Dernièrement, tu as réalisé la pochette de l'album de Jonny Weathers. Tu l'as fait parce que c'est quelqu'un que tu apprécies ou simplement parce que c'est « une commande de plus » ?

En fait, je vais réaliser la pochette du PROCHAIN album de Johnny Weathers qui va sortir comme le précédent sur le label LYNCH LAW de mon pote Moldy (dont j’ai réalisé le logo). Et j’apprécie effectivement sa musique. Sans parler que c’est Paul Cook des Pistols qui est derrière les fûts… A vrai dire, je n’ai jamais, à ce jour, bossé pour un groupe dont je n’aimais pas la musique. Bien entendu, il y a des groupes pour qui j’ai travaillé que je surkiffe comme Antiseen, The Hookers ou la pochette de la compil d’hommage à GG Allin « Drink Fight Fuck » et celle de Polecat Boogie Revival (sur Zodiac Killer Records) puis il y a des artistes excellents mais qui sont un peu éloignés de mes goûts et de mon imaginaire créatif. J’ai créé un design de t-shirt pour Lio et je l’ai rencontrée. Elle reprenait du Ramones et j’étais pote avec tous les mecs de son backing band mais son univers musical est malgré tout assez éloigné de ce que je propose graphiquement.

Dans ce genre de cas, qui te passe commande ? Le label Lynch Law Records, Jonny Weathers en personne ? Son manager ?

Dans ce cas précis, c’est le label Lynch Law puisque je connais Moldy depuis plus de 30 ans. La plupart du temps, j’ai directement affaire aux artistes ou aux organisateurs de concerts. J’ai quelques fois eu commande par des labels comme ça a été le cas avec le label Freaksville ou Zodiac Killer.

Dessines-tu également pour des fanzines ou des magazines ? Ici, il existe des zines tels que Dead Groll, Rock Hardi ou feu Dig It ! alimentés par des dessins, tu fais ce genre de chose en Belgique?

Oh que oui. De moins en moins, question de temps. J’ai été un des piliers du magazine rock et bd « La Gazette du Rock » de Liège, « High Heels Slut » de Courtrai, « Hippie Crap », « KICK » et « Detruitu » de Liège, j’ai collaboré au fanzine français « Kontagion » de Paris, « Reality of War » de Toulouse et j’ai même eu des illustrations placée dans le très beau magazine de Philadelphie « Carbon 14 » par Allan « The Goddam » King de Hellstomper.

Peux-tu nous indiquer quelques bons fanzines « rock » belges?

A l’heure actuelle, je ne peux que vous recommander chaleureusement « La Gazette du Rock » qui regroupe les dessinateurs rock les plus pointus du royaume.

Je ne dessine pas du tout et je me demande toujours combien de temps faut-il pour réaliser une illustration? Je sais que cela dépend du travail à effectuer, si c'est de la couleur ou non, etc. mais ça représente combien d'heures de travail, en gros ?

La plupart du temps, vu l’échelle à laquelle je bosse, une pochette de LP ou un poster va me prendre entre 30 à 40 heures de taf. C’est la moyenne mais il arrive que ça tape autour d’une centaine d’heure de boulot voir plus comme ça été le cas pour la pochette de l’album d’Astroïd ou d’un poster que j’ai réalisé pour le groupe de black metal Plague Tomb. J’ai bossé sur des planches durant le confinement dont le format ont fait qu’une page m’a pris 125h de boulot. La ville futuriste qui illustre ma page Facebook par exemple est une case de bd dont la taille originale est de 75cm de longueur.

Darren Merinuk nous a expliqué qu'il travaille en musique, c'est également ton cas ou te faut-il au contraire du silence ?

Ah moi, c’est musique non-stop ! En plus je suis atteint d’une espèce de compulsion qui fait que souvent je cale sur un morceau et je me le mets en boucle pendant des jours ! Le record, c’est « Dancing in the Moonlight » de Toploader que j’ai mis plus de 400 fois d’affilée juste devant « Little Homie » de 2Pac qui est passé 283 fois d’après mon lecteur Itune ! Je me mets de plus en plus souvent du jazz ou de la musique de films d’horreur (The Shining, Texas Chainsaw Massacre, The Think, Angel Heart,…).

Ton univers est très lié à la musique. Comment as-tu découvert le Rock ?

Ah ça ! Le rock, je suis né dedans ! Mon père est un fou de musique. Ado, il allait au célèbre festival de jazz de Comblain-La-Tour pour voir Miles Davis, John Coltrane, etc… jusqu’à ce qu’une année, il y ait un chapiteau avec un DJ qui passait les premiers disques de rock’n’roll et de ce jour, il a chopé le virus. Il a vu 7 fois Gene Vincent, le paternel ! Il va sur ses 80 piges et il écoute les New YorkDolls, Johnny Thunders, les Stooges, MC5, les Clash. Il connait même GG Allin et les Dead Kennedys.

Tout petit, en feuilletant ses bd que je ne savais pas encore lire, j’écoutais ses disques. Mon morceau préféré était « Blueberry Hill » de Fats Domino.

