ROCK LIBRARY - JON SAVAGE - ENGLAND'S DREAMING



« ENGLAND'S DREAMING : LES SEX PISTOLS ET LE PUNK »

Jon Savage. 

(Allia. 2ème édition, août 2005)



Jon Savage a vécu le mouvement punk côté anglais. En 1976, il crée le fanzine « London's Outrage », puis travaille pour les magazines Sounds et Melody Maker. Proche de Malcolm McLaren, manager des Sex Pistols, il côtoie le groupe et le punk dans son ensemble ce qui lui permet, 25 ans plus tard, d'écrire « England's Dreaming ».


Si Please Kill Me peut sembler un peu beauf et indigeste, abordant le sujet avec un certain mépris pour les groupes britanniques, England's Dreaming est bien plus riche et plus subtil. L'ouvrage, passionnant, débute en Angleterre à la fin des années 60, après les Mods (dont il est toutefois question au tout début). Il présente les événements à venir à travers l'ouverture du magasin de Malcolm McLaren, ses aller-retours aux USA, les New York Dolls, le Max's Kansas City, le tout sur fond de vie politique et sociale. Savage laisse la parole à tous les protagonistes, ou presque, puisque John "Rotten" Lydon, chanteur des Sex Pistols, ne s'exprime qu'à travers les témoignages des autres membres du groupe. Ennemi juré de McLaren, il n'y est pas interviewé directement. 

Au fil des pages arrivent les Sex Pistols, puis Clash, Damned, Adverts, le 100 Club, le Roxy, les concerts historiques au Lesser Free Trade Hall de Manchester, Buzzcocks, Joy Division, The Fall, etc. puis Londres à nouveau, Siouxsie & The Banshees, Billy Idol, Nick Kent, le concert des Pistols sur la Tamise, les interdictions de jouer, tout est passé au peigne fin, y compris le film La Grande Escroquerie du Rock N'Roll, légende selon laquelle les Sex Pistols auraient été montés de toutes pièces par un manager machiavélique qui en aurait fait ses marionnettes. Le mythe prend un vilain coup lorsque le manager lui-même (dans un rare moment d'humilité) avoue que tout n'était que mensonge: "Ce film empêchait que tout le truc ne tourne pour nous en une terrible tragédie, et permettait au contraire de le transformer en une fantastique énigme. C'est ce qu'on a essayé de faire, de mentir incroyablement. On l'a fait avec pas mal de succès. Le côté irresponsable de ces mensonges était la clef de tout".


Autre témoignage très intéressant, l'ouverture du Roxy. Tony James explique que tout se fait très rapidement. Chelsea devient Generation X et invite des journalistes à venir les voir jouer dans cet ancien club de prostitués qu'ils viennent de rebaptiser Roxy Club, eux et leur manager Andrew Czezowski. Ainsi le lieu vivra pendant 100 jours, grâce aux nombreux concerts, au bouche à oreille, aux fanzines, à la présence du DJ Don Letts, à l'esprit D.I.Y. et à l'excitation du moment (NdB: l'album The Roxy London WC2 témoigne de cette période)


Ailleurs, l
es groupes signent des contrats, sortent leurs disques, répètent dans des caves, splittent et se reforment comme les Damned. L'envie et l'énergie sont là et tout semble possible sauf pour les Pistols qui se trouvent régulièrement embourbés dans des histoires incroyables de censure, de rupture de contrat et de tensions internes. L'establishment les a de le viseur, les royalistes aussi, au point de tabasser lâchement deux membres du groupe au printemps 77. Pendant ce temps, les concurrents avancent, The Clash signe avec CBS pour £100.000 et sort un premier single. Mark P, du fanzine Sniffing Glue le regrette amèrement: "J'avais tout arrangé pour eux, un EP avec '1977', 'White Riot' et 'Career Opportunities', réalisé par eux-mêmes, ça aurait tout cassé. C'était un vrai gâchis qu'ils se fassent signer".

Plus loin, il est question du White Riot Tour avec The Jam, Subway Sect, Slits et Buzzcocks. Les Prefects y participent également. Vic Godard, chanteur de Subway Sect, témoigne : "c'était du vandalisme de bon aloi. Ils auraient applaudi n'importe quoi. N'importe qui pouvait faire n'importe quoi. Ils devenaient fous. C'est quand tout allait de travers qu'ils nous aimaient le mieux, quand les amplis ne marchaient pas".

Ce livre de plus de 700 pages est une mine d'informations bien loin des clichés que l'on peut parfois lire ailleurs. Couvrant toute la période des 70's, il y est donc question de proto-punk, du premier simple des Ramones, de celui des Damned, et plus loin, du second album de Clash, de la création de Public ImageLimited, de Gang Of Four, de Sid Vicious, et de beaucoup d'autres choses encore. On y trouve aussi une discographie punk assez complète qui ne se limite pas qu'aux groupes anglais. Assurément un des meilleurs livres sur le sujet.



Après England's Dreaming, Jon Savage choisit de sortir une version plus complète. England's Dreaming Tapes contient une grande partie des interviews ayant servi à l'écriture de l'ouvrage précédent. 

«Je n’ai utilisé qu’environ un dixième de tout ce matériel dans 'England’s Dreaming', l’idée de réaliser une nouvelle compilation des cassettes me semblait donc bonne. Du fait de la longue période qui précède et jette les bases du punk, il y avait beaucoup de matériel concernant le 430 King’s Road, la politique radicale de la fin des années 60 et la pop atmosphérique du début des années 70. Il y avait aussi beaucoup de détails supplémentaires concernant la carrière des Sex Pistols. Plutôt que de bricoler une histoire à base de citations tronquées, j’ai classé les interviews en chapitres selon des thèmes : la boutique, le groupe, New York, etc. Certains interviewés – Roberta Bayley par exemple – ont connu McLaren à un autre moment de sa vie. Le fil chronologique est un peu distendu, mais il ne tend pas moins vers un ultime chapitre sur l’enfant perdu du punk, Sid Vicious. »

Fernand Naudin (Merci d'avance pour vos commentaires !)



 


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