Le skeud de sa collection qui est devenu mon préféré est le fameux live au Starclub de Jerry Lee Lewis. Le meilleur live de tous les temps avec le « It’s Alive » des Ramones d’après moi. Puis évidemment, les Beatles et les Stones, Them, Animals, etc…

Après, j’ai développé mes propres goûts à l’adolescence au début des 80’s. De la new wave au punk rock et punk hardcore en passant par l’industriel et le hip hop.

Grosso merdo, mes goûts vont d’Etienne Daho à Einstürzende Neubauten en passant par NWA et le Velvet Underground…

Tu as un parcours musical ? Tu as joué ou tu joues d'un instrument ?

J’ai chanté toutes les années 90 dans un groupe crust-punk hardcore à la Disorder qui s’appelait Chaos Bastards. On a pas mal tourné dans les squatts d’Europe mais ce n’était pas musicalement un projet très satisfaisant. On a quand même sorti un 7 inch sur un label de Leipzig qui a eu de très bonnes critiques dans Maximum Rock’n’Roll et Profane Existence. Deux labels japonais m’en ont commandé après en avoir trouvé le skeud aux Philippines (quand tu plais au punks japonais, c’est vraiment que tu es inaudible)! Et tout ça avant internet !

Dans les années 2000 j’ai été frontman des Randy Rashers, un groupe à la Mentors, Jabbers, etc… Ensuite j’ai été dans les Punching Pecker Guns et nous avons joué notre premier concert avec Electric Frankenstein. On a aussi joué avec les Bulemics.

Le dernier projet auxquels j’ai participé s’appelait Death Trip. Ensuite, j’ai laissé tomber. Trop fatiguant et chronovore pour un simple hobby…

Quels sont tes groupes et styles préférés ?

Pfiou ! En matière de style, j’aime quasiment de tout mais la base, c’est tout ce qui est sorti du CBGB et du Max’s Kansas City. Sinon j’aime tout ce qu’on appelle aujourd’hui le post-punk. J’aime aussi des groupes comme Venom, Celtic Frost, Bathory. Le hardcore de L.A de 79-81 comme Black Flag, Circle Jerk, The Adolescents,etc…

Mon top ten :

-RAMONES

-NEW YORK DOLLS

-GG ALLIN (surtout les débuts)

-DEAD BOYS

-ANTISEEN

-PERE UBU

-THE JESUS & MARY CHAIN

-THE SISTERS OF MERCY

-JOHNNY THUNDERS (tout)

-JAYNE/WAYNE COUNTY

Des faits marquants ? Concerts ? Rencontres ?

Des tonnes. 20 ans de tournées et d’organisation de concerts, ça fait des paquets de rencontres et d’anecdotes top graves.

Mes meilleurs souvenirs de concerts sont :

Les Ramones et les Jesus & Marychain au Pukkelpop en 1987

Les Cramps, Les New Bomb Turks avec Gaunt et Teengenerate Billy Childish, Turbonegro au squatt de la Glasfabriek à Groningen lors de leurs premiers pas hors de la Norvège, Les Registrators que j’ai organisé à Liège et qui ne parlaient que japonais…

La meilleure tournée à laquelle j’ai participé, c’est le « European Fiasco Tour 2003 » avec Submachine de Pittsburgh et Impulse Items de San Francisco.

Sinon, des centaines de rencontres dingues qui ont débouché sur des amitiés inoxydables… Adam West, El Guapo Stunt Team, Born Dead Icons, les B-Movie Rats, Fleas’n’Lice, Bill Steer de Carcass/Napalm Death, Sal Canzioneri d’Electric Frankenstein, Les Flaming Sideburns…

SI je devais citer une seule rencontre qui m’a marqué ce serait la rencontre avec Dominique des Dogs que j’ai organisé peu de temps avant qu’il ne décède.

T'arrive-t-il de travailler gratuitement ? Pour des groupes « amis » ou des copains ?

Haha ! En général, mes amis sont conscients de mon parcours du combattant et de mon stakhanovisme donc tout le monde me propose directement de l’argent. Il arrive que pour les frères et sœurs de la révolution rock’n’roll, je bosse effectivement gratos surtout si ce n’est pas pour des projets qui me coûte une semaine de taf…

Tu as des projets pour les mois qui viennent ?

Pour les mois et probablement pour les deux ans à venir ! Je bosse en ce moment sur la création/conception d’un bouquin d’art pour un ami peintre qui va reprendre son parcours artistique des 30 dernières années. C’est plutôt passionnant et vraiment fun.

Parallèlement je prépare un gros livre rétrospectif de mes illustrations et comics de 93 à nos jours. Un sacré gros boulot tant au niveau d’exploration de mes archives et de la mise en page que du rédactionnel. Ça tapera probablement dans les 200 pages et j’aurai recours au crowdfunding.

A côté de ça, j’ai commencé une bd uniquement en noir et blanc qui est intitulée provisoirement « End zone » et qui flirte avec des œuvres comme Eraserhead ou Lost Highway.

Merci d'avoir accepté de répondre à nos questions.

Avec plaisir, mon bon ! Merci pour ton intérêt pour mon travail !





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